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Auteur Honoré de Balzac
Œuvre La Peau de chagrin (1830-1845)
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Contraste
Style typographique
  1. naturellement soumis à quelques variations de pensée, à quelques caprices d’exécution. Sous peine d’affaissement, l’auteur ne pouvait suivre, comme un ouvrier qui taille son bloc de granit, une ligne tracée au cordeau. La régularité du travail aurait tué chez lui l’inspiration, aurait lassé la verve. De là sont venus ces déplacemens de sujets que certaines personnes ont pu lui reprocher, et qui n’étaient que des nécessités de position. La mode, au-devant de laquelle courent les libraires, exigeait des livres à toute force, peu leur importait le sens des œuvres qu’ils publiaient. Ainsi, tel fragment n’avait rien de philosophique et convenait aux Scènes de la Vie privée, tandis que telle scène était une étude philosophique: la fatalité du commerce, le besoin du moment les transposait. La première livraison des ÉTUDES PHILOSOPHIQUES en offre un exemple. Adieu, publié dans le troisième volume des Scènes de la Vie privée, et dont personne n’a compris la destination dans l’œuvre générale, est certes une des plus justes et des plus fermes déductions du thème inscrit sur la Peau de chagrin. L’auteur ne s’inquiétait pas plus de ces transpositions qu’un architecte ne s’enquiert de la place où sont apportées dans le chantier les pierres dont il doit faire un monument. Puis, peut-être, avant de dévoiler son plan au public, voulait-il essayer ses forces, peut-être attendait-il, pour dégager l’édifice de ses échafaudages et de son enceinte de planches, que plusieurs sculptures fussent achevées, que les principales lignes fussent dessinées, et qu’au moins le fronton s’élevât large et pur. ¶ Mieux informé que ne l’ont été certains critiques empressés déjà d’attaquer M. de Balzac par le côté biographique, et qui l’ont peint fort inexactement, nous avons eu des renseignemens sur la partie la plus studieuse et la plus inconnue de sa vie, sur son moment le plus poétique. Ce fut aux jours d’une misère infligée par la volonté paternelle, alors opposée à la vocation du poète, et qui nous ont valu le beau récit de Raphaël dans la Peau de chagrin, ce fut pendant les années 1818, 1819 et 1820 que M. de Balzac, réfugié dans un grenier près de la bibliothèque de l’Arsenal, travailla sans relâche à comparer, analyser, résumer les œuvres que les philosophes et les médecins de l’antiquité, du moyen âge et des deux siècles précédens, avaient laissé sur le cerveau de l’homme. Cette pente de son esprit est une prédilection. Si Louis Lambert est mort, il lui reste de Vendôme un autre camarade, également adonné aux études philosophiques, M. Barchou de Penhoën, auquel nous devons déjà de beaux travaux sur Fitche, sur M. Ballanche, et qui pourrait attester au besoin combien fut précoce chez M. de Balzac le germe du système physiologique autour duquel voltige encore sa pensée, mais où viennent se rattacher par essaims les conceptions qui peuvent paraître isolées. De ces premières études a donc surgi une œuvre scientifique dont nous aurions volontiers développé le but, mais que les confidens de l’auteur nous ont conseillé de tenir dans l’ombre jusqu’au jour où il l’aura suffisamment méditée et où elle pourra sans danger se produire dans toute son étendue. Cette science exigeait trop de temps, trop de fortune peut-être, pour devenir l’occupation exclusive d’une jeunesse nécessairement inexpérimentée ou précaire. D’ailleurs bientôt de graves intérêts auxquels on a fait allusion, contrairement aux lois de la bienséance littéraire, condamnèrent M. de Balzac à des travaux qu’aucun critique n’a pu encore embrasser dans leur ensemble. Quoique mystérieusement enfermées, ces occupations primitives et la pente entraînante d’un esprit métaphysique dominèrent les œuvres auxquelles s’adonna M. de Balzac par nécessité. Ses connaissances, aussi variées qu’étendues, transpirèrent et teignirent si vigoureusement ses premiers essais que certaines personnes auxquelles l’auteur de la Physiologie du Mariage était inconnu attribuaient ce livre à un vieux médecin ou à quelque vieillard enfin veuf! Ainsi que nous le disions, le jour où l’artiste a quitté l’envers de sa tapisserie pour voir le dessin de son lit et ce que produisaient ses couleurs, il s’est aperçu que, malgré lui peut-être, il développait le texte qu’il avait dans l’âme, qu’il déduisait les preuves de sa science cachée, qu’il faisait une œuvre analytigue dont il portait la synthèse en lui-même, qu’il exprimait le drame et la poésie de son monde avant d’en mettre au jour les formules physiologiques. ¶ Cette digression était nécessaire pour faire comprendre dans son entier le système de ces deux ouvrages et les liens qui les unissent. ¶ Nous avons établi que les Études de Mœurs étaient une exacte représentation de tous les effets sociaux, une galerie de tableaux heureusement divisée en salles dont chacune a sa destination. Ainsi, les Scènes de la Vie privée, compositions pleines de fraîcheur, éclatantes de coloris et de jeunesse, sont appelées, quand ce livre sera complet, à figurer la vie humaine dans son réveil matinal, et croissant pour fleurir. Ce sera d’abord l’enfance vue par une seule échappée, mais vivement saisie, peinte dans ses premiers débrouillemens d’intelligence; ce seront, dans Une Fille d’Ève, les premières sensations de la jeune fille, puis les délicieuses timidités des grands enfans de vingt ans; enfin la vie accusée dans ses premières malices qui trahissent déjà des caractères. Là, donc, principalement des émotions, des sensations irréfléchies; là des fautes commises moins par volonté que par inexpérience des mœurs et par ignorance du train du monde; là, pour les femmes, le malheur vient de leurs croyances dans la sincérité des sentimens; le jeune homme est pur; les infortunes naissent de l’antagonisme méconnu que produisent les lois sociales entre les plus naturels désirs et les plus impérieux souhaits de nos instincts dans toute leur vigueur; là le chagrin a pour principe la première et la plus excusable de nos erreurs. Dans ce livre, la vie est donc prise entre les derniers développemens de la puberté qui finit et les premiers calculs d’une virilité qui commence. Cette première vue de la destinée humaine était sans encadrement possible. Aussi l’auteur s’est-il complaisamment promené partout: ici, dans le fond d’une campagne; là, en province; plus loin, dans Paris. Au contraire, les Scènes de la Vie de province sont destinées à représenter cette phase de la vie humaine où les passions, les calculs et les idées prennent la place des sensations, des mouvemens irréfléchis, des images acceptées comme des réalités. A vingt ans les sentimens se produisent généreux; à trente ans, déjà tout commence à se chiffrer, l’homme devient égoïste. Un esprit de second ordre se serait contenté d’accomplir cette tâche; mais M. de Balzac, amoureux des difficultés à vaincre, a voulu lui donner un cadre; il a choisi le plus simple en apparence, le plus négligé de tous jusqu’à ce jour, mais le plus harmonieux, le plus riche en demi-teintes, la vie de province. Là, dans des tableaux dont la bordure est étroite, mais dont la toile présente des sujets qui touchent aux intérêts généraux de la société, l’auteur s’est attaché à nous montrer sous ses mille faces la grande transition par laquelle les hommes passent de l’émotion, sans arrière-pensées aux idées les plus politiques. La vie devient sérieuse; les intérêts positifs contrecarrent à tout moment les passions violentes aussi bien que les espérances les plus naïves. Les désillusionnemens commencent. Ici se vèlent les frottemens du mécanisme social. Là, le choc journalier des intérêts moraux ou pécuniaires fait jaillir le drame et parfois le crime au sein de la famille la plus calme en apparence. L’auteur dévoile les tracasseries mesquines dont la périodicité concentre un intérêt poignant sur le moindre détail d’existence. Il nous initie aux secrets de ces petites rivalités, de ces jalousies de voisinage, de ces tracasseries de ménage dont la force, s’accroissant chaque jour, dégrade en peu de temps les hommes, et affaiblit les plus rudes volontés. La grâce des rêves s’envole. Chacun voit juste, et prise dans la vie le bonheur des matérialités, là où, dans les Scènes de la Vie privée, il s’abandonnait au platonisme. La femme raisonne au lieu de sentir, elle calcule sa chute là où elle se livrait. Enfin, la vie s’est rembrunie en mûrissant. Dans les Scènes de la Vie parisienne, les questions s’élargissent. L’existence y est peinte à grands traits; elle y arrive graduellement à l’âge qui touche à la décrépitude. Une capitale était le seul cadre possible pour ces peintures d’une époque climatérique, où les infirmités n’affligent pas moins le cœur que le corps de l’homme. Ici les sentimens vrais sont des exceptions; ils sont brisés par le jeu des intérêts, écrasés entre les rouages de ce monde mécanique;la vertu y est calomniée, l’innocence y est vendue; les passions ont fait place à des goûts ruineux, à des vices; tout se sublimise, s’analyse, se vend et s’achète; c’est un bazar où tout est coté; les calculs s’y font au grand jour et sans pudeur; l’humanité n’a plus que deux formes, le trompeur et le trompé; c’est à qui s’assujétira la civilisation, la pressurera pour lui seul; la mort des grands parens est attendue; l’honnête homme est un niais; les idées généreuses sont des moyens; la religion est jugée comme une nécessité de gouvernement; la probité devient une position; tout s’exploite, se débite; le ridicule est une annonce et un passeport; le jeune homme a cent ans, et insulte la vieillesse. De cette société corrompue parce qu’elle est éminemment civilisée, de cette société où la misère et le luxe sont toujours en présence, comme deux athlètes dans un cirque où tous deux doivent périr, où la vie brûle, l’auteur introduira plus tard, si sa puissance de création et le temps ne lui manquent pas, dans deux autres salles de sa galerie où se dérouleront les spectacles atroces mais pompeux des masses sociales luttant entre elles; il en peindra la vie et les intérêts incarnés dans quelques hommes chargés d’en prévoir les nécessités et de mettre aux prises les individus entre eux. Ce seront les Scènes de la Vie politique et les Scènes de la Vie militaire, dont les titres accusent trop bien le but pour que nous ne soyons pas dispensés de l’expliquer. Enfin il reposera la vie, là où elle se repose, à la campagne, où se retrouveront les débris des hommes brisés par la politique, par la guerre et par les orages de la vie. Tel est, en raccourci, le plan que nous avons tâché d’exprimer dans notre précédente introduction, et qu’il fallait résumer ici. Telles sont les Études de Mœurs dans leur plus simple dessin. ¶ Quelques critiques n’ayant pas l’échelle de proportion ou n’étudiant pas les divers travaux de l’auteur d’aussi près que nous peut-être, qui avons suivi avec amour toutes les phases de son talent, ont critiqué le peu d’étendue des sujets, les appelant ici des contes, là des nouvelles, et presque partout les amoindrissant. Mais n’en est-il pas de ces prétendues petites choses exactement comme des pierres carrées, des chapiteaux épars, des métopes à demi-couvertes de fleurs et de dragons, qui, vus au chantier, entre la scie ou le ciseau du manœuvre, semblent insignifians et petits, et que l’architecte, dans son dessin, a destinés à orner quelque riche entablement, à faire des voussures, à courir le long des grandes croisées en ogive de sa cathédrale, de son château, de sa chapelle, de sa maison des champs? Certes, l’auteur aurait pu donner les proportions du roman ordinaire à chaque détail, et l’on sait bien qu’il n’en est pas à faire ses premières preuves en ce genre. Mais les existences de cinq bénédictins, mises bout à bout, auraient-elles suffi seulement à exécuter ces six parties des ÉTUDES DE MŒURS? Et d’ailleurs, dans cette riche galerie de tableaux, dont les grandes salles s’étendent à l’infini, ne compte-t-on pas des cadres d’une assez remarquable dimension, tels que ceux d’Eugénie Grandet, du Médecin de campagne et celui des Chouans, qui appartiennent évidemment aux Scènes de la Vie militaire? Enfin, si l’on veut songer que, dans l’innombrable série des sujets déjà connus, il se rencontre soixante figures féminines toutes dissemblables, autant de portraits d’hommes, sans compter ces groupes secondaires où les physionomies, pour être moins distinctes, n’en sont pas moins originales, car toutes possèdent véritablement une poésie particulière qui a dû faire regretter souvent à l’auteur de ne pas l’exprimer entièrement, ne trouvera-t-on pas déjà quelque grandeur à ces ébauches éparses, à ces bases commencées, à ces masses de pierres dont le terrain est encombré? Puis, si l’on vient à comprendre que, forcé de ne dessiner ici qu’un trait, là un profil, plus loin de mettre ce personnage en trois quarts, celui-ci dans la lumière, celui-là dans l’ombre, quelques-uns en pied, d’autres en buste, l’auteur a dû souvent éprouver mille peines à rétrécir ses conceptions dans le cadre qui leur était assigné pour l’harmonie de l’ensemble, assurément on ne lui saura pas moins de gré de ce qu’il n’a pas exécuté que de ce qu’il a fait. Nous ne parlons pas ici de la partie matérielle de ses tableaux, de tant de détails significatifs, d’intérieurs, de façades, de paysages qui, non moins que chaque caractère d’homme, que chaque figure de femme, sont des spécialités. Et n’est-ce point ici le lieu de remarquer qu’un des traits distinctifs de M. de Balzac est d’avoir, le premier, ramené le roman moderne à la vérité, à la peinture des infortunes réelles, tandis que de toutes parts on n’exploitait que des bizarreries et des exceptions, émouvantes sans doute à la manière des topiques, mais qui ne touchaient point et laissaient peu de souvenirs dans l’âme? En un mot, lorsque l’on ne s’occupait que des images, lui s’est occupé des idées. Le roman, pour arriver à une place honorable dans la littérature, doit être en effet l’histoire des mœurs, dont ne se soucient guère les historiens en toges qui se croient grands pour avoir enregistré des faits. Sous ce rapport, M. de Balzac est un historien qui restera. Qu’importe que le vrai qu’il exploite semble d’abord petit, comparé au faux grandiose de tant de livres contemporains, si l’ensemble doit faire une masse imposante! Mais cette critique, relative aux détails, nous semble injuste encore. «M. de Balzac a compris (disions-nous dans un article où nous avons taché de lui rendre justice) qu’en dehors des grands types et des passions majeures, renouvelés sous tant de faces, il existe des types secondaires et des passions de moyen ordre, non moins dramatiques, et surtout plus neufs. Ces passions et ces types, il est allé les chercher presque tous dans la famille, autour du foyer; et fouillant sous ces enveloppes en apparence si uniformes et si calmes, il en a exhumé tout à coup des caractères tellement multiples et naturels en même temps, que tout le monde s’est demandé comment des choses aussi familières, aussi vraies, étaient restées si longtemps inconnues. C’est que jamais aussi romancier n’était entré avant lui aussi intimement dans cet examen de détails et de petits faits, qui, interprétés et choisis avec sagacité, qui groupés avec cet art, avec cette patience admirables des vieux faiseurs de mosaïques, composent un ensemble plein d’unité, d’originalité, de fraîcheur. Ce romancier entreprend pour la société actuelle ce que Walter Scott a fait pour le moyen âge. L’un a résumé en types larges et saillans tous les caractères généraux des grandes époques historiques de l’Angleterre et de l’Écosse: hommes et femmes, corporations et castes, partis, sectes, courtisans, bourgeois, princes, manans, il a tout fait poser devant lui, tout classé, tout mis en relief. L’œuvre de M. de Balzac, plus logiquement disposée, non moins grandiose, n’était pas moins difficile, et n’est pas moins merveilleusement exécutée. A travers toutes les physionomies pâles et effacées de la noblesse, de la bourgeoisie et du peuple de notre époque, il choisit ces traits fugitifs, ces nuances délicates, ces finesses imperceptibles aux yeux vulgaires; il creuse ces habitudes, anatomise ces gestes, scrute ces regards, ces inflexions de voix et de visage qui ne disaient rien ou disaient quelque chose à tous, et sa galerie de portraits se déroule féconde, inépuisable, toujours plus complète, souvent dominée par les visages expressifs de ses femmes, conceptions délicates dont rien ne donnerait l’idée, si nous n’avions ces portraits inouïs auxquels Lawrence a donné une âme, et qui sont à eux seuls des traités de physiognomonie.» ¶ Si l’on trouve çà et là quelques taches, une description un peu longue, une analyse un peu minutieuse, une réflexion refroidissante, un coloris trop vermillonné, des préparations trop coquettes, quelques répétitions de mots, quelques périodes verbeuses qui échappent à la luxuriante nature de l’auteur, doit-on lui en faire un bien grand crime? Pour les voir disparaître, ne doit-on pas attendre l’achèvement de l’édifice? Alors, certes, le terrain se nétoiera. Quel architecte n’a ses trous de boulins à combler, son dernier grattage à faire? Alors, comme nous l’avons dit, se produira une vue complète de l’humanité, avec tous ses mouvans tableaux; les phases de la vie individuelle et sociale, l’histoire des instincts, des sentimens, des passions, l’analyse des erreurs, des intérêts, la peinture des vices, en un mot la physiologie générale de la destinée humaine. Ainsi donc, aux Études de Mœurs la richesse du roman, le luxe des descriptions, les découpures bizarres, la passion à plein cœur, les fleurs à pleines mains, les phases sociales, les maisons de toutes nos villes, tous les styles et tous les genres, en un mot toutes les individualités que nous avons signalées. Cette partie du monument, la plus vaste, la plus ardente, multiple en ses combinaisons, devait occuper principalement la jeunesse de l’auteur. Pour pouvoir aborder de si diverses peintures, ne faut-il pas avoir encore quelques facultés exhorbitantes, des idées qui débordent, une fécondante chaleur de cœur? Ces choses accomplies, l’auteur n’aura-t-il pas fait sur des proportions gigantesques une sorte de speculum mundi? Jadis Skakspeare s’est, dit-on, proposé dans ses compositions scéniques un semblable but; mais, de son temps, la société n’était-elle pas plus tranchée, conséquemment moins compliquée. Puis le théâtre exclut d’ailleurs les peines inouïes et les obstacles presque infranchissables que soulèvent les transitions auxquelles Boileau faisait une part si large, que l’absence de ce travail lui donnait une moins grande estime pour le beau livre de La Bruyère. Ainsi, d’abord, et en ne comparant que les communes résistances de la matière à ouvrer, l’auteur d’aujourd’hui a trouvé le problème plus difficile à résoudre; puis, il le trouve agrandi et d’autant plus rude à entreprendre, qu’il compte autour de lui plus de hauts et solennels devanciers. ¶ Telle est la large base sur laquelle vont s’élever les Études philosophiques. Après avoir accusé dans ses Études de Mœurs au dise-neuvième siècle toutes les plaies sociales, dépeint toutes les professions, parcouru toutes les localités, exploré tous les âges, montré l’homme et la femme dans toutes leurs transformations civiles ou naturelles, physiques ou morales, après nous avoir enfin dépeint les effets sociaux, ici l’auteur tend à remonter aux causes de ces effets. Dans les premières assises de cette construction sont pressées et foulées les individualités typisées; dans la seconde se dressent des types individualisés. Ce peu de mots révèle la loi littéraire au moyen de laquelle M. de Balzac a su jeter le sentiment et la vie dans ce monde écrit. Ainsi là où, dans les Études de Mœurs, il a peint, dans le père Grandet, un avare qui semble être l’avarice tout entière; ici, sa plume met l’avarice aux prises avec elle-même dans maître Cornélius, personnage allégorique qui a toute la saveur d’un avare habilement peint en pied. Les effets étant plus considérables que ne le sont les causes, les Études philosophiques semblent devoir offrir un cercle plus rétréci que ne l’est celui des Études de Mœurs. Cela est vrai. Mais si l’œuvre paraît aller en diminuant de volume, elle gagne en intensité; pour tout dire en un mot, elle se condense. ¶ Maintenant, pour dégager par l’analyse l’essence de cette seconde partie du grand ouvrage, il faut montrer l’âme qui la fait mouvoir, il faut marquer les reflets brillans qu’y projète la science inconnue dont la pensée conduit l’auteur malgré lui. Nous l’avouerons, cette découverte demandait chez le critique une conscience de lecture qui manque à notre Critique moderne. Si nous n’avions pas plus vivement senti les beautés que les défauts de ces compositions, peut-être leur sens caché nous aurait-il échappé. Mais quelques passages rapprochés les uns des autres, quelques épigraphes étudiées avec soin, nous ont mis sur la voie. Pour nous, il est évident que M. de Balzac considère la pensée comme la cause la plus vive de la désorganisation de l’homme, conséquemment de la société. Il croit que toutes les idées, conséquemment tous les sentimens, sont des dissolvans plus ou moins actifs. Les instincts, violemment surexcités par les combinaisons factices que créent les
  2. peuvent, selon lui, produire en l’homme des foudroiemens brusques ou le faire tomber dans un affaissement successif et pareil à la mort; il croit que la pensée, augmentée de la force passagère que lui prête la passion, et telle que la société la fait, devient nécessairement pour l’homme un poison, un poignard. En d’autres termes et suivant l’axiome de Jean-Jacques, l’homme qui pense est un animal dépravé. «Assurément, dit M. Ph. Ch., il n’est pas de donnée plus tragique. A mesure que l’homme se civilise, il se suicide. Le désordre et le ravage portés par
  3. dans l’homme, considéré comme individu et comme être social, telle est l’idée que M. de Balzac a jetée dans ses œuvres. Rabelais avait vu, dans un autre temps, l’étrange effet de la pensée religieuse qui, à force de pénétrer la société, achevait de la dissoudre. L’âme, divinisée par le christianisme, avait tout envahi. Le spiritualisme effaçait la matière; le symbole, l’idéalisation régnaient sans partage; pour un symbole l’Occident s’était rué sur l’Orient. Il dominait la poésie, qu’il réduisait à l’état de fantôme, en multipliant les personnifications allégoriques, en bannissant de son domaine les êtres vivans, la chair et le sang humains. Rabelais s’arma d’un symbole pour faire la guerre au symbole. Holà! messer Gaster, voici votre règne! Tonnes pleines d’hypocras, bons saucissons chargés d’épices, bombance gigantesque, culte de la dive bouteille, douce abbaye de Thélème, dont le rien-faire est la liturgie, venez! et donnez-nous, dans une épopée immense l’apothéose, de ce corps humain que l’on foule aux pieds. L’ère de Rabelais a expiré, celle qu’il annonçait parcourt son cycle et l’accomplit. Ce ne sont plus les ravages de la pensée idéaliste, mais ceux du sensualisme analytique que le romancier philosophe peut retracer aujourd’hui.» ¶ Certes, la phrase de Jean-Jacques, commentée par Godwin, poétisée par lord Byron, atteste combien peu serait neuve la pensée intime de M. de Balzac. Là, néanmoins, commence la grandeur de son œuvre. Les plus immenses découvertes des sciences mathématiques ou physiques ne sont jamais que la preuve cherchée, trouvée ou devinée d’un fait déjà connu. Des générations entières avaient vu les révolutions de la terre et du ciel; Newton, Kepler, Lagrange, Laplace, Arago en ont dit, en disent encore les causes, ils prouvent en un mot. Le fait physico-moral qui meut le monde social avait été mieux formulé par la sagesse des nations que Rousseau ne l’a formulé lui-même. La lame use le fourreau, dit le peuple. M. de Balzac, lui, écrit LOUIS LAMBERT! Il prouve à la manière des savans. Nous avons à dessein cité l’histoire de LOUIS LAMBERT. Là se trouve, en germe informe, cette science tenue secrète, science cruellement positive, dit-on, et qui terminerait bien des discussions philosophiques. Pour LOUIS LAMBERT, y dit-il, la Volonté, la Pensée étaient des forces vives. Soit prouvée cette proposition, voyez où elle mène? Avant de publier LOUIS LAMBERT, l’auteur avait dit dans LA PEAU DE CHAGRIN: «Elle parut s’amuser beaucoup (Fœdora) en apprenant que la volonté humaine était une force matérielle semblable à la vapeur.» Étudiez l’épigraphe mise en tête de l’Adieu, où l’auteur nous a peint une femme naissant tout à coup à la vie en retrouvant sa raison; enfant par la faiblesse, femme pour sentir un bonheur complet? La vie et l’amour tombent sur elle comme la foudre, elle n’en soutient pas l’assaut, elle meurt! Les plus hardis physiologistes, dit la terrible épigraphe, sont effrayés par les résultats physiques de ce phénomène moral qui n’est cependant qu’un foudroiement opéré à l’intérieur, et, comme tous les effets électriques, bizarre et capricieux dans ses modes. Voyez dans LE MÉDECIN DE CAMPAGNE la discussion sur le suicide? Aussi, dit Benassis, est-ce la pensée qui tue et non le pistolet. Enfin, dans la nouvelle édition de Louis Lambert, déjà imprimée pour ces Études philosophiques, et dont le libraire nous a confié les épreuves, se trouvent ces mots: «Notre cervelle est le matras où nous transportons ce que nos diverses organisations peuvent absorber de matière éthérée, base commune de plusieurs substances connues sous les noms impropres d électricité, chaleur, lumière, fluide galvanique, magnétique, etc., et d’où elle sort sous forme de pensée. Rapprochez ces fragmens épars dans l’œuvre des belles pages où Balthazar Claës explique l’absolu chimique et dit à sa femme: Nos sentimens sont l’effet d’un gaz qui se dégage? n’apercevrez-vous pas les élémens d’une œuvre scientifique dont les éclairs jaillissent, malgré l’auteur? Ici nous sommes loin de l’homme qui pense est un animal dépravé. La question est indécise! Quelle est la fin de l’homme du moment où celui qui ne désire rien, qui vit sous la forme d’une plante, existe cent ans, tandis que l’artiste créateur doit mourir jeune? Où est le soleil, là est la pensée; où est le froid, là est le crétinisme, là est la longévité, est-il dit dans LOUIS LAMBERT. Ce fait est toute une science. Ces paroles, et beaucoup d’autres qui les étendent ou les confirment, semées dans cent pages de M. de Balzac, expliquent ses Études philosophiques. ¶ Avant d’arriver à la société composée d’hommes, l’auteur a dû s’appliquer à décomposer l’homme, qui en est pour ainsi dire l’unité. Or, les critiques n’ont pas vu que la Peau de chagrin est un arrêt physiologique, définitif, porté par la science moderne, sur la vie humaine; que cet ouvrage en est l’expression poétique, abstraction faite des individualités sociales. L’effet produit par le désir, par la passion, sur le capital des forces humaines, n’y est-il pas magnifiquement accusé? De là cette morale que peignait si énergiquement le caporal Trim, par le moulinet qu’il trace en l’air avec son bâton et dont M. de Balzac a fait une épigraphe si mal comprise par la plupart des lecteurs. Peu de personnes ont vu qu’après un tel arrêt porté sur notre organisation il n’y avait d’autres ressources, pour la généralité des hommes, que de se laisser aller à l’allure serpentine de la vie, aux ondulations bizarres de la destinée. Donc, après avoir poétiquement formulé, dans la Peau de chagrin, le système de l’homme, considéré comme organisation, et en avoir dégagé cet axiome: «La vie décroît en raison directe de la puissance des désirs ou de la dissipation des idées,» l’auteur prend cet axiome comme un cicérone prend la torche pour vous introduire dans les souterrains de Rome, il vous dit: Suivez-moi! Examinons le mécanisme dont vous avez vu les effets dans les Études de Mœurs! Alors il fait passer sous vos yeux les sentimens humains dans ce qu’ils ont de plus expressif en comptant sur votre intelligence pour revenir par des dégradations aux crises moins fortes dont se composent les événemens de la vie individuelle. Il s’élance, il montre l’idée exagérant l’instinct, arrivant à la passion, et qui, incessamment placée sous le coup des influences sociales, devient désorganisatrice. Ainsi, dans l’Adieu, l’idée du bonheur, exaltée à son plus haut degré social, foudroie l’épouse, et par épouse l’auteur entend nécesairement l’épouse et l’amante. Dans le Réquisitionnaire, c’est une mère tuée par la violence du sentiment maternel. Voilà donc la femme considérée sous ses trois faces sociales, comme amante, comme épouse, comme mère, et devenant, sous ces trois aspects, victime de l’idée. Dans el Verdugo, c’est l’idée de dynastie mettant une hache dans la main d’un fils, lui faisant commettre tous les crimes en un seul. «Là, dit encore M. Ph. Ch., le parricide est ordonné par une famille et au nom d’une chimère sociale, le parricide pour sauver un titre!» Voyez comme dans l’Élixir de longue vie l’idée Hérédité devient meurtrière à son tour, et combien est acéré le poignard qu’elle met dans la main des enfans! Suivez-moi, si vous en avez le courage? venons assister ensemble à ce terrible drame exécuté au bord de la mer? Le voyez-vous, ce pénitent sinistre, assis immobile au haut de son rocher? Eh bien, là encore l’idée a porté ses ravages! la paternité, à son tour, est devenue tueuse. Ce pénitent est un père qui a noyé son fils parce qu’il soupçonnait en lui des instincts que la société réprouve, et s’est fait meurtrier pour que son fils ne le devînt pas. Idée sublime! Examinez maintenant cette autre étude, dont le titre ingénieux est à lui seul toute une biographie, Histoire de la Grandeur et de la Décadence de César Birotteau, marchand parfumeur, chevalier de la Légion-d’Honneur et adjoint au maire du deuxième arrondissement de la ville de Paris? le développement du décourageant axiome formulé par la Peau de chagrin marche à travers le monde en y versant des lumières sur toutes les catastrophes. César Birotteau, type parfait du négociant probe, du négociant pour qui la considération est une autre atmosphère indispensable, est tué soudainement par l’idée probité comme par un coup de pistolet; il a soutenu le malheur goutte à goutte, il ne soutient pas la joie et la vie qui tombent sur lui comme une trombe et le brisent. Cette étude est un chapitre de plus ajouté à l’histoire d’une famille que les pinceaux de M. de Balzac ont surtout affectionnée. Le pauvre vicaire de Saint-Gatien, qui joue un rôle dans les Études de Mœurs, est représenté ici dans la personne de son frère; mais François Birotteau est une individualité, tandis que César Birotteau sera regardé comme le type de cette classe nombreuse à laquelle appartiennent plusieurs personnages semés dans l’œuvre de l’auteur, figures modestes dont la grandeur vient de la manière dont elles se détachent sur le fond commun des souffrances humaines, qu’elles semblent réveiller toutes avec les leurs. Telles sont la Fosseuse et Gondrin, dans LE MÉDECIN DE CAMPAGNE, la grande Nanon, madame Grandet et sa fille, dans EUGÉNIE GRANDET, l’Enfant maudit, Juana de Mancini, le Comte Chabert, le Père Goriot, Pauline de Villenoix Louis Lambert et plusieurs autres. En effet, nul auteur n’a su mieux assigner sa part à chacune des sphères sociales. S’il transfigure le monde des millionnaires, il semble affectionner, il caresse le monde où l’on souffre; partout dans son œuvre les gens dépouillés comparaissent auprès des spoliateurs. Un jour cette justice lui sera rendue. Si Walter Scott plaide pour les habits brodés, M. de Balzac a réveillé nos sympathies pour les infortunes courageuses, pour les chagrins domestiques. Son style n’est mordant, sa raillerie n’est incisive que pour les riches; pour les pauvres et les souffrans, sa palette n’a que de douces couleurs. Vient ensuite Maître Cornélius, cette forte étude historique, où l’on retrouve si nettement dessinés les traits les plus curieux de cette grande figure de Louis XI, toujours incomplètement reproduite dans les tableaux des romanciers ou dramaturges; et là, voyez quelle inévitable logique! c’est l’idée avarice tuant l’avare dans la personne du vieil argentier. Le Chef d’œuvre inconnu nous montre l’art tuant l’œuvre; première initiation à la tragédie de Louis Lambert. Dans l’Auberge rouge, cette sanglante histoire d’un parvenu, la plus terrible peut-être qu’ait imaginée M. de Balzac, se trouve une analogie magnifiquement exécutée entre l’idée d’un crime et le crime même. Là, selon nous, à part les détails de cette composition, se rencontrent les plus sévères déductions du thème général. Un être débile tué par la terreur est le résultat de l’histoire intitulée: l’Enfant maudit, délicieuse histoire désormais complétée par un nouveau volume que chacun pressentait. La chaude et savante étude des Proscrits contient plusieurs propositions identiques: le suicide d’un enfant que l’ambition du ciel dégoûte de la vie, le génie devenant funeste à un grand poète, et l’idée de Patrie faisant crier à ce poète: — Mort aux Guelfes! au moment où il vient de peindre les supplices infernaux destinés aux assassins. Jésus-Christ en Flandre est la démonstration de la puissance de la foi, considérée aussi comme idée. Ici la conclusion habituelle de M. de Balzac eût pu être facilement appliquée, car à combien de martyrs cette idée n’a-t-elle pas été funeste? mais il a mieux aimé se reposer un instant de son affligeant système et faire luire un rayon du ciel à travers les masses de ténèbres dont il nous montre environnés. «Dans ce conte, suivant l’expression du critique déjà cité, «les pariahs de la société, ceux qu’elle bannit de ses universités et de ses collèges, restent fidèles à leurs croyances, et conservent, avec leur pureté morale, la force de cette foi qui les sauve, tandis que les gens supérieurs, fiers de leur haute capacité, voient s’accroître leurs maux avec leur orgueil, et leurs douleurs avec leurs lumières.» ¶ Le rêve fantastique intitulé l’Église est une saisissante vision des idées religieuses se dévorant elles-mêmes, et croulant tour à tour les unes sur les autres, ruinées par l’incrédulité, qui est aussi une idée. Louis Lambert est la plus pénétrante et la plus admirable démonstration de l’axiome fondamental des Études philosophiques. N’est-ce pas la pensée tuant le penseur? fait cruellement vrai que M. de Balzac a suivi pas à pas dans le cerveau, et dont Manfred est la poésie, comme Faust en est le drame. ¶ L’ordre adopté par l’éditeur pour la publication successive des Études philosophiques nous oblige à garder le silence sur l’ECCE HOMO, terrible contre-partie de LOUIS LAMBERT. Il faut aussi que nous nous taisions sur ces titres qui annoncent de beaux livres, les puînés de Louis Lambert, sans doute! — SŒUR MARIE DES ANGES. — LE LIVRE DES DOULEURS. — MELMOTH RÉCONCILIÉ. — AVENTURES D’UNE IDÉE HEUREUSE; sur SÉRAPHITA même, quoique la Revue de Paris en ait publié le commencement. Même silence sur LE PROPHÈTE, sur LE PRÉSIDENT FRITOT, sur LE PHILANTROPE ET LE CHRÉTIEN. Mais ce que nous pouvons prévoir, c’est que l’auteur n’oubliera aucun sentiment humain, aucune idée, que toute l’âme de l’homme va passer dans son redoutable creuset, comme toute la société a passé sous ses pinceaux. La Comédie du Diable, si bouffonne en apparence, est devenue, dans cette édition, une âpre critique des gouvernemens, une sorte de tohu-bohu des politiques, une sarcastique transition pour arriver à la conclusion de l’œuvre, à cette Histoire de la Succession du marquis de Carabas, qui sera la formule allégorique de la vie collective des nations, comme la Peau de chagrin est la formule de la vie. «C’est non-seulement, dit M. Ph. Ch., à qui nous emprunterons ce dernier aperçu (car à lui aussi ont été faites quelques confidences sur cet ouvrage), «c’est non-seulement la société dans ses masses que frappe de mort l’égoïsme, fils de l’analyse et de cette raison approfondissante qui nous ramène sans cesse à notre personnalité; c’est aussi la société dans ses élémens partiels, c’est encore le gouvernement et la politique. De degrés en degrés, l’auteur s’élèvera jusqu’à cette dernière ironie, la plus haute, et la plus en harmonie avec notre temps. Dans l’Histoire de la Succession du marquis de Carabas, dernière œuvre qui complétera la grande vue philosophique de M. de Balzac, nous verrons la société politique en proie à la même impuissance, au même néant qui dévore Raphaël dans la Peau de chagrin; même intensité de désir, même éclat extérieur, même misère réelle, même formule inévitable, éternelle, où la NATIONALITÉ se trouvera pressée comme L’INDIVIDUALISME l’est dans la sienne.» ¶ Ces hautes vues philosophiques seront complétées par plusieurs autres études en germe dans la pensée de l’auteur, mais que son inépuisable verve aura peut-être fait éclore avant que nous n’ayons achevé nous-même ces pages arides ou nous disséquons péniblement le génie le plus chaud, le plus vivace, le plus fécond de notre époque. ¶ Dans notre désir de nous rendre compte à nous-même d’un ouvrage dont la portée effraie, et où la pensée se perd comme un voyageur s’égare dans le dédale des arcades d’une ville qui n’existe plus (comparaison juste pour une ville commencée qui n’existe pas encore, à la différence près des ruines aux construction neuves), nous avions aperçu dans les Études philosophiques, telles que l’auteur nous les montre aujourd’hui, les traces d’une espérance qui vivifie ces désespérantes figures d’écorchés. Il nous semblait, si nous pouvons risquer cette image, qu’au sein de ces passions déchaînées et qui crient aussi puissamment que dans le final de Don Juan, une voix religieuse, et pleine de suavités, mystérieuse, mais consolatrice, dominait ces cris horribles et montait vers le ciel. En rassemblant dans la pensée ces cinq grandes poésies: l’Enfantmaudit, les Proscrits, Louis Lambert, Jésus-Christ en Flandre, et Séraphita; en leur supposant quelques anneaux, quelques compositions intermédiaires, nous avons aimé à penser qu’à travers nos sentimens foudroyés par l’analyse l’auteur faisait courir un radieux rayon de foi, une mélodieuse métempsycose chrétienne qui commençait dans les douleurs terrestres et aboutissait au ciel. Nous l’avons demandé, non sans émotion, à l’auteur, et nous a confirmé dans cette croyance par un de ces mots qui viennent de l’âme, qui révèlent un beau cœur. Donc, lorsque cet architecte aura fini d’agiter sa baguette magique, des lueurs divines éclaireront sa cathédrale, dont la destination sera double, comme l’est celle de ces beaux monumens du moyen âge en dehors desquels se pressent les passions humaines sous de fantastiques figures d’hommes ou d’animaux, tandis qu’à l’intérieur rayonnent les beautés pures de l’autel. ¶ Faisons des vœux pour que la Critique soit bienveillante à ce laborieux ouvrier, souhaitons que ni le découragement, ni la maladie, ni la misère ne lui arrachent des mains son outil créateur; car nous l’aurons dit le premier et nous nous ferons gloire de l’avoir dit, il s’agit ici d’une des plus immenses entreprises qu’un seul homme ait osé concevoir; il s’agit d’une œuvre qu’un poète ingénieux nommait, devant nous, les Mille et une Nuits de l’Occident, sans savoir, que ces morceaux, si divers, si poétiques, si vrais, pris séparément, s’enchaînaient et devaient produire le speculum mundi dont nous parlions! ¶ Et que sera-ce, lorsque, plus tard, la troisième partie, dont le titre est connu de quelques amis de l’auteur, quand les Études analytiques, auxquelles appartiennent évidemment la Physiologie du Mariage et le Traité de la Vie extérieure, dont plusieurs fragmens ont été publiés, quand ces dernières conséquences d’une vaste pensée viendront couronner de leurs riches entablemens ce palais littéraires, comparable aux poèmes que les Sarrasins écrivaient en marbre, et sur lequel ils gravaient l’Alcoran en caractères d’or? À ce dernier labeur, où se concentrera l’examen railleur des principes sociaux, appartient encore un livre dont le titre (la Monographie de la Vertu) a plus d’une fois excité la curiosité de ceux qui, du fond de leurs solitudes, applaudissent aux efforts de l’auteur, qui marquent avec orgueil les phases progressives de son talent, et s’initient par des vœux à ses fatigues et à ses veilles. ¶ Ainsi donc, quand les ÉTUDES DE MŒURS auront peint la société dans tous ses effets, les ÉTUDES PHILOSOPHIQUES en constateront les causes, et les ÉTUDES ANALYTIQUES en creuseront les principes. Ces trois mots sont la clef de cette œuvre étourdissante par sa profondeur, surprenante pas ses détails, dont nous avons essayé de faire comprendre ici toute la portée. ¶ ¶ FÉLIX DAVIN. ¶ ¶ 6 décembre. ¶ ¶ ¶ ¶ LA PEAU DE CHAGRIN, ¶ ¶ PREMIER VOLUME. ¶ ¶ PREMIÈRE PARTIE. ¶ ¶
  4. l’inconnu
  5. ,
  6. ,
  7. ,
  8. -
  9. mais
  10. ,
  11. . Enfin,
  12. ,
  13. ,
  14. ,
  15. ,
  16. ,
  17. ,
  18. ,
  19. ,
  20. ,
  21. ,
  22. ,
  23. ,
  24. ,
  25. ,
  26. ,
  27. en idée
  28. ,
  29. ,
  30. éprouvèrent,
  31. ,
  32. la Révolution leur ordonnait de couper les
  33. ,
  34. ,
  35. étaient marbrées
  36. ,
  37. ,
  38. ,
  39. ,
  40. ,
  41. ,
  42. ,
  43. ,
  44. ,
  45. , comme les ames fortes,
  46. et
  47. ,
  48. ,
  49. ,
  50. ,
  51. dont ils sont entourés
  52. ,
  53. ,
  54. ,
  55. ,
  56. Hein!
  57. ,
  58. ,
  59. ,
  60. ,
  61. ,
  62. s’étiolent
  63. y
  64. trois
  65. ,
  66. il admirait
  67. lui
  68. ,
  69. ,
  70. ,
  71. ,
  72. ,
  73. ,
  74. car
  75. et
  76. même
  77. avec une vîtesse aristocratique, et
  78. ,
  79. ,
  80. nous éprouvons tous, en certains jours de notre vie,
  81. ,
  82. morales
  83. ,
  84. ,
  85. toute
  86. Donc, l’inconnu
  87. de
  88. ,
  89. ,
  90. ,
  91. ,
  92. ,
  93. ,
  94. ,
  95. ,
  96. ,
  97. gigantesques,
  98. ,
  99. ,
  100. ,
  101. ,
  102. aux hosties
  103. ,
  104. ,
  105. ,
  106. ,
  107. ,
  108. ,
  109. Puis
  110. ,
  111. ,
  112. … Alors
  113. ,
  114. ,
  115. ,
  116. bouillantes, au
  117. ,
  118. ,
  119. toutes
  120. , sans culture,
  121. était enrichi
  122. ,
  123. ,
  124. ,
  125. ,
  126. ,
  127. de fabrication
  128. ,
  129. ,
  130. ,
  131. ,
  132. ,
  133. ,
  134. ,
  135. ,
  136. ,
  137. ,
  138. ,
  139. ,
  140. ,
  141. ,
  142. ,
  143. ,
  144. toutes
  145. ,
  146. , soit
  147. ,
  148. ,
  149. ,
  150. ,
  151. ,
  152. ,
  153. repousse les mystères
  154. ,
  155. ,
  156. ,
  157. , soit
  158. ,
  159. précordiale
  160. en
  161. et
  162. car
  163. et
  164. ,
  165. ,
  166. ,
  167. ,
  168. … Eh! eh!…
  169. ,
  170. ,
  171. ,
  172. ,
  173. ,
  174. ,
  175. en
  176. est investi
  177. . Comme eux
  178. ,
  179. !
  180. et
  181. ,
  182. ,
  183. en
  184. ,
  185. et,
  186. et
  187. ,
  188. ;
  189. ou
  190. ,
  191. ,
  192. À ces mots, il
  193. ,
  194. ,
  195. nous avons,
  196. , admiré
  197. , enfin,
  198. ,
  199. car
  200. ,
  201. ,
  202. ,
  203. ,
  204. et
  205. ,
  206. ,
  207. et
  208. simple et
  209. ,
  210. Je
  211. , depuis ce matin,
  212. ,
  213. ,
  214. ,
  215. beaucoup
  216. ,
  217. ,
  218. ,
  219. ,
  220. ,
  221. ,
  222. ,
  223. ,
  224. , dans un article,
  225. ,
  226. ,
  227. ,
  228. ,
  229. ,
  230. ,
  231. ,
  232. ,
  233. ,
  234. ,
  235. ,
  236. ,
  237. et
  238. ,
  239. ,
  240. ,
  241. oh,
  242. ¶ –
  243. ,
  244. ; et
  245. ,
  246. ,
  247. même
  248. ,
  249. ,
  250. ,
  251. ,
  252. ,
  253. et,
  254. ,
  255. ,
  256. ,
  257. sans cesse en présence,
  258. et
  259. ,
  260. ,
  261. ,
  262. ,
  263. et
  264. ,
  265. ,
  266. !
  267. ,
  268. ,
  269. spirituelle
  270. ,
  271. ,
  272. en Europe
  273. ,
  274. ,
  275. . Alors
  276. ,
  277. ,
  278. ,
  279. ,
  280. ,
  281. ,
  282. ,
  283. ,
  284. ,
  285. ,
  286. ,
  287. ,
  288. , le sens
  289. ,
  290. ,
  291. ,
  292. ,
  293. ,
  294. ,
  295. ,
  296. ,
  297. ,
  298. ,
  299. ,
  300. ,
  301. ,
  302. ,
  303. ,
  304. ,
  305. ,
  306. ,
  307. ,
  308. ,
  309. ,
  310. et,
  311. ,
  312. ,
  313. ,
  314. ,
  315. ,
  316. ,
  317. ,
  318. ,
  319. ,
  320. ,
  321. ,
  322. ,
  323. ,
  324. ,
  325. ,
  326. ,
  327. ,
  328. ,
  329. ,
  330. ,
  331. ,
  332. ,
  333. ,
  334. si cruellement logiques
  335. , suivant l’expression d’Horace Walpole,
  336. ,
  337. ,
  338. ,
  339. ,
  340. ,
  341. ,
  342. ,
  343. ,
  344. ,
  345. ,
  346. ,
  347. ,
  348. allez donc!
  349. ,
  350. ,
  351. ,
  352. ,
  353. ,
  354. pas
  355. ,
  356. ,
  357. ,
  358. contempler
  359. , dans l’air
  360. ,
  361. ,
  362. ,
  363. ,
  364. ,
  365. ,
  366. ,
  367. ,
  368. ,
  369. ,
  370. et Charles Nodier le Qu’est-ce que cela me fait? de Breloque. Encore,
  371. un
  372. ! ah
  373. ,
  374. ,
  375. – Père, j
  376. ,
  377. ,
  378. ,
  379. ,
  380. ,
  381. . ¶ ¶ FIN DE LA PREMIERE PARTIE. ¶ ¶ DEUXIÈME PARTIE
  382. ,
  383. ,
  384. seul et
  385. ,
  386. ,
  387. ,
  388. ,
  389. . Cette
  390. .
  391. ,
  392. rester
  393. ,
  394. . C’était
  395. ; et,
  396. ; du moins
  397. ,
  398. ,
  399. ,
  400. ,
  401. ,
  402. il me fallait,
  403. ,
  404. ,
  405. ,
  406. ,
  407. et
  408. ,
  409. ,
  410. . Sa bourse contenait
  411. visibles
  412. en
  413. ,
  414. ,
  415. ma
  416. ,
  417. ,
  418. ,
  419. ! il y avait,
  420. même
  421. ,
  422. ,
  423. toutes
  424. jeune
  425. il
  426. je
  427. . Puis, il
  428. ,
  429. comme
  430. ,
  431. ,
  432. ,
  433. ,
  434. ,
  435. ,
  436. la figure de mon père portait l
  437. ,
  438. si délicate
  439. ,
  440. qu’il
  441. ,
  442. ,
  443. ,
  444. ,
  445. ,
  446. ,
  447. ,
  448. ,
  449. ; quoique
  450. tous
  451. ,
  452. ,
  453. sans mère
  454. Puis, j
  455. ,
  456. ,
  457. ,
  458. entière
  459. ,
  460. ,
  461. par
  462. ,
  463. ,
  464. ,
  465. ,
  466. ,
  467. ,
  468. ,
  469. ,
  470. ,
  471. ,
  472. , et plaider pour mon divorce avec elle!
  473. ,
  474. presque
  475. ,
  476. ,
  477. ,
  478. ,
  479. toute
  480. ,
  481. et
  482. ,
  483. ,
  484. toutes
  485. ,
  486. , dix fois dans ses rêves,
  487. j’avais encore
  488. à
  489. ,
  490. ,
  491. ,
  492. ,
  493. ,
  494. ,
  495. ,
  496. et
  497. bien
  498. ,
  499. À peine trouve-t-il assez de
  500. et
  501. ,
  502. ,
  503. ,
  504. ,
  505. ,
  506. était surchargée
  507. pour ainsi dire
  508. et
  509. ,
  510. ,
  511. ,
  512. enfin,
  513. ; c’était assez
  514. ,
  515. ; mais,
  516. ,
  517. et
  518. ,
  519. ,
  520. tout en dehors; celui-ci
  521. ,
  522. ,
  523. un
  524. ,
  525. du ciel
  526. bientôt
  527. ,
  528. ,
  529. dans
  530. ,
  531. ,
  532. ,
  533. peut-être parce qu’
  534. ,
  535. tous
  536. je
  537. , le lit bleu
  538. écrits dans ses traits, et
  539. et
  540. obscures
  541. et
  542. y
  543. ,
  544. ,
  545. le lendemain je
  546. ,
  547. ,
  548. ,
  549. ,
  550. mais ils
  551. ,
  552. ,
  553. ,
  554. ,
  555. et
  556. cette vie secrète, ce
  557. ,
  558. tous
  559. ,
  560. ,
  561. ,
  562. La petite
  563. ,
  564. ,
  565. . Elle
  566. pensée, est saisi
  567. ,
  568. qu’elle
  569. ,
  570. j’eus l’idée,
  571. tous
  572. ,
  573. ,
  574. qu’elle faisait
  575. dont elle était vêtue
  576. Ane, une reine en esclavage
  577. . Ainsi
  578. ,
  579. ,
  580. ,
  581. ,
  582. car
  583. ,
  584. ,
  585. ,
  586. ,
  587. ,
  588. ,
  589. ,
  590. , plus de goût
  591. et
  592. .
  593. ,
  594. ,
  595. ,
  596. ,
  597. ; et alors
  598. la Poésie ou l
  599. , si entraînant
  600. ,
  601. ? Eh bien,
  602. et
  603. ,
  604. ,
  605. Fœdora!
  606. et
  607. »
  608. ! Ce nom
  609. ,
  610. ,
  611. ,
  612. tout
  613. chez Tabar
  614. Je trouvai
  615. car
  616. ,
  617. S.,
  618. et même
  619. mais
  620. ? Ainsi
  621. ,
  622. ,
  623. ,
  624. ,
  625. ,
  626. ,
  627. ,
  628. je tâchai,
  629. tantôt
  630. ,
  631. en
  632. ,
  633. et
  634. un
  635. et
  636. ,
  637. ,
  638. ,
  639. ,
  640. , de Diderot
  641. ,
  642. ,
  643. ,
  644. à l’examen le plus minutieux de
  645. de
  646. ,
  647. ,
  648. ,
  649. certes tout
  650. ,
  651. ,
  652. ,
  653. ,
  654. tandis que
  655. ,
  656. ,
  657. mais
  658. tout entière
  659. ,
  660. toutes
  661. et
  662. ,
  663. ,
  664. ,
  665. tous
  666. en pensées et plus beaux
  667. ,
  668. , même
  669. ,
  670. est couverte
  671. ,
  672. ,
  673. . Eh bien!
  674. ,
  675. qui se révélaient
  676. ,
  677. je
  678. de
  679. silencieuse,
  680. ,
  681. ,
  682. , j’allais
  683. ,
  684. ,
  685. ,
  686. ,
  687. et
  688. sécurité, une
  689. d’azur
  690. ,
  691. ,
  692. ,
  693. ,
  694. ,
  695. ,
  696. ,
  697. ,
  698. ,
  699. ,
  700. et
  701. ,
  702. ,
  703. ,
  704. ,
  705. il y a de la passion dans
  706. .
  707. ,
  708. ,
  709. ,
  710. à
  711. ,
  712. ,
  713. ,
  714. ,
  715. ,
  716. , mais
  717. que
  718. même
  719. et
  720. ,
  721. , le détruisait
  722. ,
  723. ,
  724. ,
  725. ; c’était le chapeau
  726. ,
  727. ,
  728. ,
  729. ,
  730. mais
  731. ,
  732. ,
  733. ,
  734. alors,
  735. ,
  736. ,
  737. ,
  738. Je l’aimais.
  739. ,
  740. ,
  741. ,
  742. ,
  743. ,
  744. ,
  745. ,
  746. et
  747. Il y avait de la résignation dans ces
  748. , mais
  749. et
  750. et,
  751. ,
  752. ,
  753. ,
  754. serrée
  755. ,
  756. peut-être
  757. ,
  758. ,
  759. ,
  760. et
  761. et
  762. ,
  763. ,
  764. moi,
  765. ,
  766. ,
  767. ,
  768. ,
  769. ,
  770. ,
  771. ,
  772. deviné,
  773. -là
  774. et,
  775. ,
  776. ,
  777. ,
  778. ,
  779. ,
  780. ,
  781. ,
  782. ,
  783. de plus;
  784. ,
  785. plutôt
  786. et
  787. . Elle était
  788. , alors,
  789. ,
  790. ,
  791. ; et
  792. ,
  793. ,
  794. ,
  795. ,
  796. peut-être
  797. !
  798. ,
  799. ,
  800. ,
  801. ,
  802. ,
  803. , exact à nous consoler, et je
  804. ,
  805. ,
  806. ,
  807. ,
  808. ,
  809. ,
  810. ,
  811. ,
  812. ,
  813. ,
  814. ,
  815. ,
  816. ,
  817. ,
  818. ,
  819. ,
  820. ,
  821. ,
  822. ,
  823. , là,
  824. ,
  825. ,
  826. ,
  827. ,
  828. ,
  829. je
  830. ,
  831. ; j’étais
  832. et
  833. et
  834. ,
  835. ,
  836. . Alors
  837. ,
  838. ,
  839. ,
  840. délicieuses
  841. ,
  842. convenu, qui,
  843. ,
  844. ,
  845. . Elle était
  846. ,
  847. laissait voir quelques vestiges
  848. et percer la froideur de son ame. Pour avoir ce qu’on nomme
  849. ; la
  850. ; et ses manières manquaient de cette aisance qui procède du cœur, ou que l’éducation peut seule suppléer. Ses
  851. ,
  852. ,
  853. alors
  854. ,
  855. effroyable
  856. ,
  857. ,
  858. chaudes et
  859. Je me levai.
  860. ,
  861. , la comtesse
  862. dans mon cœur:
  863. ; mais
  864. déjà
  865. Fœdora m’avait,
  866. pas
  867. dans mon ame
  868. chaudes
  869. ,
  870. me
  871. et rester
  872. ,
  873. Heureusement, à
  874. ; Pauline
  875. prononcées en ce moment par cette jeune fille
  876. ,
  877. Je trouvai
  878. voir
  879. , lui r épondis-je en m’asseyant près d’elle
  880. en riant
  881. ,
  882. à en sortir
  883. ,
  884. en me prenant
  885. ,
  886. , en faisant votre chambre
  887. faire
  888. ,
  889. ,
  890. qu’elle tenait
  891. M. Raphaël,
  892. ,
  893. en chantant
  894. ,
  895. ¶ – Merci! dit-elle.
  896. . Puis
  897. ,
  898. ,
  899. ,
  900. ,
  901. ; puis
  902. ,
  903. . Mais, en elle,
  904. , pour
  905. et la pensée
  906. , chez elle, aux
  907. Assuré par cette réflexion
  908. , pour accomplir mon dessein,
  909. ,
  910. pas
  911. . La lame d’un canif doit bien pénétrer jusqu’au cœur
  912. , pour
  913. en étaient
  914. voulus les faire tomber et
  915. ,
  916. et de me tenir en l’air,
  917. de
  918. ,
  919. ,
  920. ,
  921. ,
  922. que je craignais
  923. ,
  924. ,
  925. la comtesse
  926. ,
  927. ,
  928. ,
  929. ,
  930. pour faire rire ses amis, et
  931. ,
  932. ,
  933. ,
  934. , soit
  935. ¶ –
  936. ,
  937. ,
  938. tous
  939. ,
  940. qui était une fille brune
  941. ,
  942. ,
  943. tu l’as fait
  944. poli,
  945. ,
  946. ,
  947. Bientôt
  948. de batiste
  949. , mais
  950. dont les détails multipliés
  951. . Elle
  952. qui,
  953. alors
  954. je
  955. ,
  956. ,
  957. , et
  958. ,
  959. La sachant alors parfaitement belle, l
  960. par ce mot, mais
  961. maintenant
  962. Enfin à
  963. ,
  964. ,
  965. mais
  966. Je
  967. mais
  968. ,
  969. sinon,
  970. ,
  971. très amicalement. –
  972. lui dis-je.
  973. ce
  974. ! Cependant la soirée s’avançait
  975. ,
  976. ,
  977. par les rues,
  978. sans le savoir;
  979. elle est
  980. ; c’est la
  981. ,
  982. ; ainsi
  983. peut-être
  984. ,
  985. ¶ –
  986. ,
  987. ,
  988. ; non
  989. , mon amour exalté
  990. ,
  991. ¶ –
  992. ,
  993. ,
  994. ,
  995. peut-être,
  996. ,
  997. ,
  998. alors
  999. , ah
  1000. vous
  1001. ,
  1002. ,
  1003. ,
  1004. ,
  1005. ,
  1006. ! Alors,
  1007. ¶ –
  1008. ,
  1009. ,
  1010. , aimant toujours cette horrible femme. Voilà, mon cher, mes premières amours! ¶ ¶ FIN DU DEUXIEME VOLUME. ¶ ¶ DEUXIÈME PARTIE. ¶ ¶ (SUITE.) ¶ ¶ LA FEMME SANS CŒUR. ¶
  1011. ,
  1012. ,
  1013. en
  1014. :
  1015. même
  1016. ,
  1017. ,
  1018. , dans sa vie,
  1019. ,
  1020. ; maintenant
  1021. par spéculation et
  1022. ,
  1023. ,
  1024. et
  1025. ,
  1026. faire
  1027. toute
  1028. peut-être
  1029. , et cette douce fille, ce génie familier, cet ange gardien me regarda silencieusement
  1030. Qu’avez-vous?
  1031. ,
  1032. , alors, Pauline
  1033. et
  1034. Tenez, me dit Pauline, je
  1035. ,
  1036. ,
  1037. ,
  1038. ,
  1039. ,
  1040. , et sans ordre
  1041. ,
  1042. ,
  1043. dans ce tableau
  1044. ,
  1045. ,
  1046. ,
  1047. ,
  1048. ,
  1049. ,
  1050. en
  1051. ,
  1052. je
  1053. une voiture et
  1054. je
  1055. ,
  1056. soit
  1057. -
  1058. , dit-on,
  1059. ,
  1060. ,
  1061. ,
  1062. ,
  1063. , qui
  1064. ,
  1065. Il y a peut-être la
  1066. ou
  1067. . Alors
  1068. , bientôt
  1069. ,
  1070. ,
  1071. ,
  1072. un bourreau
  1073. et
  1074. ,
  1075. ,
  1076. ,
  1077. ,
  1078. ,
  1079. : ce sont
  1080. ; puis
  1081. ,
  1082. d’
  1083. absolu,
  1084. ! Alors
  1085. ,
  1086. ,
  1087. qui était venue
  1088. ,
  1089. ,
  1090. ,
  1091. ,
  1092. quand je périssais sa victime! Ne pas
  1093. ,
  1094. tristes et
  1095. ,
  1096. en nous consolant,
  1097. ,
  1098.  
  1099. et
  1100. ,
  1101. aller
  1102. . Enfin,
  1103. ,
  1104. ! ah
  1105. , c’
  1106. libre,
  1107. , c’
  1108. , c’
  1109. ,
  1110. ,
  1111. ,
  1112. cave dont on aurait ouvert la porte
  1113. ; puis
  1114. ,
  1115. ,
  1116. l’écrasais par mon luxe, je
  1117. ,
  1118. Je sentais qu’il
  1119. ,
  1120. . Alors
  1121. ,
  1122. ,
  1123. ,
  1124. , par dignité,
  1125. de pouvoir
  1126. ,
  1127. Fœdora,
  1128. , à moi
  1129. !
  1130. , comme
  1131. car
  1132. ,
  1133. puisque
  1134. ,
  1135. ne l’était
  1136. je
  1137. retentissaient
  1138. ,
  1139. ,
  1140. ,
  1141. ,
  1142. tout
  1143. et
  1144. bientôt tout entière
  1145. semblait avoir l’éclat d’une trompette, en pétillant
  1146. ,
  1147. ,
  1148. et
  1149. ,
  1150. ,
  1151. tous
  1152. notre ame
  1153. , tout
  1154. ,
  1155. ,
  1156. ,
  1157. ,
  1158. ,
  1159. ,
  1160. ,
  1161. ,
  1162. ,
  1163. ,
  1164. ,
  1165. ,
  1166. ,
  1167. ,
  1168. ,
  1169. ,
  1170. ,
  1171. ,
  1172. ,
  1173. ,
  1174. Martin
  1175. ,
  1176. ,
  1177. -Charlotte
  1178. ,
  1179. car
  1180. en
  1181. ,
  1182. ta
  1183. ,
  1184. le
  1185. car
  1186. ! oh
  1187. !
  1188. . Allons
  1189. TROISIÈME PARTIE. ¶ ¶
  1190. ,
  1191. ,
  1192. ,
  1193. ,
  1194. ,
  1195. ! ah
  1196. toute
  1197. ,
  1198. ,
  1199. ,
  1200. ,
  1201. ,
  1202. dont il s’était séparé après l’enterrement de son père, et
  1203. ,
  1204. mon élève,
  1205. s’élevaient un peu trop, et
  1206. ,
  1207. ,
  1208. toute
  1209. , voyez-vous,
  1210. que
  1211. plus difficile, je le
  1212. et
  1213. parce que
  1214. C’est
  1215. ,
  1216. et
  1217. Voyez-vous?
  1218. et
  1219. assez
  1220. M.
  1221. ,
  1222. ,
  1223. ,
  1224. ,
  1225. ,
  1226. dont
  1227. ,
  1228. ,
  1229. ,
  1230. ;
  1231. . Il voulait braver la mort; et, pour
  1232. ,
  1233. ,
  1234. mon bon
  1235. !
  1236. ,
  1237. ,
  1238. ,
  1239. ,
  1240. ,
  1241. Chose assez étrange!
  1242. ,
  1243. ,
  1244. seulement
  1245. ! Je suis tout à vous.
  1246. s’
  1247. de
  1248. ; alors
  1249. dix
  1250. !… ¶ Jonathas
  1251. ¶ –
  1252. et
  1253. M.
  1254. tandis que
  1255. , un crime
  1256. ,
  1257. -
  1258. la soie onduleuse, le
  1259. tressée par des mains blanches
  1260. élégans,
  1261. semblait faire parade
  1262. ,
  1263. ,
  1264. ,
  1265. ,
  1266. ,
  1267. ,
  1268. ,
  1269. jadis
  1270. , vrai prodige,
  1271. ; et, alors
  1272. ,
  1273. . Dans ce moment
  1274. , une mystérieuse
  1275. d’Opéra, et reconnut en elle
  1276. ,
  1277. ,
  1278. le petit juif
  1279. ,
  1280. ,
  1281. ,
  1282. et
  1283. ,
  1284. ,
  1285. ah!
  1286. , et ils
  1287. ,
  1288. il
  1289. ,
  1290. ,
  1291. l’éclat et la coiffure; puis
  1292. ,
  1293. ,
  1294. ,
  1295. ,
  1296. ,
  1297. ,
  1298. ,
  1299. ,
  1300. Au moment où finissait
  1301. ,
  1302. ,
  1303. ,
  1304. Puis, l
  1305. comme
  1306. ,
  1307. ,
  1308. ,
  1309. ,
  1310. ,
  1311. l’est
  1312. , non pas comme une duchesse impériale, mais comme une duchesse du faubourg Saint-Germain
  1313. ,
  1314. ,
  1315. ,
  1316. ,
  1317. et
  1318. ,
  1319. ,
  1320. ,
  1321. ,
  1322. l’émotion profonde dont elle était saisie, par un
  1323. ; mais
  1324. il
  1325. ,
  1326. ,
  1327. ,
  1328. ,
  1329. ah!
  1330. ,
  1331. ,
  1332. ,
  1333. ,
  1334. ! Il ouvrit doucement la porte, et la vit
  1335. ,
  1336. et alors
  1337. ,
  1338. aujourd’hui
  1339. . Alors,
  1340. un seul baiser
  1341. ,
  1342. ,
  1343. mon cœur
  1344. ,
  1345. bien employées
  1346. en
  1347. ,
  1348. .
  1349. tous
  1350. souffrant. Oh!
  1351. cher chéri! Je
  1352. trop tôt
  1353. en s’adressant
  1354. , mollement balancés et portés sur de voluptueux coussins, tous deux rayonnant d’amour,
  1355. ,
  1356. ,
  1357. ,
  1358. ,
  1359. – Il n’y a pas deux hommes comme toi sous le ciel. ¶ Mais il
  1360. ¶ – Ah! ¶
  1361. ; puis, il
  1362. ,
  1363. ¶ –
  1364. ¶ –
  1365. et il demeura comme perdu dans ses pensées. Tout à
  1366. en disant: –
  1367. !
  1368. . C’était
  1369. ,
  1370. ,
  1371. Dédaignant les diamans et tous
  1372. en plaisirs.
  1373. ,
  1374. ,
  1375. ,
  1376. ,
  1377. ,
  1378. ,
  1379. ,
  1380. même, encore
  1381. , parce que, sans doute
  1382. ,
  1383. ,
  1384. ,
  1385. en
  1386. ,
  1387. Le jardinier s’éloigna. ¶
  1388. ,
  1389. ,
  1390. ,
  1391. ! Oui
  1392. -
  1393. va
  1394. ; et regardant Raphaël: – Qu’as-tu dit, mon ange? lui demanda-t-elle
  1395. ,
  1396. solide;
  1397. ,
  1398. infecte
  1399. aussi
  1400. entre deux âges et
  1401. Il
  1402. ,
  1403. par le col de l’habit,
  1404. consciencieusement
  1405. était
  1406. le genre
  1407. ! il est
  1408. pas
  1409. ! C’est
  1410. ,
  1411. ! alors
  1412. ,
  1413. et
  1414. même
  1415. encore
  1416. ,
  1417. ,
  1418. .
  1419. de
  1420. avaient seulement été scellées
  1421. et
  1422. . – Ah! peste, s’écria-t-il
  1423. M.
  1424. de monstres, de fœtus,
  1425. ,
  1426. M.
  1427. ,
  1428. . Se trouvant
  1429. ¶ –
  1430. . ¶ M. Planchette sourit dédaigneusement
  1431. Mais, voyons?
  1432. , soit
  1433. à
  1434. ,
  1435. , à
  1436. à
  1437. à
  1438. à
  1439. à
  1440. Regardez?
  1441. cependant
  1442. n’est pas
  1443. humains?
  1444. Nous pouvons avec ce
  1445. qui est
  1446. ,
  1447. et
  1448. monsieur,
  1449. ,
  1450. car
  1451. indéfiniment
  1452. bref,
  1453. M.
  1454. en terre rouge,
  1455. , il alla en chercher un morceau
  1456. il
  1457. fort habilement,
  1458. ,
  1459. du cadran solaire
  1460. en
  1461. mais
  1462. ,
  1463. ,
  1464. ,
  1465. M.
  1466. M.
  1467. ,
  1468. ,
  1469. ,
  1470. ,
  1471. fatalement
  1472. ; et
  1473. ,
  1474. M.
  1475. M.
  1476. ,
  1477. ,
  1478. ,
  1479. M.
  1480. Enfin, à
  1481. M.
  1482. ,
  1483. M.
  1484. M.
  1485. incroyable
  1486. lorsqu’
  1487. oh!
  1488. M.
  1489. . Il faut que
  1490. furieux,
  1491. il
  1492. M.
  1493. M.
  1494. et ductile
  1495. M.
  1496. est
  1497. diable
  1498. ,
  1499. ,
  1500. ,
  1501. les papilles et
  1502. M.
  1503. ; alors
  1504. , fendue
  1505. !
  1506. tandis que
  1507. en entrant chez lui
  1508. ,
  1509. ,
  1510. ,
  1511. , de nouveau,
  1512. ,
  1513. ,
  1514. ,
  1515. ,
  1516. et
  1517. ,
  1518. ,
  1519. ,
  1520. , ma chérie
  1521. Nous autres, pauvres femmes, nous sommes faibles, et il
  1522. pas
  1523. ,
  1524. s’écria Raphaël,
  1525. ,
  1526. , qui
  1527. avec négligence. Le silence profond de ce temple amoureux fut troublé par un
  1528. qui
  1529. et
  1530. , même
  1531. ,
  1532. ,
  1533. ,
  1534. qui
  1535. vives
  1536. et leurs mouvemens
  1537. par degrés à la chaste aisance,
  1538. ,
  1539. , au matin
  1540. ,
  1541. , dont la boucle d’or, qui gît à terre,
  1542. passion, une
  1543. et,
  1544. ,
  1545. se sentit
  1546. . Il
  1547. où tout semblait mystère; puis, il
  1548. , et
  1549. ,
  1550. , même
  1551. ,
  1552. , j’ai reconnu
  1553. car
  1554. en un baiser chaud d’amour,
  1555. une
  1556. !… ¶ Les deux époux faisaient silence. Plus de jeux. Pauline était comme une mère pour son mari
  1557. ,
  1558. ,
  1559. ,
  1560. ,
  1561. ,
  1562. et de sagacité
  1563. ,
  1564. hommes,
  1565. ,
  1566. ,
  1567. types des
  1568. , en ce moment,
  1569. dont il avait été frappé et
  1570. les progrès d’
  1571. ? Ou
  1572. puissante lui
  1573. ,
  1574. que par des dérangemens physiques.
  1575. ,
  1576. ;
  1577. était
  1578. le
  1579. , le Victor Cousin, ou, pour mieux dire
  1580. ,
  1581. impalpable,
  1582. ,
  1583. il
  1584. C’était le
  1585. , mais
  1586. Il y avait de la
  1587. ,
  1588. ,
  1589. le jeune médecin confirmait
  1590. , froid
  1591. ,
  1592. ,
  1593. pas
  1594. , parce qu’
  1595. ,
  1596. ,
  1597. ,
  1598. Puis il reprit. –
  1599. . Donc,
  1600. ,
  1601. ,
  1602. ,
  1603. ,
  1604. ,
  1605. ,
  1606. ,
  1607. ,
  1608. ,
  1609. ,
  1610. ,
  1611. ,
  1612. ,
  1613. ,
  1614. ,
  1615. ,
  1616. ,
  1617. en effet
  1618. ,
  1619. ,
  1620. mais
  1621. car
  1622. ¶ ¶ FIN DU TROISIÈME VOLUME. ¶ ¶ TROISIÈME PARTIE. ¶ ¶ Suite. ¶ ¶ L’AGONIE. ¶
  1623. entière
  1624. ,
  1625. ,
  1626. bref,
  1627. il avait froidement reçu
  1628. ,
  1629. ,
  1630. ,
  1631. ,
  1632. ,
  1633. ,
  1634. !
  1635. ,
  1636. ,
  1637. ,
  1638. ,
  1639. ,
  1640. , il trouvera
  1641. sous ses pas
  1642. ,
  1643. et,
  1644. et,
  1645. ,
  1646. ,
  1647. ,
  1648. recueilli par le monde, pour prix de
  1649. , tout
  1650. toutes
  1651. Alors quelques larmes s’échappèrent de ses yeux. ¶
  1652. je ne conteste certes pas
  1653. complètement
  1654. ,
  1655. ,
  1656. ,
  1657. ,
  1658. ¶ –
  1659. ,
  1660. fut accompagnée
  1661. ,
  1662. ,
  1663. ,
  1664. ,
  1665. ,
  1666. ;
  1667. riantes
  1668. c’est
  1669. et
  1670. par l’omnipotence de notre imagination
  1671. ,
  1672. là,
  1673. , à l’autre bord du lac,
  1674. Tout à coup un
  1675. qui longeaient la colline,
  1676. ,
  1677. ,
  1678. ,
  1679. ,
  1680. Il fut assez surpris d’apercevoir, en
  1681. et, devinant
  1682. ,
  1683. ! ¶ Puis, elle fit
  1684. . Ils
  1685. . Ainsi…
  1686. ,
  1687. ,
  1688. ,
  1689. ,
  1690. ,
  1691. … Tarare!
  1692. ,
  1693. ,
  1694. au moment où ils arrivaient près de la salle
  1695. , Monsieur,
  1696. et,
  1697. toutes
  1698. nommer et
  1699. voix confuses. ¶ Et quelques
  1700. à
  1701. Quelque fût l’issue de ce duel,
  1702. ,
  1703. -ils
  1704. ¶ –
  1705. ,
  1706. ,
  1707. ; puis
  1708. implacable,
  1709. froidement
  1710. ,
  1711. ,
  1712. ,
  1713. . Tel était
  1714. ,
  1715. . Sans
  1716. au
  1717. qu’il venait de tuer, Raphaël
  1718. platane. Alors, une espèce de râle sortit de sa poitrine
  1719. de Raphaël
  1720. ,
  1721. ,
  1722. ,
  1723. ,
  1724. ,
  1725. ,
  1726. ,
  1727. ,
  1728. , en effet
  1729. ,
  1730. ,
  1731. peut-être
  1732. petit
  1733. et,
  1734. couleurs variées, ces belles
  1735. très-
  1736. ,
  1737. parfois
  1738. ,
  1739. ,
  1740. il y avait
  1741. ,
  1742. , bien empaillés
  1743. ,
  1744. ,
  1745. ,
  1746. philosophiquement
  1747. tous
  1748. ,
  1749. ;
  1750. ,
  1751. ,
  1752. ,
  1753. ;
  1754. et
  1755. ,
  1756. ,
  1757. ,
  1758. , la religion de la personnalité
  1759. pas
  1760. pas
  1761. ,
  1762. ,
  1763. avec lui, comme lui
  1764. ; c’était sa maison, sa coquille;
  1765. tous
  1766. , musard,
  1767. ,
  1768. ,
  1769. ,
  1770. ,
  1771. ,
  1772. ,
  1773. ,
  1774. c’est sûr,
  1775. . C’est
  1776. et,
  1777. ,
  1778. ,
  1779. ,
  1780. ,
  1781. et qu’il était
  1782. ,
  1783. ,
  1784. de l’Allier déroulant
  1785. ,
  1786. ,
  1787. et
  1788. si
  1789. !
  1790. toutes
  1791. ,
  1792. ;
  1793. .
  1794. ..
  1795. ; puis, tout à coup
  1796. bien,
  1797. ,
  1798. ,
  1799. point
  1800. ,
  1801. ,
  1802. d’or
  1803. et
  1804. ,
  1805. et, près de lui, deux
  1806. ,
  1807. ,
  1808. ,
  1809. ,
  1810. ,
  1811. ;
  1812. -
  1813. il
  1814. ,
  1815. ,
  1816. ,
  1817. ,
  1818. ainsi,
  1819. . Alors,
  1820. ,
  1821. ,
  1822. ,
  1823. ,
  1824. ,
  1825. ,
  1826. ,
  1827. ,
  1828. ,
  1829. ,
  1830. y
  1831. puis, tout à coup,
  1832. ,
  1833. qui,
  1834. ,
  1835. !
  1836. ,
  1837. ,
  1838. ,
  1839. ,
  1840. ,
  1841. ,
  1842. ,
  1843. ¶ FIN DE LA PEAU DE CHAGRIN. ¶
  1. . ¶ ¶ LE TALISMAN
  2. vous avez
  3. ,
  4. ;
  5. il existe
  6. éprouvèrent
  7. les
  8. coupées à un signal de la Révolution
  9. ,
  10. comme les âmes fortes,
  11. pliés
  12. le
  13. s’étiolent et
  14. ,
  15. étaient
  16. , écrites
  17. ,
  18. .
  19. ,
  20. trouve un véhicule dans le fluide qui circule en nos nerfs
  21. ,
  22. Il
  23. et divines
  24. -
  25. ,
  26. obscures et
  27. ,
  28. ,
  29. lui
  30. :
  31. bouillantes,
  32. au
  33. ,
  34. , sans culture
  35. puis
  36. arrive enfin
  37. ,
  38. les mystères sont condamnés par
  39. ,
  40. ,
  41. ,
  42. ,
  43. .
  44. ,
  45. ,
  46. ¶ ¶ [illustration en sanskrit] ¶ ¶ Ce qui voulait dire en français:
  47. de
  48. je
  49. ni par les entraves
  50. ,
  51. ,
  52. ,
  53. alors
  54. Il
  55. sa thèse
  56. du matin
  57. , un banquier retiré qui, ne sachant que faire de son or, veut le changer en esprit
  58. ,
  59. .
  60. .
  61. Depuis ce matin, je
  62. pour
  63. .
  64. ,
  65. ,
  66. délicates
  67. ,
  68. ,
  69. de serpent
  70. alors
  71. ces esprits
  72. ,
  73. .
  74. alors
  75. -nous
  76. .
  77. , Monsieur.
  78. -
  79. ,
  80. en Europe
  81. ;
  82. alors
  83. -
  84. ,
  85. et
  86. en
  87. ,
  88. alors
  89. Encore
  90. J
  91. :
  92. :
  93. , où
  94. du moins
  95. souvent
  96. :
  97. ,
  98. ,
  99. ;
  100. malgré tous ces obstacles,
  101. alors
  102. -je
  103. ,
  104. ,
  105. l
  106. flétrissait la figure de mon père
  107. alors
  108. délicate
  109. ,
  110. qui
  111. Jonathas
  112. mon ame
  113. :
  114. J
  115. donc
  116. j’aurais
  117. à propos
  118. personne, pas
  119. .
  120. ma sensibilité
  121. et
  122. dans ses rêves
  123. restaient à
  124. Le
  125. ,
  126. sous
  127. :
  128. et
  129. bientôt
  130. dans
  131. -
  132. ,
  133. ,
  134. le lendemain
  135. ,
  136. ,
  137. , qui
  138. me donner
  139. ce
  140. parisienne
  141. alors
  142. ,
  143. ,
  144. pensée
  145. Ane
  146. -
  147. donc
  148. alors
  149. l
  150. ,
  151. n’
  152. -ils pas
  153. ni
  154. ,
  155. ,
  156. -
  157. ,
  158. je tâchai
  159. ,
  160. ,
  161. , le sommeil
  162. Diderot, de
  163. faisait à la passion
  164. ,
  165. toute
  166. alors
  167. -
  168. de sa couleur de flamme
  169. , en lisant Clarisse Harlowe
  170. en
  171. ;
  172. donnait
  173. je
  174. des silences de
  175. j’allais
  176. sont
  177. avoir
  178. n’est-elle pas pleine de passion?
  179. ,
  180. le
  181. ,
  182. ,
  183. , et
  184. Ces
  185. continus et gaîment supportés attestaient
  186. vous
  187. peut-être
  188. Pauline
  189. y
  190. alors
  191. ne
  192. , sur quoi
  193. ,
  194. ,
  195. par le régime et par le travail.
  196. et
  197. ….
  198. -
  199. ,
  200. , la reconnaissance de mon mariage par l’empereur
  201. ,
  202. et
  203. alors
  204. :
  205. j’étais
  206. alors
  207. ,
  208. alors
  209. alors
  210. de Fœdora
  211. ;
  212. n’avait pas effacé tout vestige
  213. : son
  214. , ses manières, au lieu d’être innées, avaient été laborieusement conquises, enfin sa
  215. . Eh bien! ses
  216. alors
  217. autrefois
  218. dans mon cœur
  219. ,
  220. Fœdora m’avait
  221. ni
  222. ni
  223. À
  224. Pauline
  225. .
  226. sur son coloriage
  227. , lui répondis-je
  228. repris-je. Et je m’assis près d’elle pour la bien étudier.
  229. donc
  230. Elle me prit alors
  231. ,
  232. ;
  233. , me dis
  234. Aux
  235. Sûr
  236. ,
  237. alors
  238. ,
  239. alors
  240. la comtesse
  241. ,
  242. -vous
  243. -
  244. ni
  245. ni les passions
  246. qui
  247. avant de le boire
  248. L
  249. ,
  250. À
  251. ,
  252. Soyez sans crainte, je
  253. alors
  254. le nous
  255. .
  256. ,
  257. par les rues
  258. sans le savoir
  259. et
  260. :
  261. ,
  262. , j’avais eu le succès d’un bon acteur
  263. alors
  264. -
  265. ,
  266. .
  267. donc
  268. ,
  269. , à trente ans,
  270. de la crise? Ah
  271. peut-être
  272. qu’avez-vous?
  273. Je
  274. me dit Pauline.
  275. tout ce qui fait
  276. La
  277. existe peut-être
  278. peut-être renferment-ils
  279. ;
  280. alors
  281. comme le diable
  282. ne
  283. -il pas
  284. dans
  285. sur
  286. ,
  287. ennuyés de leur
  288. alors
  289. va
  290. ! Ne
  291. de change
  292. ;
  293. tous
  294. cave
  295. Il
  296. chaque soir
  297. ,
  298. alors
  299. de mauvaise vie
  300. , par dignité
  301. avec
  302. , parce qu’il ne pense à rien.
  303. -
  304. nouveau
  305. -je
  306. .
  307. pétilla
  308. notre ame
  309. était
  310. MONSIEUR
  311. cultivé
  312. des choses plus difficiles, je les
  313. il
  314. Ital
  315. il
  316. mais
  317. Raphaël
  318. ; elle était
  319. -
  320. . Presque
  321. ,
  322. ,
  323. effrayé
  324. ,
  325. , car la résistance a triomphé du mouvement
  326. le
  327. la tête de
  328. élégans
  329. alors
  330. ,
  331. ,
  332. ,
  333. ce jeune homme
  334. -
  335. À
  336. L
  337. et sanglante
  338. céleste
  339. le
  340. ancien
  341. ,
  342. ,
  343. aujourd’hui
  344. , tu seras content
  345. ;
  346. un seul baiser
  347. et toujours
  348. ,
  349. ,
  350. m’
  351. je
  352. .
  353. Il
  354. ,
  355. tout-à-
  356. :
  357. , dit-il.
  358. :
  359. d’ailleurs
  360. !
  361. par hasard
  362. ,
  363. ,
  364. ,
  365. ,
  366. politiques
  367. Ce savant, entre deux âges,
  368. encore adoucie par
  369. que nous perdons la conscience du moi
  370. .
  371. ,
  372. d’une part
  373. ,
  374. ,
  375. alors
  376. de
  377. ..
  378. ..
  379. :
  380. ,
  381. ,
  382. zoologique
  383. ,
  384. entre de grandes
  385. . Ah! peste
  386. ;
  387. le
  388. !
  389. Ce
  390. ,
  391. indéfiniment
  392. dans
  393. ,
  394. mais,
  395. -
  396. ,
  397. ou pauvres
  398. -
  399. À
  400. incommensurable
  401. ,
  402. ,
  403. ,
  404. .
  405. cette
  406. ,
  407. ,
  408. -
  409. Il
  410. , nous autres, pauvres femmes,
  411. , dit Raphaël
  412. il
  413. . Un
  414. en était
  415. gracieux
  416. qui
  417. et
  418. n’
  419. qu’
  420. ,
  421. par
  422. ,
  423. énergique
  424. . ¶
  425. ,
  426. et
  427. une
  428. La
  429. était démontrée par Bianchon
  430. trop
  431. ;
  432. .
  433. à celles
  434. alors
  435. est
  436. ,
  437. ,
  438. .
  439. nourris par
  440. que
  441. assez bien pour toujours gagner leur argent
  442. me sont connus
  443. donc
  444. donc
  445. , répondit-il au docteur
  446. dans une barque
  447. ,
  448. par
  449. ces harmonies et ces discordances composent
  450. et
  451. Un
  452. En
  453. il aperçut
  454. , il devina
  455. ,
  456. en faisant
  457. qui
  458. ?
  459. -
  460. qui
  461. ou garder le lit ou
  462. . Vous ne serez pas le seul à mourir
  463. suivant
  464. , ils
  465. , Raphaël atteignit son adversaire au cœur, et sans
  466. à la chute de ce
  467. , il
  468. petite
  469. chêne
  470. lui
  471. ,
  472. peut-être
  473. ,
  474. vaporeuses
  475. offraient
  476. et
  477. ,
  478. ,
  479. il
  480. par une
  481. ; et
  482. ,
  483. avec lequel
  484. ,
  485. ;
  486. à vendre
  487. ,
  488. ,
  489. , surtout
  490. ,
  491. alors
  492. apparaissaient
  493. il vit
  494. , par un
  495. ….
  496. ,
  497. fut
  498. ces
  499. , peut-être
  500. -il
  501. comme une
  502. ..
  503. -
  504. , belle image de ma belle vie
  505. elle
  506. et sur le talisman
  507. il
  508. :
  509. ,
  510. ,
  511. il
  512. , c’est une
  513. ,
  1. protége, à Paris, → protège
  2. productive et chère au fisc. Sans → imposable, et sans
  3. 39. ¶ → 36.
  4. d’après → sur
  5. . N → , n
  6. . Serait → , serait
  7. . Est-ce une curiosité de → , est-ce
  8. , qui, fouillant → tapie dans
  9. , est intéressée → qui tient
  10. . Est-ce, enfin, → ? est-ce enfin
  11. . Vous → : vous
  12. Avez-vous → Si
  13. âme → ame
  14. lu → vu
  15. dont → de qui
  16. . Dans → : dans
  17. . Il → , il
  18. . Les → ; les
  19. . C’était → ; c’était
  20. Mais l → L
  21. . Non. Il → ; il
  22. prestigieuse → éblouissante
  23. … → .
  24. mélodrame → drame
  25. . La → ; la
  26. ; → ,
  27. . Il existe, entre → ? Entre
  28. , → et
  29. trente et quarante → trente et quarante
  30. . Entrez. → , entrez?
  31. ronde → oblongue
  32. . Leurs → ; leurs
  33. rateaux → râteaux
  34. ; → ,
  35. ; → ,
  36. Dieu → l’Eucharistie
  37. dont → duquel
  38. Mais, chose → Chose
  39. , → !
  40. . Ses → : ses
  41. grace → grâce
  42. . Son → , son
  43. tant d’ → des
  44. tant d’ → mille
  45. matte → mate
  46. : → ,
  47. ; → ,
  48. brillante → brûlante
  49. dont → qui marquait
  50. ; ainsi, → , ainsi
  51. dont ils soupçonnaient par instinct la profondeur → profonde que sondait leur regard
  52. ; → ,
  53. . Enfin, → , enfin
  54. puissant → grand
  55. ; → ,
  56. . Mais → ; mais
  57. les joueurs → ils
  58. le paquet de → un à un les
  59. allongea → alongea
  60. ; → ,
  61. bureau → chambre
  62. Banquier. Autrement → banquier, autrement
  63. coups → masses
  64. . Le → , mais le
  65. , → ;
  66. ; → ,
  67. charette → charrette
  68. appelle → appelait
  69. , → et
  70. … Dernier → , dernier
  71. ; → ,
  72. . Là → : là
  73. Pont- → pont
  74. ; → ,
  75. à → -à-
  76. . Il → : il
  77. . Il → ; il
  78. . Il → ; il
  79. ; mais, → , mais
  80. Paillasse → paillasse
  81. dont l’état n’avait nul → , inutile à l’État qui n’en avait aucun
  82. l’utilité → la grandeur
  83. , il → . Il
  84. dont → étalés sur
  85. est toujours garni. Peu → ; peu
  86. et → il
  87. ; → ,
  88. album → albums
  89. Et c → C
  90. Cette → mais cette
  91. excité dont elle triompherait, → inspiré qui
  92. , en disant: – → lui suggérerait cette douce parole:
  93. , → et
  94. , flamba devant lui, rapide comme → s’éclipsa comme allait s’éclipser
  95. qui s’y trouvaient étalés → de marchandises
  96. âme, → ame
  97. arts → art
  98. . ¶ La → ; mais la
  99. renfermeraient → renfermaient
  100. . Puis, → ; puis
  101. … → .
  102. . Mais, → ; mais
  103. âme → ame
  104. . Il → : il
  105. qui ne s’en fâchait pas → majestueusement impassible
  106. bourguemestres → bourgmestres
  107. , → alors
  108. . Il → ; il
  109. ténèbres → noirs
  110. ; → ,
  111. ; → ,
  112. . Mais → ; mais
  113. . Le → ; le
  114. . Il → : il
  115. , → et
  116. , → et
  117. générations pour → peuples pour se
  118. ! → ;
  119. Eh, → Ah!
  120. brun → rouge
  121. rouge → brune
  122. Chimère → chimère
  123. : les → ! Les
  124. . Le → , le
  125. . Il → : il
  126. suprême consolatrice → Ève régénérée
  127. Mais, en → En
  128. âme → ame
  129. ! Il → ; il
  130. de → des
  131. et → ,
  132. âme → ame
  133. cour de France → renaissance
  134. ; → ,
  135. ; → ,
  136. immeuse → immense
  137. à → -à-
  138. dont → qui enrichissaient
  139. ; mollement → . Mollement
  140. , → ou
  141. , → ; il
  142. Enfin, émerveillé → Émerveillé
  143. dont → ,
  144. la → sa
  145. l’ombre → la pénombre
  146. accrochées → pendues
  147. et, → enfin
  148. Il y a → Vous avez
  149. reprit → répondit
  150. ; montez → ! Montez
  151. , → :
  152. ; → ,
  153. ; → ,
  154. ; → ,
  155. ; → ,
  156. agates → agate
  157. . Enfin, c’étaient → ; enfin c’était
  158. ; → ,
  159. . Une → ; une
  160. . Un → ; un
  161. ; → ,
  162. ; → ,
  163. ; → ,
  164. ; l’âme → , l’ame
  165. ; et, beaucoup → ? Beaucoup
  166. sur → dans
  167. . → ?
  168. . ¶ Et → , parmi lesquelles
  169. … → .
  170. âme → ame
  171. dont → que
  172. dont → que
  173. n’ont pas tenu compte, → ont oubliés
  174. ; il → . Il
  175. ; et arrive enfin, après → ! Après
  176. familles → clans
  177. Chaos → chaos
  178. Alors, en → En
  179. nous sommes usufruitiers → l’usufruit nous est concédé
  180. ? Et → ; et
  181. que, ce soir, elle attendrait → qu’elle attendait
  182. âme → ame
  183. . Il → : il
  184. Alors, les → Les
  185. . Chaque → : chaque
  186. . Les → , les
  187. . Chacune → , chacune
  188. ou → ,
  189. , soit → ou
  190. âme → ame
  191. , pour → pour en
  192. . Il → , et
  193. Mais, les → Les
  194. dont → par lesquels
  195. . Puis, → ; puis
  196. étaient → était
  197. venues → venue
  198. à → -à-
  199. . Il vit → , il voyait
  200. . Néanmoins → ; néanmoins
  201. inquisitoriale → d’inquisiteur
  202. . Vous y lisiez → ; vous y auriez lu
  203. , soit → ou
  204. L’on frémissait → Le moribond frémit
  205. ; → ,
  206. ; → ,
  207. Il → Le vieillard
  208. . Ses → ; ses
  209. . Mais → ; mais
  210. vieillard → marchand
  211. ; il → ,
  212. . Une → , une
  213. . Sous → ; sous
  214. . Les → ; les
  215. âmes → ames
  216. ; → ,
  217. commandait → recommandait
  218. privilège → privilége
  219. ; → ,
  220. ! Il → , il
  221. ? → ,
  222. vieillard → marchand
  223. dont → qui naguère
  224. naguère frémi → fait frémir
  225. qu’il tenait si vigoureusement. Mais, → ; mais
  226. ? → ,
  227. ? → ,
  228. sersterces → sesterces
  229. à → -à-
  230. Peau de Chagrin → PEAU DE CHAGRIN
  231. siège → siége
  232. ; mais cependant, → . Cependant
  233. le → la
  234. . Les → : les
  235. . Il → ; il
  236. ; → ,
  237. ? → ,
  238. ne → n’en
  239. Y a → Existe
  240. ! → ,
  241. emblème → emblême
  242. scientifique → scientifiquement admise
  243. , → ?
  244. du → de
  245. . → ,
  246. , → ?
  247. dont → que donne
  248. … → !
  249. ! → ,
  250. . Mais, tout à coup, → ; mais tout-à-coup
  251. . J → , j
  252. . Néanmoins, → ; néanmoins
  253. . Le → : le
  254. c’est à elle que je → je lui
  255. ? → ;
  256. . En → ; en
  257. . Mes → : mes
  258. . J → , j
  259. , → et
  260. . J’ai → ; j’ai
  261. ; → ,
  262. ; → ,
  263. . J → , enfin j
  264. ! → ?
  265. ? N → , n
  266. Une → une
  267. . Elle → , elle
  268. les → ses
  269. J’ai → Aussi ai-je
  270. ; → ,
  271. . Je → ; je
  272. . Je → , je
  273. . Au → ; au
  274. . J → , j
  275. ; → !
  276. garotté → garrotté
  277. peau → Peau
  278. ce sont → là sont vos
  279. ! Le → , car le
  280. . Qui → : qui
  281. Les → les
  282. ; → ,
  283. . Le → ; le
  284. Et → et
  285. savoir → vivre avec excès
  286. la peau de chagrin → la Peau de chagrin
  287. ! → ,
  288. Monsieur → monsieur
  289. Enfin, je → Je
  290. . Que → : que
  291. Mais → Donc
  292. à → -à-
  293. , → et
  294. exhorbitant → exorbitant
  295. ; → ?
  296. ! → ,
  297. . → !
  298. Monsieur → monsieur
  299. Alors, vous → Vous
  300. ; → ,
  301. peau → Peau
  302. Et de → De
  303. en → offre des
  304. des gens à → de gens d’
  305. Élysées → Elysées
  306. … → .
  307. , → d’
  308. tems → temps
  309. , → .
  310. , → !
  311. toujours → le soir
  312. les fondateurs → le fondateur
  313. L’amphitryon → Taillefer, notre Amphitryon,
  314. dont → par laquelle
  315. . Quoiqu → ; et, quoiqu
  316. ; → ,
  317. ; → ,
  318. le → ce
  319. Or, quand → Quand
  320. dévotieusement → dévotement
  321. ¶ – Ah! c’est → . ¶ – Voilà
  322. cela! Mais il → qui
  323. lord Byron → lords Byrons
  324. ; car nous autres → . ¶ – Comment? ¶ – Les
  325. sommes → sont
  326. , → et
  327. ; et, toujours → . Toujours
  328. Du reste → D’ailleurs
  329. ¶ – Ah çà → Ah ça
  330. et → ,
  331. . ¶ Ils → , et où ils
  332. ; → ,
  333. y avait → s’y trouvait
  334. épousaient → épousent
  335. brava! → brava
  336. ; une dixaine → , une dizaine
  337. mot → mensonge
  338. gaieté → gaîté
  339. . De → ; de
  340. . C → , c
  341. de → -de-
  342. . La → : la
  343. . De → , de
  344. moindres → plus légers détails des
  345. délicates des bronzes, → du bronze
  346. . Les → ; les
  347. et → Et
  348. Émile → Emile
  349. . ¶ Et il lui montra → ? dit-il en lui montrant
  350. je ne sais quelle vieille dame asthmatique, un petit orphelin scrofuleux et quelque autre personne → un Allemand et quelques autres personnes qui seraient, dit-on, son meilleur ami et la mère de cet ami…
  351. notre → ce
  352. amphitryon? → Taillefer!
  353. , → ….
  354. Et les → Les
  355. ; → ,
  356. ¶ Puis, → Puis
  357. . Il → , il
  358. , → et
  359. , → et
  360. crûs → crus
  361. de → en
  362. tempestueuses → tempêtueuses
  363. . Quelques → ; quelques
  364. C’était l’ → Pendant cette
  365. . Le → , le
  366. . La → ; puis la
  367. . Çà → ; çà
  368. L’amphitryon → Taillefer
  369. de → le
  370. Roussillons → Roussillon
  371. Alors, déchaînés → Déchaînés
  372. Ces esprits emportés → Emportés
  373. laissa → laisse
  374. révolution → Révolution
  375. Journal → journal
  376. ; → ,
  377. Puis il → Émile
  378. Valens → Valens
  379. Raphaël → un ballanchiste
  380. jugeur → Jugeur
  381. un → une
  382. ; → ,
  383. le → -le-
  384. évènemens → événemens
  385. Monbar, → Monbard
  386. Nous → nous
  387. ! Le → , le
  388. Vous → vous
  389. curedents → cure-dents
  390. Vérité → vérité,
  391. les → des
  392. pas → jamais
  393. ! Triste → , triste
  394. paye → paie
  395. Placés → Placé
  396. ; s → . S
  397. Manière de tuer son oncle → MANIÈRE DE TUER SON ONCLE
  398. . → …
  399. . → !
  400. , → …
  401. ! → ,
  402. ! → .
  403. … → .
  404. ! → ,
  405. . – N → , n
  406. … → .
  407. Pour → pour
  408. le nom → les noms
  409. Bérécillo, de Tabourot, → Bérécillo, du
  410. déshonorés → deshonorés
  411. élus → promus
  412. Collège de → Collége des
  413. . Puis, → ; puis
  414. ; → ,
  415. Alors le → Le
  416. nous ne → ne
  417. . Elles → , elles
  418. … → .
  419. , → ?
  420. schalles → châles
  421. … → .
  422. ; → ,
  423. ; → ,
  424. . Il → ; il
  425. ! La → , la
  426. jugeur → jugeur
  427. poëte → poète
  428. . ¶ Il → ; il
  429. . Puis, → , puis
  430. jugeur → jugeur
  431. ! Ton → , ton
  432. Imbécilles! Ouvrir → .. imbécilles! ouvrir
  433. – → (
  434. – → )
  435. le Globe; mais, → LE GLOBE; mais
  436. Galle → Thomire
  437. océan → Océan
  438. . Les → ; les
  439. sentait ivre et → sentant ivre
  440. ; → ,
  441. le banquier. ¶ Puis il se mit à rire → Taillefer
  442. . ¶ – → en criant:
  443. ! cria → , dit
  444. . Que → , que
  445. pater → Pater
  446. – Buvons → Bah! buvons
  447. dive → divine
  448. pater → Pater
  449. ; → ,
  450. . ¶ Et les → , dit le maître-d’hôtel. ¶ Les
  451. ; → ,
  452. ils ne comprenaient pas, → le sens leur échappait à
  453. âme → ame
  454. ; → ,
  455. ; → ,
  456. ; → ,
  457. d’hier, et → factices
  458. ; → ,
  459. pièges → piéges
  460. à l’entrée → dans l’intérieur
  461. . Peut-être, → ? peut-être
  462. maître du logis → vieux Taillefer
  463. Obéissant à → À la voix de
  464. frissonnait → frissonna
  465. ; → ,
  466. ; → ,
  467. . L’orgie, → ; l’orgie
  468. , menaçait → menaça
  469. . Ces → ; ces
  470. avaient → eurent
  471. harmonie → symphonie
  472. . Sa → : sa
  473. . De → , de
  474. . Sa peau, → , sa peau
  475. . L → , l
  476. . La → ; la
  477. . Elle → ; elle
  478. . Son → , son
  479. Quoiqu’elle → Quoique cette fille
  480. . Semblable → ; semblable
  481. . Toutes → ; toutes
  482. . Peut → ; peut
  483. ; → ,
  484. ; vue → , mais grossière à voir
  485. , grossière; mais → . Néanmoins
  486. patrone → patronne
  487. mettai → metté
  488. ? → ;
  489. aimerais → aimerai
  490. près → dans le lit
  491. venue → arrivée
  492. , acceptant → acceptèrent
  493. Alors elle → ¶ Elle
  494. âmes → ames
  495. . L → ; l
  496. âme → ame
  497. , → ?
  498. Alors, vous → Vous
  499. ; et qui va, → , et va
  500. ; → ,
  501. ; puis, → , puis
  502. . Vous → , vous
  503. ; → ,
  504. ; → ,
  505. ; → ,
  506. au lieu d’ → ou
  507. ! → ,
  508. ; → ,
  509. ! → .
  510. . N → , n
  511. . Je → , je
  512. . → !
  513. . Je → , je
  514. ? Pourquoi → , pourquoi
  515. Et comme → Comme
  516. , eh → ? Eh
  517. , → ?
  518. Ah! je → Je
  519. , → ?
  520. Nous → nous
  521. . → !
  522. sa → la
  523. ; → ,
  524. . Et → ;
  525. libre → libres
  526. … → .
  527. . Elle → ; elle
  528. … → .
  529. ne savez pas → ignorez
  530. En → Contempler en
  531. et → ,
  532. du → de
  533. Çà → Cà
  534. dont → qui ornaient
  535. étaient ornés. → . ¶
  536. , et, → et
  537. de → -de-
  538. , à faire venir → à attirer
  539. l’amphitryon → Taillefer
  540. à → -à-
  541. ; → ,
  542. … → .
  543. qui, → , qui
  544. et → tandis que
  545. , auquel → à qui
  546. Mais c → C
  547. Or, → Mais
  548. des quintessences → de quintessence
  549. … → .
  550. PEUT-ÊTRE → peut-être,
  551. , jadis, → jadis
  552. Damien → Damiens
  553. ; car → :
  554. Alors → alors
  555. collège → collége
  556. ; → ,
  557. . Il → , il
  558. . Je → ; je
  559. . Il → , il
  560. Droit → droit
  561. . J → , j
  562. . Mais → ; mais
  563. ! → ,
  564. pourrais → pourras
  565. firent → laissèrent
  566. de manière à les enfermer → et les enfermait comme
  567. Quand → Si
  568. comme si j’allais lui → en enfant qui va
  569. Et cependant → Cependant
  570. ! Au fond, → , au fond
  571. Mais peut → Peut
  572. ; si, → , si
  573. ; et, après → . Après
  574. fait attendre → promis
  575. , retourner → je retournais
  576. ; aussi → . Aussi
  577. ? Marie → , enfin marie
  578. ; souvent, → .
  579. troublèrent → troublaient
  580. . Si → : si
  581. . Mon → ; mon
  582. . Quant → ; quant
  583. il faut tout t’avouer. J → apprends que j
  584. ; et, par → . Par
  585. , et j → . J
  586. et → je
  587. de jeune fille → des jeunes filles
  588. . Tout à coup → ! ¶ Évoquées par cette somme
  589. ; → ,
  590. et → ,
  591. . → !
  592. Les → Leurs
  593. ; puis, certain → . Certain
  594. Mais → Puis
  595. et → ou
  596. dont Sixte-Quint eût été surpris → surprenant à mon âge
  597. âme → ame
  598. En effet, je → Je
  599. toute → il se trouvait
  600. il s’élevait un → le
  601. de voix qui → des voix
  602. privilège → privilége
  603. à toutes les → aux
  604. ou → et
  605. et quoiqu’ → enfin
  606. à coup; → -à-coup,
  607. Mais j → J
  608. ! → .
  609. Le → Par
  610. fit qu’ → ,
  611. . Ils → qui
  612. au jeu. Tous les regards tombèrent sur moi. Je pâlis, → . Je fus soupçonné par des yeux inquiets, je pâlis
  613. ; mais le bon, gros, → . Le bon gros
  614. Alors je → Je
  615. Puis, après → Après
  616. Aussitôt → Dès
  617. faire → commettre
  618. Ainsi, je → Aussi
  619. ... → …
  620. et → ,
  621. quand ce ne serait → ne fût-ce
  622. ... → …
  623. Mais la → La
  624. sauvé → préservé
  625. essentiel → nécessaires
  626. ; → ,
  627. ¶ Aussitôt, mon → Mon
  628. Il fallut → Je dus
  629. les → des
  630. mes goûts → mes passions
  631. . Je n’osais → , et n’osai
  632. et pure → pureté de
  633. ; → ,
  634. . Ainsi → : ainsi
  635. , et je → . Je
  636. signai → signé
  637. ; → ,
  638. fait → a
  639. ma consolation → consolé ma misère
  640. . Cette → , cette
  641. Donc, en → En
  642. ; → ,
  643. ; → ,
  644. de faire la vente de → à vendre
  645. à tous les → aux
  646. Ce mot → Mot
  647. . Mon → , mon
  648. . La → , la
  649. Enfin, un valet de → Un valet-de-
  650. ! → ,
  651. bonhomme → bon homme
  652. ma fierté m’aurait → l’accès m’eût été
  653. l’accès → par ma fierté
  654. avaient → eussent
  655. Ainsi, quoique → Quoique
  656. Mon ame, sans → Sans
  657. . Le → ; le
  658. ; → ,
  659. ; → ,
  660. ; → ,
  661. Malgré → malgré
  662. parce que j’y étais → , moins craintif que
  663. ; et, comme → . Comme
  664. et → ,
  665. Moi, je → Je
  666. Ainsi je → Je
  667. : → ;
  668. ne demandait qu’à être abusé. J’aurais, en → courait au devant des tromperies. En
  669. qui m’était adressé! Mais, malgré → que l’on pouvait m’adresser. Malgré
  670. , → était
  671. ne vit qu’ → vit
  672. avec → par
  673. avec → ou
  674. dictés par → que dicte
  675. ; puis, → . Puis
  676. ; → ,
  677. paraissent jalouses → souhaitent
  678. ; → ,
  679. ; → ,
  680. je n’ai connu que des → toutes les
  681. à moi seul → m’ont été
  682. mensonges → mensonge
  683. souhaiter → désirer
  684. ne te donne → n’a
  685. Ne → ne
  686. l’homme → sa vie
  687. ! L → , l
  688. Chaque → L’
  689. , a dû engendrer les → a peut-être engendré les belles
  690. , les forces dont, → dont
  691. aller → marcher
  692. Ma sensibilité ne s’étant pas perdue → En ne se perdant pas
  693. de ces → des
  694. celle → le vouloir
  695. j’en suis certain → je le vois
  696. Mais, moi, → Moi
  697. enfant, homme, savant → homme et enfant
  698. , → et
  699. , → et
  700. ; → ,
  701. ; puis, cette → . Cette
  702. Ainsi, toutes les → Les
  703. ¶ O → Ô
  704. pas, → point
  705. un → quelque
  706. dessiné → donné
  707. ; → ,
  708. ; et, → , et
  709. ; et, → , et
  710. ; → ,
  711. . Toutes → ; toutes
  712. ; ce sont → , c’est
  713. Or, un → Un
  714. une espèce d’ → un blessant
  715. Il → il
  716. venir faire, → s’abandonner
  717. , → à
  718. pour → manque à
  719. J’aurais donné → Prêt à donner
  720. détaillée → avilie en détail
  721. manège → manége
  722. Il faut plus que de l’amour → L’amour abstrait ne suffit pas
  723. a besoin de dévouement. Or, les → en veut tous les dévouemens. Les
  724. vivent de → passent leur vie à essayer des
  725. ; → ,
  726. résident → réside
  727. dignes d’eux, et qui les comprennent. Tous leurs malheurs viennent d’un → orientales dont l’unique pensée soit l’étude de leurs besoins: pour eux, le malheur est dans le
  728. entre eux et ce qui les entoure → de leurs désirs et des moyens
  729. Avec → Nourrissant
  730. avec → ayant
  731. avec → possédant
  732. dont → qui surchargeaient
  733. . Elle → ; elle
  734. pari → parti
  735. ces trois années → ce temps
  736. , → ou
  737. , où, → où
  738. mon luxe de → ma
  739. … → .
  740. ; → ,
  741. ; → ,
  742. ; → ,
  743. ; → ,
  744. Toutes ces → Ces
  745. faisant que → faisaient que
  746. m’en → me
  747. ; → ,
  748. . mais → Mais
  749. Tout cela est inutile → Ces approvisionnemens sont inutiles
  750. . Il faut peu de → : que léger soit le
  751. à → de
  752. d’elle → de la Faveur
  753. , → et
  754. met → arbore
  755. gens qui ne parviennent à rien, mais → génies méconnus,
  756. Néanmoins, → Hélas!
  757. , en → en y
  758. . Parfois, → ; parfois
  759. espiégleries → espiègleries
  760. dont → de qui
  761. Puis, cherchant → Je cherchai
  762. , et → : son lit bleu,
  763. qui avait → dont les traits exprimaient
  764. . Je → , je
  765. en → y
  766. obtus → aigu
  767. d’une → de la
  768. ; aussi, → . Aussi
  769. Ainsi, le → Le
  770. , → et
  771. , → et
  772. Oh! voir → Voir
  773. ; → ,
  774. , → !
  775. dont il était couvert → qui le couvrait
  776. âme → ame
  777. ! → ?
  778. dont j’étais entouré → qui m’entouraient
  779. , et → :
  780. une multitude d’ → des
  781. originaux → nouveaux
  782. , → et
  783. D’abord, une → Une
  784. qui devait me donner, → devait
  785. pour y exercer → en y exerçant
  786. mon → ce
  787. Mais, toi → Toi
  788. , toi → ! Toi
  789. doit compléter → complètera
  790. Là → ¶ Là,
  791. théorie → théorie
  792. pensum → pensum
  793. toutes → goûter
  794. . Aimant → ; aimant
  795. . Bavard → ; bavard
  796. . J → ; j
  797. Maur → Benoît
  798. . Enfin, → ! Enfin
  799. Alors, par → Par
  800. ; → ,
  801. ; je → ! Je
  802. ; j → ! J
  803. ivre, → enfin ivre
  804. engloutir toutes → éteindre
  805. . Le → , le
  806. . Ne → : ne
  807. franchit → a franchi
  808. ; → :
  809. ; → ,
  810. , → et
  811. et → je
  812. , → :
  813. payent → paient
  814. Malgré moi, je devins → Devenu malgré moi
  815. dont → qu’éprouve
  816. mécanique → matérielle
  817. Russes → Cosaques
  818. Alors, se trouvant seule → Seule
  819. a créé → crée
  820. .» Tout à → !» Tout-à-
  821. dont j’étais devenu l’objet, → que me prodiguaient ces deux femmes, j’eus l’idée
  822. faire → finir
  823. on accepta → ces deux femmes acceptèrent
  824. Pauline → La petite
  825. . Elle → : elle
  826. déployée → dépliée
  827. , pour lire et apprendre des leçons → pour étudier
  828. étudier → s’exercer
  829. élégante et souple, → souple et
  830. . C’était → , comme
  831. . J → , j
  832. C’était → Enfin, c’était
  833. ; et, → .
  834. ; → ,
  835. Ainsi, j → J
  836. . N → , n
  837. j’avoue → je l’avoue
  838. que → ,
  839. Galathée → Galatée
  840. À mon amour, il faut → Mon amour veut
  841. . Quel → , car quel
  842. dont → d’où
  843. se dépouiller → sortir
  844. tout cela → ces artifices
  845. femme → femme
  846. . Je → ; je
  847. ; → ,
  848. avec → et
  849. enchante. Quand → enchantent; quand
  850. ; → ,
  851. ; → ,
  852. ; → ,
  853. : → ;
  854. Or, en → En
  855. . → ?
  856. poëte → poète
  857. ; → ,
  858. ; → ,
  859. ; → ,
  860. graces → grâces
  861. vie → folie
  862. ; et, plus → . Plus
  863. gracieux → gracieuses
  864. folies → excès
  865. quelque → Quelque
  866. Voyant cela → Pris à la glu de ses manières
  867. ; et avec → . Avec
  868. «Les imbécilles → Les imbéciles
  869. -là, → là
  870. : moi → . Moi
  871. , → et
  872. hé → eh
  873. , → ;
  874. et → ,
  875. ; → ,
  876. ; → ,
  877. , une faillite → une liquidation
  878. et si, → si
  879. Ceci → Ce système
  880. ce n’est que ton → tu arrives au
  881. être → je serai
  882. Théorie → Théorie
  883. En un mot, demain → Demain
  884. ; → ,
  885. sépare → joint
  886. de → à
  887. ! → ?
  888. ! → .
  889. ! Et j → . J
  890. . Le → ? le
  891. imposante → épineuse
  892. circumnavigation → circumnavigation
  893. : → ,
  894. Mais → Hélas!
  895. . Il → ,
  896. , → et
  897. puis, → mais
  898. «Tu → Tu
  899. . Tu → , et tu
  900. Or, en → En
  901. . Elle → : elle
  902. . Elle → , elle
  903. . Entre → ; entre
  904. qu’elle n’a jamais été mariée. L → que son mariage n’est pas reconnu par l’Empereur, car l
  905. ; → ,
  906. Cependant, → Néanmoins
  907. F → Sérisy
  908. N, de V. En → Nucingen et de Restaud; en
  909. . La → ; la duchesse de Carigliano, la
  910. . Beaucoup → ; beaucoup
  911. plait → plaît
  912. donner des instructions. → donner des instructions. ¶
  913. comfortable → comfort
  914. ; et → ,
  915. , → :
  916. Mais → Hélas!
  917. font riche → enrichissent
  918. . Son → , et son
  919. et → ,
  920. dont je devins → qui me rendit
  921. ; → ,
  922. ; et, → , et
  923. , tantôt → ou
  924. ; et, → :
  925. première → millième
  926. car elle pourrait deviner → elle devinerait
  927. . J → , j
  928. . La → : la
  929. s’harmoniait → , s’harmoniaient
  930. Ainsi, dans → Dans
  931. ; → ,
  932. , et à la suite duquel → . Après ce salon,
  933. Ici, tu → Tu
  934. Mais, tout à → Tout-à-
  935. ; puis, me montrant, → , et me montra
  936. : → . ¶
  937. Ah! si → Si
  938. . Ma → , ma
  939. . Je la → , que je
  940. , et parut → et sembla
  941. et que, → que
  942. autres ames → ames
  943. qu’il → que cet homme
  944. homme → humanité
  945. certaines lois → les lois les plus absolues
  946. ; puis → , et
  947. . En → ; en
  948. mes → les grandes
  949. ; → ,
  950. me crût destiné à → vît en moi
  951. ; ou que, réellement, elle → , et
  952. me flattai d’avoir su → crus
  953. Appelant à mon secours → J’évoquai
  954. je consacrai le reste de la → pour examiner minutieusement pendant cette
  955. manège → manége
  956. vis → remarquai
  957. Sa → Une
  958. jusques → jusque
  959. prête à → près de
  960. aussi prête à → aussi près de
  961. . Ses → , ses
  962. . Son → , son
  963. remarqué je ne sais quel duvet → blâmé l’
  964. dont → duvet qui ornait
  965. étaient ornés. Enfin je → . Je
  966. , l’amour → . L’amour était
  967. ! Ces → : ces
  968. cet → l’
  969. faites à l’amour que je lisais dans cette → que cette riche
  970. tempérées, il est vrai, → tempérés
  971. ; → ,
  972. , → et
  973. ; → ,
  974. et → ,
  975. fe me → femme
  976. , seul, → seul
  977. Et, si → Si
  978. have → hâve
  979. . Et le → ! Le
  980. et je la voyais, elle, → je revis
  981. . Les → , les
  982. Alors je → Je
  983. , et → ;
  984. . Je → ; je
  985. ; → ,
  986. éperdument → éperdûment
  987. l’amour; mais, → amour; mais
  988. à → -à-
  989. rhétoriciennes → rhétoriques
  990. dont → de qui
  991. ; → ,
  992. Quelques → La vue du lac de Bienne, quelques
  993. du → de
  994. , → !
  995. lire quelque livre d’amour, Clarisse Harlowe, au moment où l’on aime, → aimer sincèrement
  996. ; puis → , et
  997. . L → ; l
  998. dont → qui dore
  999. horison → horizon
  1000. . Il → ; il
  1001. . Puis, → ; puis
  1002. . Souvent, → ; souvent
  1003. ; → :
  1004. ; → ,
  1005. ; → ,
  1006. ; → ,
  1007. C’étaient, à chaque → Chaque
  1008. pour → à
  1009. ou → révélait
  1010. ; c’était → , mais
  1011. ! Alors, tantôt → ? Tantôt
  1012. me faisait quitter la → abattait ma
  1013. . Elle → ; elle
  1014. , se mettait dans → en reprenant
  1015. ; puis, → , puis
  1016. ; tout à coup, → , tout-à-coup
  1017. dirais-je? → dirai-je!
  1018. ! → ,
  1019. Ah! mon → Mon
  1020. . Mes → , mes
  1021. . Mon âme → , mon ame
  1022. sphère, vers sa vie, → vie
  1023. ; cependant, ce sont des → , mais ces
  1024. . Aussi → ; aussi
  1025. la → notre
  1026. dont nous méconnaissons les jeux, → si peu connue
  1027. ; → ,
  1028. ; → ,
  1029. . Elle → : elle
  1030. . Si → ; si
  1031. ; → ,
  1032. ! → ,
  1033. ; et, moi, → , moi
  1034. bon office → service
  1035. , naguère, → jadis
  1036. ; puis, quand → . Quand
  1037. . J’ai → , j’ai
  1038. affection → attachement
  1039. profonde → profond
  1040. . Mais, → ; mais
  1041. ; ainsi, → , ainsi
  1042. . Seulement, → ; seulement
  1043. ; → ,
  1044. ; un jour, → ! Un jour
  1045. et → elles
  1046. ; → ,
  1047. ; → ,
  1048. . ¶ → :
  1049. ; → :
  1050. psycologique → psychologique
  1051. ! → .
  1052. ? Ne → : ne
  1053. meilleurs → meilleures
  1054. . Je → , je
  1055. ajoutai → ajouté
  1056. . Il → , il
  1057. ! → .
  1058. . Elle → : elle
  1059. me jetant → et me jetait
  1060. dont je fus assailli → qui m’assaillirent
  1061. ! → .
  1062. Que → Combien
  1063. chaque heure → tout moment
  1064. fiévreux → fièvreux
  1065. . Sans → ; sans
  1066. un → le
  1067. , → :
  1068. mes derniers vêtemens → mon industrieuse élégance
  1069. élégant → bien mis
  1070. dont elle était entourée → qui l’entouraient
  1071. un poëte → un poète
  1072. dépendre → dépendait
  1073. . → !
  1074. . → !
  1075. . Elles → ; elles
  1076. elles → ces femmes
  1077. elle → elles
  1078. ; → ,
  1079. ! N → , n
  1080. dont je fus la proie → qui m’agitaient
  1081. . → !
  1082. . Je → , je
  1083. ! → .
  1084. . J → , j
  1085. . J → , j
  1086. Monsieur → M.
  1087. sept! → sept!
  1088. , → .
  1089. ; enfin, → , enfin
  1090. ; et, alors, → , et alors
  1091. ; puis, → , et
  1092. dont j’étais entouré → que je voyais
  1093. . Ses → : ses
  1094. . Mais → ; mais
  1095. , le → et le
  1096. Puis, une → Une
  1097. là, → tandis que
  1098. , → et
  1099. . Nous → , nous
  1100. crème. Tenez → crême, tenez
  1101. crème → crême
  1102. ¶ Alors une → (Une
  1103. ¶ – → )
  1104. ajoutai → ajouté
  1105. ; mais son → . ¶ Son
  1106. Erard → Érard
  1107. faire… → entreprendre.
  1108. elle était → était donc
  1109. Bah! restez ici! → Restez ici.
  1110. ! Cela → . Ce présage
  1111. Allez, nous → Nous
  1112. ! → ,
  1113. ; mais → ,
  1114. Pauline, plus → Plus
  1115. , → et
  1116. ! → ,
  1117. avec elle → où règne la misère
  1118. ; → ,
  1119. même; → mêmes,
  1120. . C’est → ; il devient alors
  1121. ; → ,
  1122. . Je → , je
  1123. . Tu → , tu
  1124. Alors, tout → Tout
  1125. ! → .
  1126. . Elle → : elle
  1127. . En → ; en
  1128. grace → grâce
  1129. . Elle → , elle
  1130. mon argent → l’argent dont je pouvais disposer
  1131. déjeuner → déjeûner
  1132. graces → grâces
  1133. . Il → : il
  1134. ! → .
  1135. . Le → , le
  1136. C → C
  1137. honorable → honorable
  1138. , très → très-
  1139. parce que, vraiment → il faut se hâter
  1140. Or, il avait, jadis, → ¶ Il avait jadis
  1141. ; puis → . Puis
  1142. Monbauron… → Montbauron.
  1143. imbécille → imbécile
  1144. Monbauron, → Montbauron
  1145. de Saint-Louis → d’industrie
  1146. ! → .
  1147. un → des
  1148. ignoble → ignobles
  1149. est → es
  1150. , → :
  1151. Proxénète → Proxenète
  1152. . Ainsi → ; ainsi
  1153. ; elle → . Elle
  1154. ! → .
  1155. . Je → , je
  1156. . Elle → , elle
  1157. adverses → averses
  1158. … Vingt-cinq → , car il y a cinquante
  1159. ; la → . La
  1160. divin → alors divin
  1161. ! → ,
  1162. ; → ,
  1163. : → ,
  1164. ! → .
  1165. ; et l → . L
  1166. grace, → grâce
  1167. . Elle → , elle
  1168. … → ,
  1169. ! → .
  1170. ; mais, au → . Au
  1171. ? Pleuvra-t-il? → , pleuvra-t-il,
  1172. Elle → elle
  1173. ! → .
  1174. comme → combien
  1175. poëte → poète
  1176. cérébrale dont le hasard l’a → intellectuelle dont il est
  1177. . Le → , le
  1178. ; et, avec → . Malgré
  1179. ; → ,
  1180. ; → ,
  1181. ; et, en → . En
  1182. dont je fus animé → qui m’anima,
  1183. pas compte → compte ni
  1184. , → ni
  1185. Surpris, je → Je
  1186. … La → , la
  1187. ; mais, quand → . Quand
  1188. , se → se
  1189. et → il
  1190. faite → adressée
  1191. ; → ,
  1192. -elle → la comtesse
  1193. ; et, après → . Après
  1194. . Elle → ; elle
  1195. … → .
  1196. , → !
  1197. : → ,
  1198. ; et, fort → . Fort
  1199. et → ,
  1200. . Je → , je
  1201. ; et ma → . Ma
  1202. , brisant → brisait
  1203. arrangeant → arrangeait
  1204. , → et
  1205. puis elle → et
  1206. ; et cette → . Cette
  1207. . Oh! comme elle était femme! elle déployait des graces → et déploya des grâces
  1208. et que → quand
  1209. Alors, pour → Pour
  1210. . Je craignais → , je craignis
  1211. , → ;
  1212. . Mais → ; mais
  1213. ; et, si → . Si
  1214. ; → , un
  1215. , qui, comprenant → qui comprenait
  1216. , dut → et devait
  1217. ; ou, → , ou
  1218. durant toutes → pendant
  1219. Alors → Dès lors
  1220. , dans ce → et
  1221. , et je → . Je
  1222. ; → ,
  1223. sustentaient → substantaient
  1224. ; au → . Au
  1225. ; elle → . Elle
  1226. ; enfin → . Enfin
  1227. . Il → : il
  1228. . Son → , son
  1229. Hé → Eh
  1230. Elle → Fœdora
  1231. dont → de laquelle
  1232. ; → :
  1233. ; → ,
  1234. , → et
  1235. . Là → : là
  1236. Fœdora. Je lui → ma maîtresse. Je
  1237. la musique → les notes
  1238. , s’émanant → émané
  1239. classique, → convenue qui
  1240. , dans → sur les lèvres de
  1241. . Son → , son
  1242. ; et, → , elle était
  1243. , → :
  1244. dont → de qui
  1245. , → et
  1246. , elle avait peut-être → cachait
  1247. grêle → frêle
  1248. Enfin ma → Ma
  1249. Malgré toute → Si le
  1250. dans le monde, ne faut-il pas savoir → consiste à
  1251. les autres, → autrui, à
  1252. ineffable → constante
  1253. ? Eh bien! chez elle, l’ → , à plaire aux autres en les rendant contens d’eux-mêmes; malgré
  1254. , était → sentait la
  1255. , pour les autres, → pour ses favoris
  1256. bienfaisance et de la bonté; son → bonté, sa prétentieuse
  1257. de la chaleur, de l’ → un noble
  1258. ; mais, j’ → . Moi seul
  1259. l’ → son
  1260. cette frêle → la mince
  1261. dont se contente le → qui suffit au
  1262. : → ,
  1263. bien → à fond
  1264. J → j
  1265. lui faisais comprendre → l’initiais à
  1266. fallait → aurait fallu
  1267. . Un → : un
  1268. quelque → un
  1269. pièges → piéges
  1270. me répondit par → dit
  1271. dit → répondit
  1272. ! → ,
  1273. ; → ,
  1274. , riche, → riche
  1275. – Fœdora → «Fœdora
  1276. . Elle → ; elle
  1277. ; → ,
  1278. ¶ Elle n’était ni → » Ni
  1279. ; elle → , cette femme
  1280. : → ,
  1281. Mystère → Ce mystère
  1282. cachemire → cachemires
  1283. fortune → ambition
  1284. avait témoigné → témoigna
  1285. avais obtenu → obtins
  1286. . Elle → : elle
  1287. Ah! la → La
  1288. ; → ,
  1289. puis, → mais
  1290. des → de ces
  1291. environné → entouré
  1292. auquel → à qui
  1293. travaillant toute seule. Sa → travaillait, sa
  1294. souci? → chagrin,
  1295. en quittant → , qui posa
  1296. Écoutez, ma → Ma
  1297. me dis-je en la contemplant. – → pensé-je.
  1298. leva la tête et → me devina, tant mon accent était interrogateur, elle
  1299. . Alors → , et
  1300. pensant → croyant
  1301. Ah! je crois bien → Un peu, passionnément, pas du tout
  1302. folâtrerie → folâtre reconnaissance
  1303. Alors, je → Je
  1304. et → ,
  1305. en la priant → et la priai
  1306. ; → .
  1307. en montrant → qui montra
  1308. en secouant la tête par un geste → d’un air
  1309. . Elle → , elle
  1310. ; puis examinant → , examina
  1311. . Mais → , mais
  1312. Puis, elle → Elle
  1313. ; une → . Une
  1314. ; → ,
  1315. , ajouta-t-elle en jetant → ! Elle jeta
  1316. se sauvant. ¶ Je → voulut se sauver; mais je
  1317. ; puis, séchant → . ¶ L’admiration sécha
  1318. l’admirable → la
  1319. Ah! je → Je
  1320. . Eh bien! → ; hélas,
  1321. Puis, elle → Elle
  1322. quelques → plusieurs
  1323. En partant, Fœdora, → Fœdora
  1324. . J → , j
  1325. , et toute → et
  1326. . Elle → ; elle
  1327. Et cependant elle était → Quoiqu’elle fût
  1328. . Elle → , elle
  1329. . Elle → , elle
  1330. Ah! jamais → Jamais
  1331. pouvais toucher → touchais
  1332. ; → ,
  1333. m’illumina → me permit de voir les profondeurs de
  1334. à coup à l’œuvre → -à-coup au livre
  1335. publiée → publié
  1336. à Fragoletta, capricieuse → une vraie
  1337. ; → ,
  1338. . Elle s’en → , elle s’en
  1339. écoutant → d’
  1340. des → prise aux
  1341. – Alors, me disais → Pour
  1342. ce puissant fanatisme, à cette → cette
  1343. ! → .
  1344. Mais bientôt, → Puis
  1345. ; et, → , et
  1346. êtres. Les → choses, et trouvai les
  1347. . Présumant que → ; comme
  1348. les → leurs
  1349. . Je → ; je
  1350. ; → ,
  1351. à tous les → aux
  1352. et je m’y tapis dans le coin le plus obscur. Pour → . Afin de
  1353. les poser → grimper
  1354. une étude approfondie de → avoir étudié
  1355. de → mesuré
  1356. . J’étais sûr de pouvoir → , de manière à
  1357. éternuemens → éternumens
  1358. Alors, pour → Pour
  1359. orgues → orgue
  1360. , en les disposant de manière à → afin de
  1361. Puis, quelques → Quelques
  1362. eus bon espoir pour le succès → augurai bien
  1363. des → de ces
  1364. Enfin la → ¶ La
  1365. n’ayant → qui n’avait
  1366. Alors, les → Les
  1367. M. → Monsieur
  1368. en faites → le présentez comme
  1369. ; si → . Si
  1370. Là-dessus, un → Un
  1371. ; et → . Il
  1372. . Elle → qui
  1373. , abusant même → ; pour amuser ses amis, elle abusa
  1374. . Ses → , ses
  1375. regardai → regardé
  1376. ; et pour → . Pour
  1377. encore → avoir
  1378. à → -à-
  1379. Vous ne → Ne
  1380. pas → point
  1381. : de → . De
  1382. eut → prit
  1383. Oh! celle → Celle
  1384. . Elle → : elle
  1385. ; → ,
  1386. rondo; mais, → rondo; mais
  1387. , soit → ou
  1388. cette → la
  1389. . Mon → , mon
  1390. Il faudrait → Je devrais
  1391. la voir; mon → l’examiner. Mon
  1392. et → fille brune,
  1393. … → .
  1394. ? À → , à
  1395. . Heureusement → , mais
  1396. … → ,
  1397. lissées → lisses
  1398. !… Oh → ?
  1399. J → j
  1400. . Elle → , elle
  1401. . À → ; à
  1402. étincelait → étincela
  1403. la gaze dont un ouvrier l’a revêtue → son enveloppe de gaze
  1404. ¶ – Dépêche-toi donc! dit-elle. J’ai froid. ¶ Justine apporta un peignoir de batiste que Fœdora mit … → Hélas! un beau corps triomphera toujours des résolutions les plus martiales. La maîtresse
  1405. sa → la
  1406. et → puis
  1407. et je restai seul avec la → . La
  1408. dans le silence de la nuit, peignait → et qui indiquait
  1409. . Elle → ; elle
  1410. l’espèce, et but; puis → la nature; enfin
  1411. : – Ah! mon Dieu! → , elle
  1412. -t-elle. → : Mon Dieu!
  1413. ; → ,
  1414. ; ce → , son
  1415. ! → .
  1416. – Ah! mon → Mon
  1417. Cette phrase avait tout à → ce lambeau d’une pensée inconnue, que
  1418. ce lambeau d’une pensée inconnue → , avait tout-à-
  1419. mystères → réalités
  1420. : était → . Était
  1421. ; enfin, → , enfin
  1422. était → devenait
  1423. peut-être! → .
  1424. attribuais → attachais
  1425. ; → ,
  1426. en → . En
  1427. ; de → , peut-être pourrais-je
  1428. ; de → ,
  1429. l’avais présumé, la clef → le présumais, la clé
  1430. ; → ,
  1431. d’y → de
  1432. ; → ,
  1433. et → ,
  1434. se gonfla, s’alourdit → s’était alourdi
  1435. grace… ¶ Alors, → grâce. Elle m’encouragea par un geste, et
  1436. , madame, vous faire apercevoir → vous montrer
  1437. . Je → , je
  1438. . D → ; d
  1439. Le 2 → En
  1440. Alors je → Je
  1441. soutenus par → sur
  1442. je voulais → j’essayais de
  1443. Alors, je → Je
  1444. … → ,
  1445. . Je l’enveloppais → ; je l’enveloppai
  1446. tenais, la serrais, et → tins, la serrai,
  1447. épousait. Certes alors, je → épousa. Je
  1448. sans doute → alors
  1449. ; aussi → . Aussi
  1450. . Mais, → ; mais
  1451. il me fallait → je souhaitais
  1452. . Vous → , vous
  1453. graces → grâces
  1454. vous ne m’avez pas → je n’ai pas été
  1455. ; → ,
  1456. , là, → là
  1457. : → ,
  1458. elle → cette
  1459. qui → a des carrosses
  1460. . Je → , je
  1461. . – Je → , je
  1462. pas? ¶ → point?
  1463. Là, je → Je
  1464. une → la
  1465. de → du
  1466. nul → ni l’
  1467. lui-même ne saurait → ne sauraient
  1468. , → et
  1469. , et répètent → en répétant
  1470. Ses → ses
  1471. … → ,
  1472. Non, non, ne → Ne
  1473. pas de → aucune
  1474. . J → , j
  1475. . → , sans…
  1476. ? → !
  1477. . ¶ Après → ; mais après
  1478. était, → est
  1479. . Je → , je
  1480. ! → .
  1481. cela → cette promesse
  1482. Alors → Eh bien
  1483. ; → ,
  1484. ; → ,
  1485. ; quand → . Quand
  1486. … → .
  1487. Eh bien, non → Non
  1488. . Vous → , vous
  1489. . Pourquoi → , pourquoi
  1490. Puis → D’ailleurs
  1491. ennuieraient → ennuient
  1492. des → les
  1493. . J → , j
  1494. . Il n’y a que → ; mais
  1495. qui puisse → peut seul
  1496. votre délicatesse; mais, je ne → vos délicatesses, et je
  1497. pas, et toute → si peu, que
  1498. … → .
  1499. je vous prie de me laisser → permettez-moi de me
  1500. … → .
  1501. – Ah! mon → Mon
  1502. . J → , j
  1503. ? Permettez → , dites
  1504. ? Soyez → , soyez
  1505. . Vos → , vos
  1506. . Tu rencontreras → , il t’apportera
  1507. , là où je trouverai → et une mort solitaire, à moi
  1508. Alors je → Je
  1509. : → ,
  1510. les → mes
  1511. et tristes études; mais, malgré → études. Malgré
  1512. et → ,
  1513. ; → ,
  1514. ; → ,
  1515. afin de → pour
  1516. , par une → par la
  1517. ; et, → . ¶
  1518. aller → allez
  1519. regardais → regardai
  1520. . J → , j
  1521. . J → ; j
  1522. or. Ce jour-là, → salaire, et
  1523. . Il → , qui
  1524. ? → !
  1525. ! → ,
  1526. . Puis, ne → qui
  1527. -elle pas grace? → grâce, n’est pas Othello qui veut!
  1528. : mes → . Mes
  1529. ! → ,
  1530. . J’ai, → , j’ai
  1531. . → ?
  1532. ? → ,
  1533. l → L
  1534. pas → point
  1535. ; → ,
  1536. ; le → . Le
  1537. tes → les
  1538. ? Enfin, quand → . Quand
  1539. Puis, si → Si
  1540. ? – Ah! ah → , plus
  1541. Moi → À ta place
  1542. . Je → , je
  1543. Cela → cela
  1544. Puis, elle → Elle
  1545. livres → francs
  1546. ! Sa → , sa
  1547. Tu → tu
  1548. ; mais → , mais encore
  1549. même une sorte d’ → une
  1550. ! → .
  1551. pauvre → chère
  1552. ! → ,
  1553. ma chère → mon
  1554. ? → ,
  1555. . Vous → , vous
  1556. … → ,
  1557. ! → ,
  1558. . Puis, → , puis
  1559. comfortable → confortable
  1560. de → apportées par
  1561. … Il y avait de la → . Ce tableau ne manquait pas d’ailleurs de
  1562. ; → ,
  1563. ; espèce de → comme dans une
  1564. Puis, le → Le
  1565. ; → ,
  1566. cizelé → ciselé
  1567. . ¶ → ?
  1568. Douze → Vingt-sept
  1569. ; → ,
  1570. ! → ,
  1571. Enfin nous → Nous
  1572. frères → héritiers
  1573. … – → .
  1574. … ¶ – Oh! nous → . ¶ – Nous
  1575. Puis, jetant → Il jeta
  1576. il. Enterre → il, enterre
  1577. Alors, je → Je
  1578. , soit → ou
  1579. ensemble → de compagnie
  1580. Puis je → Je
  1581. . Elles → qui
  1582. , parce que les → . Les
  1583. Enfin je → Je
  1584. , et rien → . Rien
  1585. ferez-vous adopter → inculquerez-vous
  1586. , pour lesquels → pour qui
  1587. Mais la → La
  1588. . Elle → , et
  1589. , faire → s’adonner à
  1590. habitudes → habitude
  1591. ; mais → . Mais
  1592. ; → ,
  1593. Moscou → Sainte-Hélène
  1594. ; → ,
  1595. ; → ,
  1596. ; → ,
  1597. ; poëte, → , poète
  1598. il est le → une espèce de
  1599. Eh! ne → Ne
  1600. inutile, ou qui, végétant, par → qui végète sous
  1601. , aspire à → et rêve
  1602. . Elle → ; elle
  1603. . D’abord, → : d’abord
  1604. . Il → , il
  1605. . Ce sont → , c’est
  1606. . La → ; la
  1607. ; → ,
  1608. ; → ,
  1609. ; → ,
  1610. ; quand, → , quand
  1611. ; alors, sans → , sans encore
  1612. ; → ,
  1613. ; → ,
  1614. opium → extase
  1615. leur → le
  1616. -les tous! S → tous les grands hommes? s
  1617. fait → crée
  1618. Puis à → À
  1619. Enfin, un → Un
  1620. Impuissance → impuissance est
  1621. ; → ,
  1622. ; moi, c’était → , moi
  1623. jadis à l’artiste, → elle a dit jadis
  1624. quelque → un
  1625. comme → comment
  1626. ; → ,
  1627. . L → ; l
  1628. -à- → à
  1629. ! → .
  1630. – Ah! ah → ¶ – Ah
  1631. ! → . ¶
  1632. . Elle lui racontait → en lui racontant
  1633. en → et
  1634. ; → ,
  1635. . Mais → ; mais
  1636. Alors, pour → Pour
  1637. . Puis → , et
  1638. ! Ah! je → . Je
  1639. ! Mon → , mon
  1640. : je → . Je
  1641. Or, notre → Notre
  1642. même! a dit M. → même, a dit
  1643. ! jadis, → , jadis
  1644. 3,000 → trois mille
  1645. c’est, peut être, ne plus → est-ce donc
  1646. tout. Il faudra → ma joie, me forcera de
  1647. ; → ,
  1648. de vice et d’infamie → du vice
  1649. , et → où
  1650. ! Au → : au
  1651. qu’on → que la société
  1652. ! → .
  1653. — → –
  1654. grace. – → grâce.
  1655. voilà → sommes
  1656. ! → ,
  1657. ; → ,
  1658. , aussi → plus
  1659. ; → ,
  1660. , → et
  1661. Il faut être entraîné, subjugué, pour s’endetter; eux, rien ne les → Des élans de l’ame entraînent, subjuguent souvent un emprunteur, tandis que rien de grand ne
  1662. les entraîne. Ils → guide ceux qui
  1663. , → et
  1664. Ce sont de terribles → Terribles
  1665. ! Ne faut-il pas → avec lesquels il faut
  1666. avec eux? Puis, → , et
  1667. : → ,
  1668. que → quand
  1669. porte-feuille → portefeuille
  1670. . Elles → ; elles
  1671. dont → desquels
  1672. ! → .
  1673. ; → ,
  1674. ; → ,
  1675. ; une → . Une
  1676. Elle → elle
  1677. engendre → assemble les madriers de
  1678. ; mais trois → . Trois
  1679. ; → ,
  1680. dont je fus → qui m’avait
  1681. j’avais enseveli → gisait
  1682. ; → ,
  1683. ; et, pour → . Pour
  1684. gangrenée → gangrénée
  1685. sur le → au
  1686. Tous les → Les
  1687. , mais → ; mais,
  1688. ¶ – → .
  1689. Raphaël qui pensa tout à → -t-il en pensant tout-à-
  1690. et tira la peau de chagrin → qu’il tira
  1691. cria → s’écria
  1692. la peau → la Peau
  1693. . J → , j
  1694. on → il
  1695. ! → .
  1696. -taille de tous les → continue des
  1697. Presque tous les → La plupart des
  1698. ! → ,
  1699. . → !
  1700. ! → .
  1701. peau de chagrin → Peau de chagrin
  1702. tu es impoli. Songe → songe
  1703. mauvaise → méchante
  1704. ; et → ,
  1705. : c’est → , n’est-ce pas
  1706. ! → ?
  1707. ! → .
  1708. ; mais, → . Mais
  1709. n’en → ne
  1710. Au diable, → Je veux oublier
  1711. ! → .
  1712. peau → Peau
  1713. ! → .
  1714. ! → .
  1715. peau → Peau
  1716. peau! → Peau,
  1717. peau → Peau
  1718. je → Je
  1719. peau → Peau
  1720. C → c
  1721. ? → ,
  1722. peau → Peau
  1723. ? → ,
  1724. grace → grâce
  1725. . → !
  1726. ! → ,
  1727. , sur laquelle ils → et y
  1728. ! Tu as été l’ami → . L’ami
  1729. , tu as le → a
  1730. … ga… res → …ga…res
  1731. ! → .
  1732. s’endormirent, en unissant → unirent
  1733. dont → qui retentissait dans
  1734. Puis, la → La
  1735. à → -à-
  1736. . Sa → ; sa
  1737. . Ils → , ils
  1738. ou frippé → et fané
  1739. . Leurs → : leurs
  1740. grace → grâce
  1741. ; mais ces → . Ces
  1742. et sans → ni
  1743. Puis, un rire satirique → Un rire satanique
  1744. à → -à-
  1745. le banquier → Taillefer
  1746. . Son → ; son
  1747. ; → ,
  1748. ; → ,
  1749. . Plus → : plus
  1750. , plus de → ni de
  1751. , plus → ni
  1752. ; puis, → , mais
  1753. ; puis, → , mais
  1754. quelques-unes → plusieurs
  1755. ; quand, → , quand
  1756. records → recors
  1757. ; → ,
  1758. ; → ,
  1759. le Banquier → Taillefer
  1760. C’était le → Semblable au
  1761. espèce de → la
  1762. ¶ → (
  1763. ¶ – → )
  1764. , qui, → qui
  1765. Marie-Charlotte, née à Tours → Marie
  1766. ! → ,
  1767. Or, elle → Elle
  1768. claire, → liquide et
  1769. , liquide; et depuis → . Depuis
  1770. y eut → se fit
  1771. et cruelle envie. Tous → envie, tous
  1772. peau → Peau
  1773. ? → !
  1774. le banquier → Taillefer, il a sa fortune à bon compte
  1775. . La → , la
  1776. ; → :
  1777. ; → ,
  1778. ; → ,
  1779. ; → ,
  1780. , → fut
  1781. ; → ,
  1782. , fixes → se fixèrent
  1783. Il → Raphaël
  1784. ; → ,
  1785. sa → la
  1786. clairement ce → ce
  1787. peau de chagrin → Peau de chagrin
  1788. . Il → , il
  1789. ! → .
  1790. ! → .
  1791. . Il → , il
  1792. sans désirs → sans désirs
  1793. Tout ce qui s’offrait → Le spectacle offert
  1794. , → ?
  1795. l’amphitryon → Taillefer
  1796. . Elle doit être → , elle est
  1797. ! Il → , il
  1798. … → .
  1799. Or, à → À
  1800. ! → .
  1801. ! → ,
  1802. francs → livres
  1803. grace → grâce
  1804. Alors j’ai → J’ai
  1805. . Eh → , eh
  1806. ! Tu → , tu
  1807. , → ?
  1808. M. → Monsieur
  1809. . Je → , je
  1810. … → .
  1811. M. → monsieur
  1812. . Il → , il
  1813. Deux → deux
  1814. ? ma → . Ma
  1815. M. → Monsieur
  1816. . Il → qui
  1817. C → c
  1818. M. le → Le jeune
  1819. Une → une
  1820. Ainsi, monsieur → Monsieur
  1821. ? → ,
  1822. Et alors, étant → Étant
  1823. Alors il → Il
  1824. , et de → et de la
  1825. ! → .
  1826. . Il → , il
  1827. Je l’ai vu tout petit, et → D’ailleurs,
  1828. d’un tas → de tant
  1829. . Il y en a bien assez pour → que j’ai de quoi
  1830. ¶ M. → Monsieur
  1831. , et, → ;
  1832. là. ¶ → -là.
  1833. littérature et des livres → librairie
  1834. tous les ouvrages → les livres
  1835. qui paraissent, pour qu’il puisse les trouver, → afin qu’il les trouve
  1836. . Il → , il
  1837. glaces → glace
  1838. ; → ,
  1839. ; → ,
  1840. ; → ,
  1841. M. le marquis → mon maître
  1842. ; → ,
  1843. C’est moi qui → Je
  1844. ! → .
  1845. , → !
  1846. mécanisse → mécanisme
  1847. ! → ,
  1848. «— Voilà → «Voilà
  1849. de → -de-
  1850. monsieur Raphaël → votre maître
  1851. ! → ,
  1852. ! Je → , je
  1853. : – → .
  1854. Raphaël, enveloppé → Enveloppé
  1855. et → ,
  1856. grace → grâce
  1857. ; ses → . Ses
  1858. ; il → . Il
  1859. ; et sur → . Sur
  1860. de → d’en
  1861. et dont l’expression → qui
  1862. ; → ,
  1863. mais → et
  1864. Elisée → Elysée
  1865. ! → .
  1866. ! → .
  1867. , presque → . Pour
  1868. Et, au → Au
  1869. reprit une vie studieuse, → mena
  1870. . Tout → , tout
  1871. voyant → apercevant
  1872. … → .
  1873. trouver → voir
  1874. , moi, → moi
  1875. . J → , j
  1876. ? → ,
  1877. Fénélon, de Monsieur → Massillon, de M.
  1878. bonhomme → bon homme
  1879. ; → ,
  1880. ; → ,
  1881. ; → ,
  1882. et, alors → mais
  1883. Hé → Eh
  1884. que ma protection? Alors votre → qu’un souhait homicide? Votre
  1885. ! → .
  1886. ! ¶ → .
  1887. ! Pourquoi → , pourquoi
  1888. Branston → Dudley
  1889. Et, d → D
  1890. épouvantable → sanguinaire
  1891. . Il → , il
  1892. accompagnait → nuança
  1893. . Vous → , vous
  1894. ? → ,
  1895. ! Aux → , aux
  1896. ? → ,
  1897. étudiant → Étudiant
  1898. Semiramide → Sémiramide
  1899. et → ,
  1900. à la Mazarin dont → à la Mazarin que montrait vaniteusement
  1901. comblés → comblées
  1902. dont elle → et
  1903. la → sa
  1904. le → son
  1905. ; → ,
  1906. vieillard → vieux
  1907. marchait en faisant → faisait
  1908. ! → .
  1909. satanique → muet
  1910. sortilèges → sortiléges
  1911. âge, → -âge
  1912. Radieuse → Une radieuse
  1913. dont la bouche rose → qui
  1914. . Puis, offrant à cette femme, un → , il lui offrit son
  1915. en recueillant, → recueillit
  1916. Que → Combien
  1917. ! → .
  1918. juif et en → marchand et
  1919. ; → ,
  1920. . Je → , je
  1921. , entendant le prélude de l’orchestre, → entendirent la sonnette de rappel et
  1922. salua → et
  1923. elle → la comtesse
  1924. ces mille → les
  1925. poser. Tous → poser; tous
  1926. . Un → , un
  1927. . La comtesse → , elle
  1928. donnée → donné
  1929. ; et, au geste qu’elle fit → . À son geste
  1930. ; → ,
  1931. ; → ,
  1932. . Elle → ; elle
  1933. ; → ,
  1934. , pour en → pour se
  1935. mal → gauchement
  1936. mais, tout à coup, → tout-à-coup
  1937. . Son → , son
  1938. ; car, → , car
  1939. – Je → je
  1940. Cette → cette
  1941. partagèrent cet applaudissement et finirent par en augmenter → s’unirent aux applaudissements et en accrurent
  1942. ; et → ,
  1943. . Les → , les
  1944. . Tout → , tout
  1945. du banquier sanglant → de Taillefer,
  1946. que tu as → qui est
  1947. . Il → , il
  1948. ; et, → , et
  1949. dont il avait été → qui l’avait
  1950. . Bientôt, → ; bientôt
  1951. . La → , la
  1952. . Enfin, → ; enfin
  1953. , → ;
  1954. nerveux qui semblait faire → qui faisait
  1955. son → le
  1956. aussi fortement que → comme
  1957. son → le
  1958. Puis, elle → Elle
  1959. et, bientôt, → mais
  1960. ! → ,
  1961. ; → ,
  1962. . Tu mens! Tu → , tu mens, tu
  1963. ? Le → , le
  1964. ame; → âme,
  1965. M. → monsieur
  1966. . Vous → , vous
  1967. ! → ?
  1968. . Quand → , et quand
  1969. , enfin → donc
  1970. ; et → ,
  1971. , → !
  1972. . → !
  1973. cela, hier, → votre sort hier
  1974. et, → mais
  1975. ? Est → , est
  1976. ! → ,
  1977. ! → ,
  1978. en se sentant → car il se sentit
  1979. dire → prononcer
  1980. et, la serrant avec force, elle → la serra, et
  1981. ! → ,
  1982. ! → ,
  1983. ! riches! → , riches,
  1984. ! → .
  1985. aime! → aime,
  1986. J → j
  1987. . Il → , il
  1988. ! Je → , je
  1989. ! Comprends → , comprends
  1990. , cette → et
  1991. ! C → , c
  1992. ! → ,
  1993. ! → ,
  1994. Que → Combien
  1995. ? → ,
  1996. . À moi → : à moi
  1997. ; → ,
  1998. ! Éternelle → , éternelle
  1999. ! → :
  2000. . Mais → ; mais
  2001. ! → .
  2002. ? → ,
  2003. . Pourquoi → , pourquoi
  2004. ! Je → , je
  2005. ; → ,
  2006. ! → ?
  2007. . → ,
  2008. ! → ,
  2009. Mais → mais
  2010. , et, joignant → et joignit
  2011. ! Pour → , pour
  2012. ! Pour → , pour
  2013. … → !
  2014. Ah! comme → combien
  2015. ! → .
  2016. la → par
  2017. ! → ,
  2018. ! → .
  2019. ! – → .
  2020. ! → ,
  2021. ! → .
  2022. ? → ,
  2023. ! → .
  2024. ! → .
  2025. … → .
  2026. ! → .
  2027. ? → !
  2028. ; → ,
  2029. ! → ,
  2030. , → et
  2031. . En → ; en
  2032. ! → ,
  2033. . J → , j
  2034. ! → .
  2035. connus → connues
  2036. ! s’écria → , dit
  2037. Et ils → Ils
  2038. , → en
  2039. nous marierons → serons mariés
  2040. une → un
  2041. . Nous → , où nous
  2042. là. – → .
  2043. ; → :
  2044. ; → ,
  2045. ; → ,
  2046. . Ce → , ce
  2047. … → .
  2048. ? → ,
  2049. . → ?
  2050. ! Je → , je
  2051. . Puis → ; puis
  2052. ! → ,
  2053. revenue → revenu
  2054. George → Georges
  2055. Ce soir, en m’endormant, je tâcherai d’être → Quand je m’endormirai, je serai
  2056. ? → .
  2057. ! Mais, tu → . Tu
  2058. ! Je → , je
  2059. . Il → , il
  2060. peau → Peau
  2061. peau → Peau
  2062. Il → il
  2063. , → et
  2064. ; et, → , et
  2065. . En → ; en
  2066. . Point → ; point
  2067. : → ;
  2068. . La mousseline, → ; dédaignant
  2069. . Puis, → , la mousseline ou
  2070. . La → , la
  2071. passait alors → passa
  2072. . Enfin → ; enfin
  2073. par hasard. Donc → ; donc
  2074. ; et leurs → . Leurs
  2075. coloriée → colorée
  2076. . La folâtre jouait → , elle folâtrait
  2077. . Elle → ; elle
  2078. y avait, → abondait
  2079. ainsi déshabillée, et → en déshabillé,
  2080. ; et → ,
  2081. Puis, quand → ¶ Quand
  2082. ce furent → éclatèrent
  2083. à → -à-
  2084. vue → vu
  2085. . Et c’est → , et
  2086. un pied carré → six pouces carrés
  2087. C’est une → Cette
  2088. très → est très-
  2089. ! → ,
  2090. . Elle → , elle
  2091. ! Au → , au
  2092. recouvrait → recouvra
  2093. , → et
  2094. Comme tes → Tes
  2095. ! Elle → ?… elle
  2096. ! → ,
  2097. Tu es folle? → Folle,
  2098. ! → ?
  2099. ! Pauline! → , Pauline,
  2100. peau → Peau
  2101. Oh! quelle → Quel changement de
  2102. en laissant → qui laissa
  2103. Oh, si → Si
  2104. ! Est → , est
  2105. ! → ,
  2106. . Va → , va
  2107. Soumise, la → La
  2108. s’en alla, mais pleurant → sortit
  2109. ? → ,
  2110. n’étaient que → sont les cristaux
  2111. ; → ,
  2112. ; → ,
  2113. ! Je croirai, moi? → , je croirais moi!
  2114. Mané – Thekel – Pharès. → Mané, Thekel, Pharès?
  2115. Etre → Être
  2116. ! ¶ Alors il → . ¶ Il
  2117. Salpétrière → Salpêtrière
  2118. que par la diversité du plumage. Leurs → et dont les
  2119. Et tous → Tous
  2120. roi, sans → charte ni
  2121. assez rarement → par hasard
  2122. Monsieur est là → Voilà monsieur Lavrille
  2123. un savant → ce grand pontife de la zoologie
  2124. quelque sage méditation → quelques sages méditations
  2125. la → une
  2126. . Sa → : sa
  2127. , → et
  2128. et qui, même par ses → dont les
  2129. , servait → servaient
  2130. . Mais → ; mais
  2131. , en remarquant → de
  2132. . Cet → ,
  2133. Lacrampe → Lavrille
  2134. bannal → banal
  2135. ! → ,
  2136. C’est, du reste → Ce genre est d’ailleurs
  2137. … → .
  2138. ! → .
  2139. C’est → Vous voyez là
  2140. que vous voyez-là. Pauvre → pauvre
  2141. . Tenez! → ! tenez,
  2142. . Est → ; est
  2143. ? Qui → , qui
  2144. sixième → huitième
  2145. et → , de l’autre
  2146. rufina → ruffina
  2147. siffieur → siffleur
  2148. sercelle → sarcelle
  2149. ; → ,
  2150. . – → ….
  2151. Tout en → En
  2152. Lacrampe → Lavrille
  2153. cela → ce produit
  2154. . C’est → , il a servi à
  2155. Monsieur → monsieur
  2156. ! → ,
  2157. . Eh bien, → en interrompant, est
  2158. , et cependant, → . Cependant
  2159. Petrop… → Petrop.,
  2160. … → .
  2161. ! le → . Le
  2162. . Son → : son
  2163. . Sa → , sa
  2164. ; → ,
  2165. . Sa → ; sa
  2166. . Un peu → ; un peu
  2167. , et, quand → . Si
  2168. . Quant → ; quant
  2169. ! Un → ; un
  2170. ! → .
  2171. à tous les → aux
  2172. Enfin, → ¶ Enfin
  2173. ; mais → ,
  2174. les → le
  2175. leurs → les
  2176. ils bondissent → il bondit
  2177. des chevreuils, et semblent → un chevreuil, et semble
  2178. des oiseaux → un oiseau
  2179. ; et, de → . De
  2180. ; → ,
  2181. . → ,
  2182. Lacrampe → Lavrille
  2183. ; et → , or
  2184. . Je → , je
  2185. Mais, monsieur → Monsieur
  2186. . Les → , car les
  2187. déplacemens → espaces
  2188. très pesantes, dans lesquelles → primitivement maintenues par
  2189. ; aussi, → , aussi
  2190. Lacrampe → Lavrille
  2191. Lacrampe → Lavrille
  2192. , → :
  2193. moutons. Il → chèvres, il
  2194. brebis → animaux
  2195. ; et, arrivé → . Arrivé
  2196. – Ménageons → «Ménageons
  2197. ! → .»
  2198. Mais un → Un
  2199. x → X
  2200. + → –
  2201. , → et
  2202. , et → ;
  2203. Et le → Le
  2204. M. Planchette immobile, et → le mécanicien
  2205. Le mathématicien → Planchette
  2206. agate → agathe
  2207. et attendait, sans doute, → en attendant
  2208. M. Planchette → Le pauvre homme
  2209. . Le pauvre homme → , car il
  2210. ¶ – Ah! ah → – Ah
  2211. sur → contre
  2212. et, tous, → tous
  2213. Incroyable → Incroyable
  2214. , soit → ou
  2215. que → ,
  2216. hors d’état de → impuissans à
  2217. certains → quelques
  2218. , et nous pouvons, en → . En
  2219. arriver à → nous pouvons
  2220. ; à → ,
  2221. ; à → ,
  2222. Et toute cette → Cette
  2223. ! → .
  2224. ne font que décomposer → emploient ou décomposent
  2225. , opéré sur une masse, → adapté à des masses va
  2226. ; → :
  2227. Et qu → Qu
  2228. impuissante → inhabile
  2229. ! → .
  2230. ! Et → , et
  2231. ! → .
  2232. entière repose → est établie
  2233. n’est que l’absence du → est un
  2234. ; et, si → dont les fins nous sont peu connues. Si
  2235. c’est → croyez
  2236. . → ,
  2237. ! → .
  2238. a jamais → jamais a
  2239. ? → ,
  2240. , et → ;
  2241. Problême → Problème
  2242. ! → .
  2243. ! → .
  2244. il faut → nous devons
  2245. ! D → ; d
  2246. . Si elle doit se diviser → ; si elle se divise
  2247. ! → .
  2248. Il → il
  2249. Nous → nous
  2250. ; à → . À
  2251. infiniment → indéfiniment
  2252. deux → des
  2253. Et, tout → Tout
  2254. , le posa → et l’apporta
  2255. gnomonique; puis, apercevant → du gnomon; puis il alla chercher
  2256. stupéfait, resta charmé → resta charmé
  2257. écoutant quelque → auquel sa nourrice conte une
  2258. contée par sa nourrice. M. Planchette jeta → . Après avoir posé
  2259. ; puis, tirant → , Planchette tira
  2260. ; mais tout en préparant sa machine, il sifflait et chantait → en sifflant
  2261. Tout est prêt → Voilà les élémens de la machine
  2262. Puis, il → Il
  2263. auquel il donna → en lui donnant
  2264. , mettant → il mit
  2265. le plus beau titre → un des plus beaux titres
  2266. … → .
  2267. ; → ,
  2268. et → puis
  2269. . N → , n
  2270. . Néanmoins → , néanmoins
  2271. ; → ,
  2272. sera → ,
  2273. et de monter → montera
  2274. … ¶ → .
  2275. fiché → planté
  2276. que, → , que
  2277. mille → milles
  2278. ? Si → , si
  2279. Or, le → Le
  2280. … → .
  2281. – Alors, concevez-vous → Concevez-vous alors
  2282. prise → mise
  2283. … → ,
  2284. ; → ,
  2285. ; → ,
  2286. confectionner, → fabriquer
  2287. cent → mille
  2288. un → son
  2289. Monsieur → monsieur
  2290. ! → ,
  2291. En entrant chez → Chez
  2292. ; → ,
  2293. ; → ,
  2294. . Le → , le
  2295. fer, il → fer, Raphaël
  2296. une → un
  2297. concaténation → noyau
  2298. ! → ,
  2299. peau → Peau
  2300. cette → la
  2301. infernale; et, avec la → souveraine, et plein de cette
  2302. un → quelque
  2303. soit → est
  2304. ; et, avec → , et de
  2305. ! → ,
  2306. , → et
  2307. ; et, tous → . Tous
  2308. ! s’écria → , dit
  2309. , qui la → . Le marquis
  2310. , elle était → la peau
  2311. , → et
  2312. de toutes parts. Les → , les
  2313. . → ,
  2314. C’est vrai, → Il y a décidément
  2315. ! → ,
  2316. . Nous → , nous
  2317. , puis, dit froidement: – → et dit:
  2318. ! La Chimie → , la chimie
  2319. ne l’est la Mécanique! → la mécanique.
  2320. ? → ,
  2321. un précipité. Comment → un précipité, comment
  2322. ! → .
  2323. Salicine → salicine
  2324. . Si → , si
  2325. . En → , car en
  2326. ! → ,
  2327. . Ce → , ce
  2328. , → ?
  2329. , Monsieur… → .
  2330. son → la Peau de
  2331. ! → ,
  2332. . Elle → , elle
  2333. ! → ,
  2334. . Pas → , pas
  2335. ; puis, → , puis
  2336. ; mais enfin toutes → , enfin
  2337. grace → grâce
  2338. poudre fulminante → chlorure d’azote
  2339. ! → ,
  2340. Institut → Académie
  2341. Impuissante! – → impuissante!
  2342. Eau → eau
  2343. Déshonorée. – → déshonorée.
  2344. Deux → deux
  2345. sans ame → doué de mouvement
  2346. Bête → bête
  2347. ! → .
  2348. fait → fait
  2349. ? → .
  2350. . Il → ; il
  2351. . Ses → , ses
  2352. ; → ,
  2353. et → mais
  2354. ¶ Il mit la peau → Il remit la Peau
  2355. ; puis, → , et
  2356. au tombeau. ¶ – Ah! Pauline → . – Ah
  2357. . Pauvre → , pauvre
  2358. quelque puissantes et fortes que soient → malgré la force de
  2359. . Il → , et
  2360. ; → ,
  2361. lit → monceau
  2362. l’épouse → ta femme
  2363. ; → ,
  2364. Oh! pardonne → Pardonne
  2365. ¶ Puis, elle → Elle
  2366. Oh! tu → Tu
  2367. . Elles → , elles
  2368. Mais cependant la mort → je ne sais. La mort
  2369. ! Oh! → ,
  2370. . Et, → , et
  2371. ! dit → donc, répondit
  2372. , → ;
  2373. à peine → encore
  2374. époux → amans
  2375. Ses → Les
  2376. . Ses → , ses
  2377. que firent → de
  2378. le rêve d’où il sortait → son rêve
  2379. , de la mort, et savoir → attaquée, et pouvoir
  2380. Pauline qui, tout en dormant, → sa femme endormie qui
  2381. son ami, elle → lui, Pauline
  2382. et lui tendre sa → en lui tendant une
  2383. qui laissait passer → par
  2384. . L → ; l
  2385. , sa gracieuse posture peignaient une innocente → si plein de
  2386. leur naïveté, les → les naïves
  2387. décorent → décore
  2388. était là, ne rougissant → ne rougissait
  2389. dont → chez qui
  2390. . De → , de
  2391. . Elle semblait s’être → ; mais elle s’était
  2392. . Ses → , ses
  2393. . Son → ; son
  2394. Oh! voir → Voir
  2395. , qui, → qui
  2396. , possède un langage pour vous parler → vous parle
  2397. … → !
  2398. son → un
  2399. , → ;
  2400. ; → ,
  2401. ! → ,
  2402. belle femme → femme
  2403. amante → aimantes
  2404. Alors il → Il
  2405. ? → .
  2406. avaient une grace inexprimable, → empreintes d’une grâce
  2407. et → ,
  2408. . C’était → formaient
  2409. Oui, les → Hélas! ces
  2410. et → , de même que
  2411. séniles → secrètes
  2412. Oh! pourquoi → Pourquoi
  2413. ! → ?
  2414. . Il → , il
  2415. . Cela → , et qui
  2416. Et, → J’ai reconnu
  2417. Ensuite → Puis
  2418. . J → , j
  2419. ! Ta → , ta
  2420. – Oh! chéri → Chéri
  2421. . Tu → , tu
  2422. . – Mais, non! → …. Mais non,
  2423. ¶ Et, de → De
  2424. ; puis, saisissant → , saisit
  2425. est tout entière. – → arrive:
  2426. ! → ,
  2427. Oh! mourir → Mourons
  2428. nous en aller → allons
  2429. pour lui caresser la tête. ¶ En ce moment Raphaël eut → ; mais il eut alors
  2430. , puis → et
  2431. enfin. ¶ Puis, elle voulut → en voulant
  2432. dont elle était agitée, et → qui l’agitaient. Elle
  2433. ; → ,
  2434. ; → ,
  2435. Grace → Grâce
  2436. et représentaient admirablement bien → en représentant
  2437. Quant au → Le
  2438. , c’était un → était Horace Bianchon,
  2439. son camarade de collége → de Rastignac
  2440. une semaine → quelques jours
  2441. quelques → les
  2442. peuvent aussi bien s’expliquer → s’expliquent
  2443. l’angle du mur, près de la croisée → le coin de l’embrasure
  2444. Celui-là, homme → Homme
  2445. . Poétique → , poétique
  2446. il voyait, → voyait
  2447. , → et
  2448. . Il → , qui
  2449. ; → ,
  2450. Trouvant → ¶ Il trouvait
  2451. mais n’en adoptant → n’en adoptait
  2452. École, le → école,
  2453. le → ce
  2454. le → ce
  2455. . Il → ,
  2456. peau → Peau
  2457. peau → Peau
  2458. Restant → Tous trois,
  2459. toisant même → toisaient
  2460. , ils → et
  2461. dans → perçait à travers
  2462. ; et, soit → . Soit
  2463. — bon! – bien!…» → bien!»
  2464. Mais la → La
  2465. de Prosper → d’Horace
  2466. Médecin → Il était médecin
  2467. , il n’était pas encore → pour être
  2468. , → et
  2469. , et → ; il
  2470. restés → resté
  2471. un vêtement → ses vêtemens
  2472. ; et, → , et
  2473. pourrait → pouvait
  2474. , → :
  2475. – → .
  2476. Prosper → Horace
  2477. et → ,
  2478. Prosper → Bianchon
  2479. ; → ,
  2480. ; → ,
  2481. . Peut → , peut
  2482. ; → ,
  2483. ; → ,
  2484. ; → ,
  2485. Prosper → Bianchon
  2486. et → peut-être
  2487. ; → ,
  2488. Prosper → Bianchon
  2489. ; → ,
  2490. ? Et → ,
  2491. ? → ,
  2492. ? Connaissons → , connaissons
  2493. ; → ,
  2494. . L → , l
  2495. . De → ; de
  2496. ; → ,
  2497. ; → ,
  2498. C’est de la → Toujours sa
  2499. Et sur → Sur
  2500. ; → !
  2501. . → !
  2502. Ils → ils
  2503. ! Eh → , eh
  2504. ! → ,
  2505. . Mais → , mais
  2506. ; → ,
  2507. ; puis, → , puis
  2508. . Nous → : nous
  2509. Prosper → Horace
  2510. réagir sur → régir
  2511. . Enfin, vous obéirez à votre fantaisie et → , mais vous
  2512. Prosper → Bianchon
  2513. Prosper → Horace
  2514. Prosper → le jeune médecin
  2515. . Nous → , nous
  2516. guérir ou à mourir → guérir
  2517. … → .
  2518. de printemps → d’été
  2519. Alors la → La
  2520. âme → ame est
  2521. , en buvant → en savourant
  2522. ; → ,
  2523. dissonnances → dissonances
  2524. . Elle → , elle
  2525. . Chacun regarda Raphaël → , en regardant le malade
  2526. ; et, n’ayant pas encore → . Raphaël, qui n’avait pas entièrement
  2527. il se trouva moralement dans une situation assez semblable à celle où nous sommes, quand, par un capri… → eut un mouvement de honte; mais il secoua
  2528. il reprit bientôt → reprit
  2529. . Le → : le
  2530. . Il → ; il
  2531. . Il se voyait → ; il s’y vit
  2532. ; → ,
  2533. ; → ,
  2534. âmes. En apercevant → ames: en découvrant
  2535. reconnut → aperçut
  2536. ; enfin → l’avaient trouvé froid;
  2537. ; → ,
  2538. cru → crus
  2539. les vit à la loupe, en déchiffra → put en déchiffrer
  2540. et → il
  2541. Puis, il → Il
  2542. . Alors, voulant → ; pour
  2543. ils → tous
  2544. ; → ,
  2545. ! → .
  2546. ; puis, afin de → . Il voulut
  2547. , il → et
  2548. , quand il s’en approcha → à son approche
  2549. . Il → , il
  2550. Alors, son → Son
  2551. exercée → excitée
  2552. ; → ,
  2553. et → il
  2554. en recevait naguère; et, → croit avoir reçus d’eux;
  2555. . Elle → ; elle
  2556. ; → ,
  2557. y a, → s’élève
  2558. de tous les → des
  2559. . L → : l
  2560. , → et
  2561. âme → ame
  2562. parqué dans un → . Qu’il reste dans son
  2563. dont il lui est défendu de franchir → ; s’il en franchit
  2564. ; sinon, → , il trouve
  2565. , où, → où
  2566. Aussi, mourans → Mourans
  2567. ! → .
  2568. ! → .
  2569. ! → .
  2570. . → ?
  2571. ; → !
  2572. ; → ,
  2573. ; puis, → , puis
  2574. : → ;
  2575. ; → ,
  2576. ; puis, en regardant → , il regarda
  2577. soudain, il → et
  2578. âme → ame
  2579. police → police procure au monde
  2580. gaieté → gaîté
  2581. . Les → , les
  2582. philanthropie. La → philantropie, la
  2583. admirablement bien le wisht → le whist
  2584. M. → monsieur
  2585. ma, → mais
  2586. M. → Monsieur
  2587. Or, chez → Chez
  2588. . Vous → ; vous
  2589. de tous les → des
  2590. Donc, une → Une
  2591. que dévore → dévoré par
  2592. est → se trouve
  2593. … → .
  2594. peut-être par → par
  2595. ; → ,
  2596. dont → qui accompagnèrent
  2597. Donc, tous ces → Ces
  2598. , et répondit au docteur: → . ¶
  2599. condenserons → modifierons
  2600. Dan → Dent
  2601. d’une nappe de saphir, → de cette nappe
  2602. ; → ,
  2603. ; → ,
  2604. des → de riantes
  2605. ; on → . On
  2606. y a des harmonies → s’y trouve des baumes
  2607. ; → ,
  2608. , il leur donne → en leur donnant
  2609. la vie → son fardeau
  2610. et là, seulement, il → il y
  2611. faire sa promenade habituelle → se promener
  2612. Le lac est bordé là par une montagne impraticable; et, de ce → De cette espèce de
  2613. du Bugey → de Bugey,
  2614. . Mais → , et le fond du lac; mais de là
  2615. était venu pour → aimait à
  2616. son point de vue favori → , sur la rive opposée
  2617. donna comme → prêta
  2618. . Il y → , et
  2619. une seule personne le salua; ce fut → il ne fut salué que par
  2620. petits pas → pas
  2621. il → et
  2622. Du reste, elle avait → Elle avait d’ailleurs
  2623. s’aimer → se chérir
  2624. . Ne → , ne
  2625. . Et → , car
  2626. ? → ,
  2627. tremblottant → tremblotant
  2628. pensons → pensez
  2629. . Plusieurs → , plusieurs
  2630. Les → les
  2631. . Nous → , nous
  2632. Comment? Et → Comment? et
  2633. Pourquoi? → Pourquoi?
  2634. ? Ou → , ou
  2635. , → ;
  2636. Il était comme → Comme
  2637. attendant → il attendait
  2638. ; et, → , en
  2639. , → où
  2640. ; et, quoiqu → . Quoiqu
  2641. . Enfin il → , et
  2642. quelques pouvoirs matériels → quelque pouvoir matériel
  2643. . Votre → : votre
  2644. . Vous → ; vous
  2645. Cette → Monsieur, cette
  2646. , → :
  2647. . La → ; la
  2648. … → .
  2649. licencié → docteur
  2650. ; et les → . Les
  2651. ; → ,
  2652. … → .
  2653. et qui permettait, au → par où le
  2654. , de → pouvait
  2655. ; la → . La
  2656. , → et
  2657. et → ni
  2658. ? Hein, → , hein
  2659. ! → ,
  2660. une partie. Aussi → un coup; aussi
  2661. et → il
  2662. ayant → déployant
  2663. Puis, tous → ¶ Tous
  2664. . Ils → , ils
  2665. Aussi, les → Les
  2666. . Pâle → : pâle
  2667. C’étaient → Vous eussiez dit de
  2668. : → ;
  2669. dont elle fut accompagnée → qui l’accompagna
  2670. . Il eut → , il eut
  2671. ; → ,
  2672. -moi, Monsieur, sinon, → moi, monsieur; sinon
  2673. Monsieur → monsieur
  2674. Et je → Je
  2675. ; → ,
  2676. voies → voix
  2677. il → le marquis
  2678. , → en
  2679. Alors le → Le
  2680. ; et, celui-ci → qui
  2681. , → :
  2682. : → ,
  2683. dix → quinze
  2684. ; → ,
  2685. … → .
  2686. … → .
  2687. le petit → une branche de
  2688. , tandis qu’il fut atteint dans le cœur par celle de Valentin, qui tira → . En tirant
  2689. sa → la
  2690. À peine la trouva-t-il grande → Le talisman n’était plus grand que
  2691. En → en
  2692. âme → ame
  2693. ! → ,
  2694. évènemens → événemens
  2695. Valentin → Il
  2696. à → -à-
  2697. ; → ,
  2698. ; → ,
  2699. Mais cette → Cette
  2700. joueuse → joyeuse
  2701. . En → ; en
  2702. Valentin → il
  2703. ; présentant ici, → : ici
  2704. rachitiques et penchés → rabougris
  2705. . Puis, cà → ; puis, çà
  2706. , montrant → qui ouvraient
  2707. précédée → garnie
  2708. glaïeuls → glayeuls
  2709. , mais dont l’herbe était → ; son herbe,
  2710. toujours → était
  2711. des → par les
  2712. six → trois
  2713. leurs amères beautés: c’étaient les images → les sauvages et
  2714. et sauvages → images
  2715. et → ,
  2716. Mais parfois → Parfois
  2717. et → ou
  2718. : il y avait dans ces → . Ces
  2719. Puis, quand → Quand
  2720. une → quelque
  2721. antédiluvienne, alors → anté-diluvienne,
  2722. cette → sa
  2723. et, quand il eut → après avoir
  2724. , mais → et
  2725. , → était
  2726. ; et, → , et
  2727. si ingénuement → ingénieusement
  2728. ; → ,
  2729. ! ¶ → .
  2730. de tous les → des
  2731. de toutes les → des
  2732. . Tout → ; tout
  2733. soit → et
  2734. ; soit → , et
  2735. éméraude; soit → émeraude, et
  2736. de → en
  2737. aboyemens → aboiemens
  2738. muffles → mufles
  2739. Enfin, les → Les
  2740. ; puis, → , puis
  2741. : → ,
  2742. . Enfin → , enfin
  2743. laisser → laissez
  2744. boursoufflées → boursouflées
  2745. puis, des → ses
  2746. enfin, une → son
  2747. , qui en → faisait pressentir qu’en
  2748. ; → ,
  2749. prête à → près de
  2750. prête à se mouvoir. Enfin → près de se déployer. Bientôt
  2751. : → ,
  2752. ; → ,
  2753. ; → ,
  2754. Et elle → ¶ Elle
  2755. en → de
  2756. en → de
  2757. en vert → de vert,
  2758. garde → Garde
  2759. ; → ,
  2760. Ça → Ç’a
  2761. ! Il → , il
  2762. … → .
  2763. du néant, engourdir, près de lui, → pour quelques jours de plus en engourdissant
  2764. ; → ,
  2765. puis → et
  2766. ; et, semblable → . Semblable
  2767. . Enfin → ; enfin
  2768. âme → ame
  2769. allait y → y allait
  2770. ; → ,
  2771. ; → ,
  2772. et → , il
  2773. sommeille → sommeil,
  2774. à → -à-
  2775. pire → pis
  2776. âme → ame
  2777. Que ça → Ça
  2778. consomme → consume
  2779. , qu’ → ,
  2780. vu qu’ → car
  2781. ; → ,
  2782. – Ah → Ah
  2783. Monsieur → monsieur
  2784. ; mais → . Cependant
  2785. ; et, se montrant → , il se montra
  2786. M. → monsieur
  2787. à → -à-
  2788. à → -à-
  2789. poëte → poète
  2790. ! → .
  2791. ! → .
  2792. sacrée → vieille
  2793. ; → ,
  2794. ; → ,
  2795. : → ,
  2796. ; → ,
  2797. ; → ,
  2798. poëte fait, → poète fait
  2799. , un poëme → un poème
  2800. âme → ame
  2801. Or, cette → Cette
  2802. poëme → poème
  2803. Quand → Lorsqu’
  2804. mourir! des Chartreux → mourir, des Trappistes
  2805. et → ;
  2806. . Tout → ; tout
  2807. Enfin un → Un
  2808. . Puis → ; puis
  2809. bannales → banales
  2810. répon → répondit
  2811. Alors, il → Il
  2812. Raphaël → il
  2813. C’était tantôt une → Tantôt l’Allier déroulait sur une riche
  2814. ; puis, → , puis
  2815. et montrant → montraient
  2816. ; → ,
  2817. étant → était
  2818. , il vit, pendant → . ¶ Pendant
  2819. , toutes gaillardes et → gaillardement
  2820. avaient enfin → offraient
  2821. Semblables → Semblable
  2822. Puis, quand → Quand
  2823. aussitôt → de même
  2824. ; → ,
  2825. ! → .
  2826. . Elles → , elles
  2827. sommation sans frais → sommation sans frais
  2828. ! → ,
  2829. ? → .
  2830. Çà et là, des → ¶ Des
  2831. que, par caprice, il → qu’il
  2832. et presque involontaire. ¶ ….. → . ¶ «….
  2833. – → .
  2834. moi! → . moi,
  2835. ! → .»
  2836. … → .
  2837. … → .
  2838. …..» → …»
  2839. promptement → tout-à-coup
  2840. M. Prosper → monsieur Bianchon
  2841. Prosper → Horace
  2842. ! → ,
  2843. . Non → , non
  2844. Prosper → Bianchon
  2845. M. Prosper → monsieur Horace
  2846. Monsieur → monsieur
  2847. ouf! On → ouf! Rien
  2848. âme prétendue → ame
  2849. . Le → , le
  2850. . Sans → ; sans
  2851. ; → ,
  2852. suis réveillé par → sens
  2853. ? → .
  2854. tremblottait → tremblotait
  2855. et → il
  2856. dont il → et en
  2857. fut → ,
  2858. étaient → était
  2859. riche de → fumant, et dont les
  2860. , tout fumant, et irritant par ses saveurs → irritaient
  2861. puis → mêlés à
  2862. . L → : l
  2863. . L → , l
  2864. . Celle-ci, demi → ; celle-ci demi-
  2865. mamoiselle → mademoiselle
  2866. Puis, une → Une
  2867. Alors, il recula d’horreur en comprenant → Il comprit
  2868. . Il → , il
  2869. ! → ,
  2870. M. Prosper → monsieur Bianchon
  2871. , son front, → . Son front
  2872. Et son → Son
  2873. . Raphaël → ; il
  2874. Il était peut-être → Peut-être était-il
  2875. encore → -ils
  2876. et, → peut-être
  2877. au → sous le
  2878. . → !
  2879. foudroyent! → foudroient.
  2880. ! fuis! Laisse → , fuis, laisse
  2881. ! → .
  2882. ! → .
  2883. ! → ,
  2884. ! → ,
  2885. ! → ,
  2886. ! → ,
  2887. ! → ,
  2888. une → la
  2889. de saule → d’une pervenche
  2890. … → , dit-il.
  2891. ; il → qui
  2892. Puis, éclairée → Éclairée
  2893. Mais lui, → En
  2894. âme → ame
  2895. ; → ,
  2896. ; → ,
  2897. ! → ,
  2898. ! → ,
  2899. ! → ,
  2900. je → Je
  2901. Alors, avec → Par
  2902. . Pour → , et pour
  2903. . ¶ Pauline tâchait → en tâchant
  2904. . Il → ; il
  2905. Il → ¶ Le moribond
  2906. . ¶ → au sein.
  2907. , → ?
  2908. ! Ne → , ne
  2909. EPILOGUE → ÉPILOGUE
  2910. ! → ,
  2911. Tantôt → Ici
  2912. tantôt elle y → là elle
  2913. ! → :
  2914. ; → ,
  2915. ! → .
  2916. ! → ,
  2917. ! La → , la
  2918. ! La → , la
  2919. ; ou, → , ou
  2920. désespérante. Oui, → qui vous dit qu’
  2921. ? → ,
  2922. le fémissement → pas le frémissement
  2923. ! → .
  2924. ! – → .
  2925. ! Vous → , vous
  2926. ! → .
  2927. , Monsieur → monsieur
  2928. ? → .
  2929. ! Ainsi → , ainsi
  2930. ! Vous → , vous
  2931. ! → .
  2932. ! Elle → , elle
Table des matières
3INTRODUCTION.

En exprimant, dans notre introduction aux ÉTUDES DE MŒURS, la pensée qui animait l’auteur de cette œuvre*, nous faisions pressentir qu’elle

* La publication de la quatrième livraison des  Études de Mœurs au dix-neuvième siècle, où se trouve l’introduction faite à cet ouvrage par M. Félix Davin, a été retardée par quelques changemens utiles aux intérêts de l’auteur et du libraire, mais cette livraison doit être mise en vente sous peu de jours. (Note de l’éditeur.)

4n’était encore que la base sur laquelle il se proposait d’asseoir deux autres ouvrages où se développeraient des idées graduellement plus élevées et où de nouvelles formules qui intéressent l’avenir des sociétés se dérouleraient poétiquement: les Études philosophiques forment le premier de ces deux ouvrages.
Préoccupés par les fluctuations politiques qui, dans notre époque de ré5novation pénible, semblent être devenues l’état normal de la nation, et n’attachant qu’une importance secondaire aux questions d’art, le public et les journaux ignorent le secret de cette lente, mais incessante édification. Les écrivains d’aujourd’hui, qui se servent de la critique moins pour éclairer les masses et diriger la littérature que pour blesser les poètes et nier la science, pourraient encore envelopper ce long labeur de quelque obscurité, en ne faisant voir dans ces deux titres (Études de Mœurs au dix-neuvième siècle et Études philosophiques) qu’une antithèse favorable à la spéculation des éditeurs, tandis que, 6selon nous, ce sont deux grandes idées judicieusement exprimées. Il était temps que l’auteur pensât à incruster profondément le sens général de son œuvre dans un titre qui frappât le public; car aujourd’hui nous nous sommes habitués à prendre les gens au mot, et à leur croire la valeur qu’ils se donnent. Le critique ingénieux qui nous a devancé dans l’appréciation de cet ouvrage, et à l’originalité, à la profondeur duquel nous rendons d’ailleurs une justice entière, en a cru lui-même sur parole l’humble étiquette que M. de Balzac avait, sur le vœu d’un libraire, primitivement attachée à ses œuvres, et s’était borné à exa7miner en lui le talent du conteur sous toutes ses faces et avec toutes ses qualités sans doute, mais en le réduisant nécessairement à d’étroites proportions. Et cela devait être. L’auteur lui-même avait-il embrassé d’un coup d’œil l’étendue du canevas qu’il remplit chaque jour. Nous ne le pensons pas. Si son plan avait pu jaillir complet de sa tête, comme ces belles unités que les artistes d’autrefois mettaient toute une vie à concevoir, et que la dévorante précipitation de notre siècle ne permet presque plus d’accomplir, peut-être aurait-il laissé tomber sa plume! Eh! oui, certes, il aurait reculé devant des travaux aussi vastes, et à 8l’achèvement desquels la persistance de la volonté devait faillir avant la force du talent.
Aussi est-ce un phénomène curieux et digne d’observation que l’enfantement des Œuvres de M. de Balzac, ainsi que les développemens inattendus qui les ont fécondées et les larges superpositions dont elles se sont accrues. L’histoire de la littérature offre assurément peu d’exemples de cette élaboration progressive d’une idée qui, d’abord indécise en apparence et formulée par de simples contes, a pris tout à coup une extension qui la place enfin au cœur de la plus haute philosophie.
9Maintenant que l’élévation de quelques parties importantes nous laisse entrevoir la physionomie de l’édifice, maintenant que commence à poindre le sens intime de la formule générale dégagée par l’auteur de ses nombreux aperçus sur l’humanité, ne pouvons-nous pas naturellement supposer qu’un jour, en comparant les différentes pensées empreintes dans ses travaux, il a fait comme l’ouvrier qui, par hasard, quitte l’envers de sa tapisserie et vient en regarder le dessin dans son entier. Dès-lors, et parce que le germe d’une haute synthèse était depuis longtemps en lui-même, il s’est mis à rêver l’effet de l’ensemble. Soudain, rem10plissant dans sa pensée les lacunes de sa construction couverte de fresques, supposant ici un groupe, là une figure principale, plus loin un second plan ou des teintes de rappel, il s’est épris de ces tableaux et s’est remis à l’ouvrage avec une furie française, parce qu’il était encore dans l’âge où l’on ne doute de rien. Puis, une fois engagé, cet homme à la constante volonté duquel ceux qui le connaissent rendent un éclatant hommage, et qu’on estimera, certes, un jour autant que son talent, cet homme a toujours marché devant lui sans se souvenir le lendemain ni des efforts ni des fatigues de la veille.
11Ces travaux
naturellement soumis à quelques variations de pensée, à quelques caprices d’exécution. Sous peine d’affaissement, l’auteur ne pouvait suivre, comme un ouvrier qui taille son bloc de granit, une ligne tracée au cordeau. La régularité du travail aurait tué chez lui l’inspiration, aurait lassé la verve. De là sont venus ces déplacemens de sujets que certaines personnes ont pu lui reprocher, et qui n’étaient que des nécessités de position. La mode, au-devant de laquelle courent les libraires, exigeait des livres à toute force, peu leur importait le sens des œuvres qu’ils publiaient. Ainsi, tel fragment n’avait 12rien de philosophique et convenait aux Scènes de la Vie privée, tandis que telle scène était une étude philosophique: la fatalité du commerce, le besoin du moment les transposait. La première livraison des ÉTUDES PHILOSOPHIQUES en offre un exemple. Adieu, publié dans le troisième volume des Scènes de la Vie privée, et dont personne n’a compris la destination dans l’œuvre générale, est certes une des plus justes et des plus fermes déductions du thème inscrit sur la Peau de chagrin. L’auteur ne s’inquiétait pas plus de ces transpositions qu’un architecte ne s’enquiert de la place où sont apportées dans le chantier 13les pierres dont il doit faire un monument. Puis, peut-être, avant de dévoiler son plan au public, voulait-il essayer ses forces, peut-être attendait-il, pour dégager l’édifice de ses échafaudages et de son enceinte de planches, que plusieurs sculptures fussent achevées, que les principales lignes fussent dessinées, et qu’au moins le fronton s’élevât large et pur.
Mieux informé que ne l’ont été certains critiques empressés déjà d’attaquer M. de Balzac par le côté biographique, et qui l’ont peint fort inexactement, nous avons eu des renseignemens sur la partie la plus studieuse et la plus inconnue de sa vie, 14sur son moment le plus poétique. Ce fut aux jours d’une misère infligée par la volonté paternelle, alors opposée à la vocation du poète, et qui nous ont valu le beau récit de Raphaël dans la Peau de chagrin, ce fut pendant les années 1818, 1819 et 1820 que M. de Balzac, réfugié dans un grenier près de la bibliothèque de l’Arsenal, travailla sans relâche à comparer, analyser, résumer les œuvres que les philosophes et les médecins de l’antiquité, du moyen âge et des deux siècles précédens, avaient laissé sur le cerveau de l’homme. Cette pente de son esprit est une prédilection. Si Louis Lambert est mort, il lui reste de Vendôme un autre ca15marade, également adonné aux études philosophiques, M. Barchou de Penhoën, auquel nous devons déjà de beaux travaux sur Fitche, sur M. Ballanche, et qui pourrait attester au besoin combien fut précoce chez M. de Balzac le germe du système physiologique autour duquel voltige encore sa pensée, mais où viennent se rattacher par essaims les conceptions qui peuvent paraître isolées. De ces premières études a donc surgi une œuvre scientifique dont nous aurions volontiers développé le but, mais que les confidens de l’auteur nous ont conseillé de tenir dans l’ombre jusqu’au jour où il l’aura suffisamment méditée et où elle pourra 16sans danger se produire dans toute son étendue. Cette science exigeait trop de temps, trop de fortune peut-être, pour devenir l’occupation exclusive d’une jeunesse nécessairement inexpérimentée ou précaire. D’ailleurs bientôt de graves intérêts auxquels on a fait allusion, contrairement aux lois de la bienséance littéraire, condamnèrent M. de Balzac à des travaux qu’aucun critique n’a pu encore embrasser dans leur ensemble. Quoique mystérieusement enfermées, ces occupations primitives et la pente entraînante d’un esprit métaphysique dominèrent les œuvres auxquelles s’adonna M. de Balzac par nécessité. Ses connaissances, aussi 17variées qu’étendues, transpirèrent et teignirent si vigoureusement ses premiers essais que certaines personnes auxquelles l’auteur de la Physiologie du Mariage était inconnu attribuaient ce livre à un vieux médecin ou à quelque vieillard enfin veuf! Ainsi que nous le disions, le jour où l’artiste a quitté l’envers de sa tapisserie pour voir le dessin de son lit et ce que produisaient ses couleurs, il s’est aperçu que, malgré lui peut-être, il développait le texte qu’il avait dans l’âme, qu’il déduisait les preuves de sa science cachée, qu’il faisait une œuvre analytigue dont il portait la synthèse en lui-18même, qu’il exprimait le drame et la poésie de son monde avant d’en mettre au jour les formules physiologiques.
Cette digression était nécessaire pour faire comprendre dans son entier le système de ces deux ouvrages et les liens qui les unissent.
Nous avons établi que les Études de Mœurs étaient une exacte représentation de tous les effets sociaux, une galerie de tableaux heureusement divisée en salles dont chacune a sa destination. Ainsi, les Scènes de la Vie privée, compositions pleines de fraîcheur, éclatantes de coloris et de jeunesse, sont appelées, quand ce livre sera complet, à figurer la vie humaine dans 19son réveil matinal, et croissant pour fleurir. Ce sera d’abord l’enfance vue par une seule échappée, mais vivement saisie, peinte dans ses premiers débrouillemens d’intelligence; ce seront, dans Une Fille d’Ève, les premières sensations de la jeune fille, puis les délicieuses timidités des grands enfans de vingt ans; enfin la vie accusée dans ses premières malices qui trahissent déjà des caractères. Là, donc, principalement des émotions, des sensations irréfléchies; là des fautes commises moins par volonté que par inexpérience des mœurs et par ignorance du train du monde; là, pour les femmes, le malheur vient de leurs 20croyances dans la sincérité des sentimens; le jeune homme est pur; les infortunes naissent de l’antagonisme méconnu que produisent les lois sociales entre les plus naturels désirs et les plus impérieux souhaits de nos instincts dans toute leur vigueur; là le chagrin a pour principe la première et la plus excusable de nos erreurs. Dans ce livre, la vie est donc prise entre les derniers développemens de la puberté qui finit et les premiers calculs d’une virilité qui commence. Cette première vue de la destinée humaine était sans encadrement possible. Aussi l’auteur s’est-il complaisamment promené partout: ici, 21dans le fond d’une campagne; là, en province; plus loin, dans Paris. Au contraire, les Scènes de la Vie de province sont destinées à représenter cette phase de la vie humaine où les passions, les calculs et les idées prennent la place des sensations, des mouvemens irréfléchis, des images acceptées comme des réalités. A vingt ans les sentimens se produisent généreux; à trente ans, déjà tout commence à se chiffrer, l’homme devient égoïste. Un esprit de second ordre se serait contenté d’accomplir cette tâche; mais M. de Balzac, amoureux des difficultés à vaincre, a voulu lui donner un cadre; il a choisi le plus simple en ap22parence, le plus négligé de tous jusqu’à ce jour, mais le plus harmonieux, le plus riche en demi-teintes, la vie de province. Là, dans des tableaux dont la bordure est étroite, mais dont la toile présente des sujets qui touchent aux intérêts généraux de la société, l’auteur s’est attaché à nous montrer sous ses mille faces la grande transition par laquelle les hommes passent de l’émotion, sans arrière-pensées aux idées les plus politiques. La vie devient sérieuse; les intérêts positifs contrecarrent à tout moment les passions violentes aussi bien que les espérances les plus naïves. Les désillusionnemens commencent. Ici se 23vèlent les frottemens du mécanisme social. Là, le choc journalier des intérêts moraux ou pécuniaires fait jaillir le drame et parfois le crime au sein de la famille la plus calme en apparence. L’auteur dévoile les tracasseries mesquines dont la périodicité concentre un intérêt poignant sur le moindre détail d’existence. Il nous initie aux secrets de ces petites rivalités, de ces jalousies de voisinage, de ces tracasseries de ménage dont la force, s’accroissant chaque jour, dégrade en peu de temps les hommes, et affaiblit les plus rudes volontés. La grâce des rêves s’envole. Chacun voit juste, et prise dans la vie le bon24heur des matérialités, là où, dans les Scènes de la Vie privée, il s’abandonnait au platonisme. La femme raisonne au lieu de sentir, elle calcule sa chute là où elle se livrait. Enfin, la vie s’est rembrunie en mûrissant. Dans les Scènes de la Vie parisienne, les questions s’élargissent. L’existence y est peinte à grands traits; elle y arrive graduellement à l’âge qui touche à la décrépitude. Une capitale était le seul cadre possible pour ces peintures d’une époque climatérique, où les infirmités n’affligent pas moins le cœur que le corps de l’homme. Ici les sentimens vrais sont des exceptions; ils sont brisés par le jeu des intérêts, écrasés 25entre les rouages de ce monde mécanique;la vertu y est calomniée, l’innocence y est vendue; les passions ont fait place à des goûts ruineux, à des vices; tout se sublimise, s’analyse, se vend et s’achète; c’est un bazar où tout est coté; les calculs s’y font au grand jour et sans pudeur; l’humanité n’a plus que deux formes, le trompeur et le trompé; c’est à qui s’assujétira la civilisation, la pressurera pour lui seul; la mort des grands parens est attendue; l’honnête homme est un niais; les idées généreuses sont des moyens; la religion est jugée comme une nécessité de gouvernement; la probité devient une position; tout s’exploite, se débite; le ri26dicule est une annonce et un passeport; le jeune homme a cent ans, et insulte la vieillesse. De cette société corrompue parce qu’elle est éminemment civilisée, de cette société où la misère et le luxe sont toujours en présence, comme deux athlètes dans un cirque où tous deux doivent périr, où la vie brûle, l’auteur introduira plus tard, si sa puissance de création et le temps ne lui manquent pas, dans deux autres salles de sa galerie où se dérouleront les spectacles atroces mais pompeux des masses sociales luttant entre elles; il en peindra la vie et les intérêts incarnés dans quelques hommes chargés d’en prévoir les nécessités 27et de mettre aux prises les individus entre eux. Ce seront les Scènes de la Vie politique et les Scènes de la Vie militaire, dont les titres accusent trop bien le but pour que nous ne soyons pas dispensés de l’expliquer. Enfin il reposera la vie, là où elle se repose, à la campagne, où se retrouveront les débris des hommes brisés par la politique, par la guerre et par les orages de la vie. Tel est, en raccourci, le plan que nous avons tâché d’exprimer dans notre précédente introduction, et qu’il fallait résumer ici. Telles sont les Études de Mœurs dans leur plus simple dessin.
Quelques critiques n’ayant pas l’é28chelle de proportion ou n’étudiant pas les divers travaux de l’auteur d’aussi près que nous peut-être, qui avons suivi avec amour toutes les phases de son talent, ont critiqué le peu d’étendue des sujets, les appelant ici des contes, là des nouvelles, et presque partout les amoindrissant. Mais n’en est-il pas de ces prétendues petites choses exactement comme des pierres carrées, des chapiteaux épars, des métopes à demi-couvertes de fleurs et de dragons, qui, vus au chantier, entre la scie ou le ciseau du manœuvre, semblent insignifians et petits, et que l’architecte, dans son dessin, a destinés à orner quelque riche enta29blement, à faire des voussures, à courir le long des grandes croisées en ogive de sa cathédrale, de son château, de sa chapelle, de sa maison des champs? Certes, l’auteur aurait pu donner les proportions du roman ordinaire à chaque détail, et l’on sait bien qu’il n’en est pas à faire ses premières preuves en ce genre. Mais les existences de cinq bénédictins, mises bout à bout, auraient-elles suffi seulement à exécuter ces six parties des ÉTUDES DE MŒURS? Et d’ailleurs, dans cette riche galerie de tableaux, dont les grandes salles s’étendent à l’infini, ne compte-t-on pas des cadres d’une assez remarquable dimension, tels que ceux 30d’Eugénie Grandet, du Médecin de campagne et celui des Chouans, qui appartiennent évidemment aux Scènes de la Vie militaire? Enfin, si l’on veut songer que, dans l’innombrable série des sujets déjà connus, il se rencontre soixante figures féminines toutes dissemblables, autant de portraits d’hommes, sans compter ces groupes secondaires où les physionomies, pour être moins distinctes, n’en sont pas moins originales, car toutes possèdent véritablement une poésie particulière qui a dû faire regretter souvent à l’auteur de ne pas l’exprimer entièrement, ne trouvera-t-on pas déjà quelque grandeur à ces ébauches éparses, à ces bases 31commencées, à ces masses de pierres dont le terrain est encombré? Puis, si l’on vient à comprendre que, forcé de ne dessiner ici qu’un trait, là un profil, plus loin de mettre ce personnage en trois quarts, celui-ci dans la lumière, celui-là dans l’ombre, quelques-uns en pied, d’autres en buste, l’auteur a dû souvent éprouver mille peines à rétrécir ses conceptions dans le cadre qui leur était assigné pour l’harmonie de l’ensemble, assurément on ne lui saura pas moins de gré de ce qu’il n’a pas exécuté que de ce qu’il a fait. Nous ne parlons pas ici de la partie matérielle de ses tableaux, de tant de détails significatifs, d’intérieurs, de fa32çades, de paysages qui, non moins que chaque caractère d’homme, que chaque figure de femme, sont des spécialités. Et n’est-ce point ici le lieu de remarquer qu’un des traits distinctifs de M. de Balzac est d’avoir, le premier, ramené le roman moderne à la vérité, à la peinture des infortunes réelles, tandis que de toutes parts on n’exploitait que des bizarreries et des exceptions, émouvantes sans doute à la manière des topiques, mais qui ne touchaient point et laissaient peu de souvenirs dans l’âme? En un mot, lorsque l’on ne s’occupait que des images, lui s’est occupé des idées. Le roman, pour arriver à une place 33honorable dans la littérature, doit être en effet l’histoire des mœurs, dont ne se soucient guère les historiens en toges qui se croient grands pour avoir enregistré des faits. Sous ce rapport, M. de Balzac est un historien qui restera. Qu’importe que le vrai qu’il exploite semble d’abord petit, comparé au faux grandiose de tant de livres contemporains, si l’ensemble doit faire une masse imposante! Mais cette critique, relative aux détails, nous semble injuste encore. «M. de Balzac a compris (disions-nous dans un article où nous avons taché de lui rendre justice) qu’en dehors des grands types et des passions majeures, renouvelés 34sous tant de faces, il existe des types secondaires et des passions de moyen ordre, non moins dramatiques, et surtout plus neufs. Ces passions et ces types, il est allé les chercher presque tous dans la famille, autour du foyer; et fouillant sous ces enveloppes en apparence si uniformes et si calmes, il en a exhumé tout à coup des caractères tellement multiples et naturels en même temps, que tout le monde s’est demandé comment des choses aussi familières, aussi vraies, étaient restées si longtemps inconnues. C’est que jamais aussi romancier n’était entré avant lui aussi intimement dans 35cet examen de détails et de petits faits, qui, interprétés et choisis avec sagacité, qui groupés avec cet art, avec cette patience admirables des vieux faiseurs de mosaïques, composent un ensemble plein d’unité, d’originalité, de fraîcheur. Ce romancier entreprend pour la société actuelle ce que Walter Scott a fait pour le moyen âge. L’un a résumé en types larges et saillans tous les caractères généraux des grandes époques historiques de l’Angleterre et de l’Écosse: hommes et femmes, corporations et castes, partis, sectes, courtisans, bourgeois, princes, manans, il a tout fait poser devant lui, 36tout classé, tout mis en relief. L’œuvre de M. de Balzac, plus logiquement disposée, non moins grandiose, n’était pas moins difficile, et n’est pas moins merveilleusement exécutée. A travers toutes les physionomies pâles et effacées de la noblesse, de la bourgeoisie et du peuple de notre époque, il choisit ces traits fugitifs, ces nuances délicates, ces finesses imperceptibles aux yeux vulgaires; il creuse ces habitudes, anatomise ces gestes, scrute ces regards, ces inflexions de voix et de visage qui ne disaient rien ou disaient quelque chose à tous, et sa galerie de portraits se déroule féconde, inépuisa37ble, toujours plus complète, souvent dominée par les visages expressifs de ses femmes, conceptions délicates dont rien ne donnerait l’idée, si nous n’avions ces portraits inouïs auxquels Lawrence a donné une âme, et qui sont à eux seuls des traités de physiognomonie.»
Si l’on trouve çà et là quelques taches, une description un peu longue, une analyse un peu minutieuse, une réflexion refroidissante, un coloris trop vermillonné, des préparations trop coquettes, quelques répétitions de mots, quelques périodes verbeuses qui échappent à la luxuriante nature de l’auteur, doit-on lui en faire 38un bien grand crime? Pour les voir disparaître, ne doit-on pas attendre l’achèvement de l’édifice? Alors, certes, le terrain se nétoiera. Quel architecte n’a ses trous de boulins à combler, son dernier grattage à faire? Alors, comme nous l’avons dit, se produira une vue complète de l’humanité, avec tous ses mouvans tableaux; les phases de la vie individuelle et sociale, l’histoire des instincts, des sentimens, des passions, l’analyse des erreurs, des intérêts, la peinture des vices, en un mot la physiologie générale de la destinée humaine. Ainsi donc, aux Études de Mœurs la richesse du roman, le luxe des descrip39tions, les découpures bizarres, la passion à plein cœur, les fleurs à pleines mains, les phases sociales, les maisons de toutes nos villes, tous les styles et tous les genres, en un mot toutes les individualités que nous avons signalées. Cette partie du monument, la plus vaste, la plus ardente, multiple en ses combinaisons, devait occuper principalement la jeunesse de l’auteur. Pour pouvoir aborder de si diverses peintures, ne faut-il pas avoir encore quelques facultés exhorbitantes, des idées qui débordent, une fécondante chaleur de cœur? Ces choses accomplies, l’auteur n’aura-t-il pas fait sur des proportions gigantesques une sorte de 40speculum mundi? Jadis Skakspeare s’est, dit-on, proposé dans ses compositions scéniques un semblable but; mais, de son temps, la société n’était-elle pas plus tranchée, conséquemment moins compliquée. Puis le théâtre exclut d’ailleurs les peines inouïes et les obstacles presque infranchissables que soulèvent les transitions auxquelles Boileau faisait une part si large, que l’absence de ce travail lui donnait une moins grande estime pour le beau livre de La Bruyère. Ainsi, d’abord, et en ne comparant que les communes résistances de la matière à ouvrer, l’auteur d’aujourd’hui a trouvé le problème plus difficile à résoudre; puis, 41il le trouve agrandi et d’autant plus rude à entreprendre, qu’il compte autour de lui plus de hauts et solennels devanciers.
Telle est la large base sur laquelle vont s’élever les Études philosophiques. Après avoir accusé dans ses Études de Mœurs au dise-neuvième siècle toutes les plaies sociales, dépeint toutes les professions, parcouru toutes les localités, exploré tous les âges, montré l’homme et la femme dans toutes leurs transformations civiles ou naturelles, physiques ou morales, après nous avoir enfin dépeint les effets sociaux, ici l’auteur tend à remonter aux causes de ces effets. Dans les 42premières assises de cette construction sont pressées et foulées les individualités typisées; dans la seconde se dressent des types individualisés. Ce peu de mots révèle la loi littéraire au moyen de laquelle M. de Balzac a su jeter le sentiment et la vie dans ce monde écrit. Ainsi là où, dans les Études de Mœurs, il a peint, dans le père Grandet, un avare qui semble être l’avarice tout entière; ici, sa plume met l’avarice aux prises avec elle-même dans maître Cornélius, personnage allégorique qui a toute la saveur d’un avare habilement peint en pied. Les effets étant plus considérables que ne le sont les causes, les Étu43des philosophiques semblent devoir offrir un cercle plus rétréci que ne l’est celui des Études de Mœurs. Cela est vrai. Mais si l’œuvre paraît aller en diminuant de volume, elle gagne en intensité; pour tout dire en un mot, elle se condense.
Maintenant, pour dégager par l’analyse l’essence de cette seconde partie du grand ouvrage, il faut montrer l’âme qui la fait mouvoir, il faut marquer les reflets brillans qu’y projète la science inconnue dont la pensée conduit l’auteur malgré lui. Nous l’avouerons, cette découverte demandait chez le critique une conscience de lecture qui manque à notre Critique moderne. 44Si nous n’avions pas plus vivement senti les beautés que les défauts de ces compositions, peut-être leur sens caché nous aurait-il échappé. Mais quelques passages rapprochés les uns des autres, quelques épigraphes étudiées avec soin, nous ont mis sur la voie. Pour nous, il est évident que M. de Balzac considère la pensée comme la cause la plus vive de la désorganisation de l’homme, conséquemment de la société. Il croit que toutes les idées, conséquemment tous les sentimens, sont des dissolvans plus ou moins actifs. Les instincts, violemment surexcités par les combinaisons factices que créent les
peuvent, 45selon lui, produire en l’homme des foudroiemens brusques ou le faire tomber dans un affaissement successif et pareil à la mort; il croit que la pensée, augmentée de la force passagère que lui prête la passion, et telle que la société la fait, devient nécessairement pour l’homme un poison, un poignard. En d’autres termes et suivant l’axiome de Jean-Jacques, l’homme qui pense est un animal dépravé. «Assurément, dit M. Ph. Ch., il n’est pas de donnée plus tragique. A mesure que l’homme se civilise, il se suicide. Le désordre et le ravage portés pardans l’homme, considéré comme individu 46et comme être social, telle est l’idée que M. de Balzac a jetée dans ses œuvres. Rabelais avait vu, dans un autre temps, l’étrange effet de la pensée religieuse qui, à force de pénétrer la société, achevait de la dissoudre. L’âme, divinisée par le christianisme, avait tout envahi. Le spiritualisme effaçait la matière; le symbole, l’idéalisation régnaient sans partage; pour un symbole l’Occident s’était rué sur l’Orient. Il dominait la poésie, qu’il réduisait à l’état de fantôme, en multipliant les personnifications allégoriques, en bannissant de son domaine les êtres vivans, la chair et le sang humains. 47Rabelais s’arma d’un symbole pour faire la guerre au symbole. Holà! messer Gaster, voici votre règne! Tonnes pleines d’hypocras, bons saucissons chargés d’épices, bombance gigantesque, culte de la dive bouteille, douce abbaye de Thélème, dont le rien-faire est la liturgie, venez! et donnez-nous, dans une épopée immense l’apothéose, de ce corps humain que l’on foule aux pieds. L’ère de Rabelais a expiré, celle qu’il annonçait parcourt son cycle et l’accomplit. Ce ne sont plus les ravages de la pensée idéaliste, mais ceux du sensualisme analytique que le romancier philoso48phe peut retracer aujourd’hui.»
Certes, la phrase de Jean-Jacques, commentée par Godwin, poétisée par lord Byron, atteste combien peu serait neuve la pensée intime de M. de Balzac. Là, néanmoins, commence la grandeur de son œuvre. Les plus immenses découvertes des sciences mathématiques ou physiques ne sont jamais que la preuve cherchée, trouvée ou devinée d’un fait déjà connu. Des générations entières avaient vu les révolutions de la terre et du ciel; Newton, Kepler, Lagrange, Laplace, Arago en ont dit, en disent encore les causes, ils prouvent en un mot. Le fait physico-moral qui meut le monde 49social avait été mieux formulé par la sagesse des nations que Rousseau ne l’a formulé lui-même. La lame use le fourreau, dit le peuple. M. de Balzac, lui, écrit LOUIS LAMBERT! Il prouve à la manière des savans. Nous avons à dessein cité l’histoire de LOUIS LAMBERT. Là se trouve, en germe informe, cette science tenue secrète, science cruellement positive, dit-on, et qui terminerait bien des discussions philosophiques. Pour LOUIS LAMBERT, y dit-il, la Volonté, la Pensée étaient des forces vives. Soit prouvée cette proposition, voyez où elle mène? Avant de publier LOUIS LAMBERT, l’auteur avait dit dans LA PEAU DE CHAGRIN: 50«Elle parut s’amuser beaucoup (Fœdora) en apprenant que la volonté humaine était une force matérielle semblable à la vapeur.» Étudiez l’épigraphe mise en tête de l’Adieu, où l’auteur nous a peint une femme naissant tout à coup à la vie en retrouvant sa raison; enfant par la faiblesse, femme pour sentir un bonheur complet? La vie et l’amour tombent sur elle comme la foudre, elle n’en soutient pas l’assaut, elle meurt! Les plus hardis physiologistes, dit la terrible épigraphe, sont effrayés par les résultats physiques de ce phénomène moral qui n’est cependant qu’un foudroiement opéré à l’intérieur, et, comme tous les effets 51électriques, bizarre et capricieux dans ses modes. Voyez dans LE MÉDECIN DE CAMPAGNE la discussion sur le suicide? Aussi, dit Benassis, est-ce la pensée qui tue et non le pistolet. Enfin, dans la nouvelle édition de Louis Lambert, déjà imprimée pour ces Études philosophiques, et dont le libraire nous a confié les épreuves, se trouvent ces mots: «Notre cervelle est le matras où nous transportons ce que nos diverses organisations peuvent absorber de matière éthérée, base commune de plusieurs substances connues sous les noms impropres d électricité, chaleur, lumière, fluide galvanique, magnétique, etc., et d’où elle sort sous forme de 52pensée. Rapprochez ces fragmens épars dans l’œuvre des belles pages où Balthazar Claës explique l’absolu chimique et dit à sa femme: Nos sentimens sont l’effet d’un gaz qui se dégage? n’apercevrez-vous pas les élémens d’une œuvre scientifique dont les éclairs jaillissent, malgré l’auteur? Ici nous sommes loin de l’homme qui pense est un animal dépravé. La question est indécise! Quelle est la fin de l’homme du moment où celui qui ne désire rien, qui vit sous la forme d’une plante, existe cent ans, tandis que l’artiste créateur doit mourir jeune? Où est le soleil, là est la pensée; où est le froid, là est le crétinisme, là est la longévité, est-il dit dans 53LOUIS LAMBERT. Ce fait est toute une science. Ces paroles, et beaucoup d’autres qui les étendent ou les confirment, semées dans cent pages de M. de Balzac, expliquent ses Études philosophiques.
Avant d’arriver à la société composée d’hommes, l’auteur a dû s’appliquer à décomposer l’homme, qui en est pour ainsi dire l’unité. Or, les critiques n’ont pas vu que la Peau de chagrin est un arrêt physiologique, définitif, porté par la science moderne, sur la vie humaine; que cet ouvrage en est l’expression poétique, abstraction faite des individualités sociales. L’effet produit par le désir, par la passion, sur le capital des forces hu54maines, n’y est-il pas magnifiquement accusé? De là cette morale que peignait si énergiquement le caporal Trim, par le moulinet qu’il trace en l’air avec son bâton et dont M. de Balzac a fait une épigraphe si mal comprise par la plupart des lecteurs. Peu de personnes ont vu qu’après un tel arrêt porté sur notre organisation il n’y avait d’autres ressources, pour la généralité des hommes, que de se laisser aller à l’allure serpentine de la vie, aux ondulations bizarres de la destinée. Donc, après avoir poétiquement formulé, dans la Peau de chagrin, le système de l’homme, considéré comme organisation, et en avoir dégagé cet axiome: 55«La vie décroît en raison directe de la puissance des désirs ou de la dissipation des idées,» l’auteur prend cet axiome comme un cicérone prend la torche pour vous introduire dans les souterrains de Rome, il vous dit: Suivez-moi! Examinons le mécanisme dont vous avez vu les effets dans les Études de Mœurs! Alors il fait passer sous vos yeux les sentimens humains dans ce qu’ils ont de plus expressif en comptant sur votre intelligence pour revenir par des dégradations aux crises moins fortes dont se composent les événemens de la vie individuelle. Il s’élance, il montre l’idée exagérant l’instinct, arrivant à la passion, et qui, 56incessamment placée sous le coup des influences sociales, devient désorganisatrice. Ainsi, dans l’Adieu, l’idée du bonheur, exaltée à son plus haut degré social, foudroie l’épouse, et par épouse l’auteur entend nécesairement l’épouse et l’amante. Dans le Réquisitionnaire, c’est une mère tuée par la violence du sentiment maternel. Voilà donc la femme considérée sous ses trois faces sociales, comme amante, comme épouse, comme mère, et devenant, sous ces trois aspects, victime de l’idée. Dans el Verdugo, c’est l’idée de dynastie mettant une hache dans la main d’un fils, lui faisant commettre tous les crimes en un seul. «Là, dit encore M. Ph. 57Ch., le parricide est ordonné par une famille et au nom d’une chimère sociale, le parricide pour sauver un titre!» Voyez comme dans l’Élixir de longue vie l’idée Hérédité devient meurtrière à son tour, et combien est acéré le poignard qu’elle met dans la main des enfans! Suivez-moi, si vous en avez le courage? venons assister ensemble à ce terrible drame exécuté au bord de la mer? Le voyez-vous, ce pénitent sinistre, assis immobile au haut de son rocher? Eh bien, là encore l’idée a porté ses ravages! la paternité, à son tour, est devenue tueuse. Ce pénitent est un père qui a noyé son fils parce qu’il soupçonnait en lui 58des instincts que la société réprouve, et s’est fait meurtrier pour que son fils ne le devînt pas. Idée sublime! Examinez maintenant cette autre étude, dont le titre ingénieux est à lui seul toute une biographie, Histoire de la Grandeur et de la Décadence de César Birotteau, marchand parfumeur, chevalier de la Légion-d’Honneur et adjoint au maire du deuxième arrondissement de la ville de Paris? le développement du décourageant axiome formulé par la Peau de chagrin marche à travers le monde en y versant des lumières sur toutes les catastrophes. César Birotteau, type parfait du négociant probe, du négociant 59pour qui la considération est une autre atmosphère indispensable, est tué soudainement par l’idée probité comme par un coup de pistolet; il a soutenu le malheur goutte à goutte, il ne soutient pas la joie et la vie qui tombent sur lui comme une trombe et le brisent. Cette étude est un chapitre de plus ajouté à l’histoire d’une famille que les pinceaux de M. de Balzac ont surtout affectionnée. Le pauvre vicaire de Saint-Gatien, qui joue un rôle dans les Études de Mœurs, est représenté ici dans la personne de son frère; mais François Birotteau est une individualité, tandis que César Birotteau sera regardé comme le type 60de cette classe nombreuse à laquelle appartiennent plusieurs personnages semés dans l’œuvre de l’auteur, figures modestes dont la grandeur vient de la manière dont elles se détachent sur le fond commun des souffrances humaines, qu’elles semblent réveiller toutes avec les leurs. Telles sont la Fosseuse et Gondrin, dans LE MÉDECIN DE CAMPAGNE, la grande Nanon, madame Grandet et sa fille, dans EUGÉNIE GRANDET, l’Enfant maudit, Juana de Mancini, le Comte Chabert, le Père Goriot, Pauline de Villenoix Louis Lambert et plusieurs autres. En effet, nul auteur n’a su mieux assigner sa part à chacune des sphères 61sociales. S’il transfigure le monde des millionnaires, il semble affectionner, il caresse le monde où l’on souffre; partout dans son œuvre les gens dépouillés comparaissent auprès des spoliateurs. Un jour cette justice lui sera rendue. Si Walter Scott plaide pour les habits brodés, M. de Balzac a réveillé nos sympathies pour les infortunes courageuses, pour les chagrins domestiques. Son style n’est mordant, sa raillerie n’est incisive que pour les riches; pour les pauvres et les souffrans, sa palette n’a que de douces couleurs. Vient ensuite Maître Cornélius, cette forte étude historique, où l’on retrouve si nettement dessinés les 62traits les plus curieux de cette grande figure de Louis XI, toujours incomplètement reproduite dans les tableaux des romanciers ou dramaturges; et là, voyez quelle inévitable logique! c’est l’idée avarice tuant l’avare dans la personne du vieil argentier. Le Chef d’œuvre inconnu nous montre l’art tuant l’œuvre; première initiation à la tragédie de Louis Lambert. Dans l’Auberge rouge, cette sanglante histoire d’un parvenu, la plus terrible peut-être qu’ait imaginée M. de Balzac, se trouve une analogie magnifiquement exécutée entre l’idée d’un crime et le crime même. Là, selon nous, à part les détails de cette composition, 63se rencontrent les plus sévères déductions du thème général. Un être débile tué par la terreur est le résultat de l’histoire intitulée: l’Enfant maudit, délicieuse histoire désormais complétée par un nouveau volume que chacun pressentait. La chaude et savante étude des Proscrits contient plusieurs propositions identiques: le suicide d’un enfant que l’ambition du ciel dégoûte de la vie, le génie devenant funeste à un grand poète, et l’idée de Patrie faisant crier à ce poète: — Mort aux Guelfes! au moment où il vient de peindre les supplices infernaux destinés aux assassins. Jésus-Christ en Flandre est la démonstration de la puissance 64de la foi, considérée aussi comme idée. Ici la conclusion habituelle de M. de Balzac eût pu être facilement appliquée, car à combien de martyrs cette idée n’a-t-elle pas été funeste? mais il a mieux aimé se reposer un instant de son affligeant système et faire luire un rayon du ciel à travers les masses de ténèbres dont il nous montre environnés. «Dans ce conte, suivant l’expression du critique déjà cité, «les pariahs de la société, ceux qu’elle bannit de ses universités et de ses collèges, restent fidèles à leurs croyances, et conservent, avec leur pureté morale, la force de cette foi qui les sauve, tandis que 65les gens supérieurs, fiers de leur haute capacité, voient s’accroître leurs maux avec leur orgueil, et leurs douleurs avec leurs lumières.»
Le rêve fantastique intitulé l’Église est une saisissante vision des idées religieuses se dévorant elles-mêmes, et croulant tour à tour les unes sur les autres, ruinées par l’incrédulité, qui est aussi une idée. Louis Lambert est la plus pénétrante et la plus admirable démonstration de l’axiome fondamental des Études philosophiques. N’est-ce pas la pensée tuant le penseur? fait cruellement vrai que M. de Balzac a suivi pas à pas dans le cerveau, et dont Manfred est la poé66sie, comme Faust en est le drame.
L’ordre adopté par l’éditeur pour la publication successive des Études philosophiques nous oblige à garder le silence sur l’ECCE HOMO, terrible contre-partie de LOUIS LAMBERT. Il faut aussi que nous nous taisions sur ces titres qui annoncent de beaux livres, les puînés de Louis Lambert, sans doute! — SŒUR MARIE DES ANGES. — LE LIVRE DES DOULEURS. — MELMOTH RÉCONCILIÉ. — AVENTURES D’UNE IDÉE HEUREUSE; sur SÉRAPHITA même, quoique la Revue de Paris en ait publié le commencement. Même silence sur LE PROPHÈTE, sur LE PRÉSIDENT FRITOT, sur LE PHI67LANTROPE ET LE CHRÉTIEN. Mais ce que nous pouvons prévoir, c’est que l’auteur n’oubliera aucun sentiment humain, aucune idée, que toute l’âme de l’homme va passer dans son redoutable creuset, comme toute la société a passé sous ses pinceaux. La Comédie du Diable, si bouffonne en apparence, est devenue, dans cette édition, une âpre critique des gouvernemens, une sorte de tohu-bohu des politiques, une sarcastique transition pour arriver à la conclusion de l’œuvre, à cette Histoire de la Succession du marquis de Carabas, qui sera la formule allégorique de la vie collective des nations, comme la Peau de chagrin est la for68mule de la vie. «C’est non-seulement, dit M. Ph. Ch., à qui nous emprunterons ce dernier aperçu (car à lui aussi ont été faites quelques confidences sur cet ouvrage), «c’est non-seulement la société dans ses masses que frappe de mort l’égoïsme, fils de l’analyse et de cette raison approfondissante qui nous ramène sans cesse à notre personnalité; c’est aussi la société dans ses élémens partiels, c’est encore le gouvernement et la politique. De degrés en degrés, l’auteur s’élèvera jusqu’à cette dernière ironie, la plus haute, et la plus en harmonie avec notre temps. Dans l’Histoire de la Succession 69du marquis de Carabas, dernière œuvre qui complétera la grande vue philosophique de M. de Balzac, nous verrons la société politique en proie à la même impuissance, au même néant qui dévore Raphaël dans la Peau de chagrin; même intensité de désir, même éclat extérieur, même misère réelle, même formule inévitable, éternelle, où la NATIONALITÉ se trouvera pressée comme L’INDIVIDUALISME l’est dans la sienne.»
Ces hautes vues philosophiques seront complétées par plusieurs autres études en germe dans la pensée de l’auteur, mais que son inépuisable 70verve aura peut-être fait éclore avant que nous n’ayons achevé nous-même ces pages arides ou nous disséquons péniblement le génie le plus chaud, le plus vivace, le plus fécond de notre époque.
Dans notre désir de nous rendre compte à nous-même d’un ouvrage dont la portée effraie, et où la pensée se perd comme un voyageur s’égare dans le dédale des arcades d’une ville qui n’existe plus (comparaison juste pour une ville commencée qui n’existe pas encore, à la différence près des ruines aux construction neuves), nous avions aperçu dans les Études philosophiques, telles que l’auteur nous les 71montre aujourd’hui, les traces d’une espérance qui vivifie ces désespérantes figures d’écorchés. Il nous semblait, si nous pouvons risquer cette image, qu’au sein de ces passions déchaînées et qui crient aussi puissamment que dans le final de Don Juan, une voix religieuse, et pleine de suavités, mystérieuse, mais consolatrice, dominait ces cris horribles et montait vers le ciel. En rassemblant dans la pensée ces cinq grandes poésies: l’Enfantmaudit, les Proscrits, Louis Lambert, Jésus-Christ en Flandre, et Séraphita; en leur supposant quelques anneaux, quelques compositions intermédiaires, nous avons aimé à penser qu’à travers nos 72sentimens foudroyés par l’analyse l’auteur faisait courir un radieux rayon de foi, une mélodieuse métempsycose chrétienne qui commençait dans les douleurs terrestres et aboutissait au ciel. Nous l’avons demandé, non sans émotion, à l’auteur, et nous a confirmé dans cette croyance par un de ces mots qui viennent de l’âme, qui révèlent un beau cœur. Donc, lorsque cet architecte aura fini d’agiter sa baguette magique, des lueurs divines éclaireront sa cathédrale, dont la destination sera double, comme l’est celle de ces beaux monumens du moyen âge en dehors desquels se pressent les passions humaines sous de fantastiques figures d’hommes 73ou d’animaux, tandis qu’à l’intérieur rayonnent les beautés pures de l’autel.
Faisons des vœux pour que la Critique soit bienveillante à ce laborieux ouvrier, souhaitons que ni le découragement, ni la maladie, ni la misère ne lui arrachent des mains son outil créateur; car nous l’aurons dit le premier et nous nous ferons gloire de l’avoir dit, il s’agit ici d’une des plus immenses entreprises qu’un seul homme ait osé concevoir; il s’agit d’une œuvre qu’un poète ingénieux nommait, devant nous, les Mille et une Nuits de l’Occident, sans savoir, que ces morceaux, si divers, si poétiques, si vrais, pris séparément, 74s’enchaînaient et devaient produire le speculum mundi dont nous parlions!
Et que sera-ce, lorsque, plus tard, la troisième partie, dont le titre est connu de quelques amis de l’auteur, quand les Études analytiques, auxquelles appartiennent évidemment la Physiologie du Mariage et le Traité de la Vie extérieure, dont plusieurs fragmens ont été publiés, quand ces dernières conséquences d’une vaste pensée viendront couronner de leurs riches entablemens ce palais littéraires, comparable aux poèmes que les Sarrasins écrivaient en marbre, et sur lequel ils gravaient l’Alcoran en caractères 75d’or? À ce dernier labeur, où se concentrera l’examen railleur des principes sociaux, appartient encore un livre dont le titre (la Monographie de la Vertu) a plus d’une fois excité la curiosité de ceux qui, du fond de leurs solitudes, applaudissent aux efforts de l’auteur, qui marquent avec orgueil les phases progressives de son talent, et s’initient par des vœux à ses fatigues et à ses veilles.
Ainsi donc, quand les ÉTUDES DE MŒURS auront peint la société dans tous ses effets, les ÉTUDES PHILOSOPHIQUES en constateront les causes, et les ÉTUDES ANALYTIQUES en creuseront les principes. Ces trois mots sont 76la clef de cette œuvre étourdissante par sa profondeur, surprenante pas ses détails, dont nous avons essayé de faire comprendre ici toute la portée.

FÉLIX DAVIN.

6 décembre.



LA PEAU DE CHAGRIN,

PREMIER VOLUME.

77PREMIÈRE PARTIE.

LA PEAU DE CHAGRIN.

Vers la fin du mois d’octobre dernier, un jeune homme entra dans le Palais-Royal au moment où les maisons de jeu s’ouvraient, conformément à la loi qui
protége, à Paris, une 78passion essentiellement productive et chère au fisc. Sans trop hésiter, l’inconnu monta l’escalier du tripot désigné sous le nom de Numéro 39.
– Monsieur, votre chapeau, s’il vous plaît? lui cria d’une voix sèche et grondeuse un petit vieillard blême, accroupi dans l’ombre, protégé par une barricade, et qui se leva soudain en montrant une figure moulée d’après un type ignoble.
Quand vous entrez dans une maison de jeu, la loi commence par vous dépouiller de votre chapeau. Est-ce une parabole évangélique et providentielle
. N’est-ce pas plutôt une manière de conclure un contrat infernal avec vous, en exigeant je ne sais quel gage. Serait-ce pour vous obliger à garder un maintien respectueux 79devant ceux qui vont gagner votre argent. Est-ce une curiosité de la police, qui, fouillant tous les égoûts sociaux, est intéressée à savoir le nom de votre chapelier, ou le vôtre, si vous l’avez inscrit sur la coiffe. Est-ce, enfin, pour prendre la mesure de votre crâne et dresser une statistique instructive sur la capacité cérébrale des joueurs? Sur ce point l’administration garde un silence complet. Mais sachez-le bien! à peine avez-vous fait un pas vers le tapis vert, déjà votre chapeau ne vous appartient pas plus que vous ne vous appartenez à vous-même. Vous êtes au jeu, vous, votre fortune, votre coiffe, votre canne et votre manteau. À votre sortie, le JEU, par une atroce épigramme en action, qu’il vous laisse encore quelque chose en vous rendant votre bagage. Avez-vous toutefois une coiffure neuve, vous apprendrez à vos dépens, qu’il faut se faire un costume de joueur.
L’étonnement
, manifesté par l’étranger quand il reçut une fiche numérotée en échange de son chapeau dont heureusement les bords étaient légèrement pelés, indiquait assez une âme encore innocente. Le petit vieillard, qui sans doute avait croupi dès son jeune âge dans les atroces plaisirs de la vie des joueurs, lui jeta un coup-d’œil terne et sans chaleur, mais dans lequel un philosophe aurait lu les misères de l’hôpital, les vagabondages des gens ruinés, les procès-verbaux d’une foule d’asphyxies, les travaux forcés à per81pétuité, les expatriations au Guazacoalco. Cet homme dont la longue face blanche n’était plus nourrie que par les soupes gélatineuses de M. d’Arcet, présentait la pâle image de la passion réduite à son terme le plus simple. Dans ses rides, il y avait trace de vieilles tortures. Il devait jouer ses maigres appointemens le jour même où il les recevait. Enfin, semblable aux rosses sur qui les coups de fouet n’ont plus de prise, rien ne le faisait tressaillir. Les sourds gémissemens des joueurs qui sortaient ruinés, leurs muettes imprécations, leurs regards hébétés le trouvaient toujours insensible. C’était le Jeu incarné. Si le jeune homme avait contemplé ce triste Cerbère, peut-être se serait-il dit: – Il n’y a plus qu’un 82jeu de cartes dans ce cœur-là! Mais l’inconnu n’écouta pas ce conseil vivant, placé là sans doute par la Providence, comme elle a mis le dégoût à la porte de tous les mauvais lieux. Non. Il entra résolument dans la salle où le son de l’or exerçait une prestigieuse fascination sur les sens en pleine convoitise. Ce jeune homme était probablement poussé là par la plus logique de toutes les éloquentes phrases de J.-J. Rousseau, et dont voici, je crois, la triste pensée: Oui, je conçois qu’un homme aille au Jeu; mais c’est lorsque entre lui et la mort il ne voit plus que son dernier écu
Le soir, les maisons de jeu n’ont qu’une poésie vulgaire, mais dont l’effet est assuré comme celui d’un
mélodrame sanguinolent. Les salles sont 83garnies de spectateurs et de joueurs, de vieillards indigens qui s’y traînent pour s’y réchauffer, de faces agitées, d’orgies commencées dans le vin et prêtes à finir dans la Seine. La passion y abonde; mais le trop grand nombre d’acteurs vous empêche de contempler face à face le démon du jeu. La soirée est un véritable morceau d’ensemble où la troupe entière crie, où chaque instrument de l’orchestre module sa phrase. Vous verriez là beaucoup de gens honorables qui viennent y chercher des distractions, et les payent comme ils payeraient le plaisir du spectacle, de la gourmandise, ou comme ils iraient dans une mansarde acheter, à bas prix, de cuisans regrets pour trois mois. Mais comprenez-vous tout ce que 84doit avoir de délire et de vigueur dans l’ame, un homme qui attend avec impatience l’ouverture d’un tripot. Il existe, entre le joueur du matin et le joueur du soir, la différence qui distingue le mari nonchalant, de l’amant pâmé sous les fenêtres de sa belle. Le matin seulement, arrivent la passion palpitante, le besoin dans sa franche horreur. En ce moment, vous pourrez admirer un véritable joueur, un joueur qui n’a pas mangé, dormi, vécu, pensé, tant il était rudement flagellé par le fouet de sa martingale; tant il souffrait, travaillé par le prurit d’un coup de trente et quarante. À cette heure maudite, vous rencontrerez des yeux dont le calme effraie, des visages qui vous fascinent, des regards qui soulèvent les cartes et les 85dévorent. Aussi, les maisons de jeu ne sont-elles sublimes qu’à l’ouverture de leurs séances. Si l’Espagne a ses combats de taureaux, si Rome a eu ses gladiateurs, Paris s’enorgueillit de son Palais-Royal dont les agaçantes roulettes donnent le plaisir de voir couler le sang à flots, sans que les pieds du parterre risquent d’y glisser. Essayez de jeter un regard furtif sur cette arène. Entrez. Quelle nudité! Les murs, couverts d’un papier, gras à hauteur d’homme, n’offrent pas une seule image qui puisse rafraîchir l’ame; il ne s’y trouve même pas un clou pour faciliter le suicide. Le parquet est usé, malpropre. Une table ronde occupe le centre de la salle. La simplicité des chaises de paille pressées autour de ce tapis usé par 86l’or, annonce une curieuse indifférence du luxe chez ces hommes qui viennent périr là pour la fortune et pour le luxe. Cette antithèse humaine se découvre partout où l’ame réagit puissamment sur elle-même. L’amoureux veut mettre sa maîtresse dans la soie, la revêtir d’un moelleux tissu d’Orient, et, la plupart du temps, il la possède sur un grabat. L’ambitieux se rêve au faîte du pouvoir, tout en s’aplatissant dans la boue du servilisme. Le marchand végète au fond d’une boutique humide et malsaine, en élevant un vaste hôtel d’où son fils, héritier précoce, sera chassé par une licitation fraternelle. Enfin, existe-t-il chose plus déplaisante qu’une maison de plaisir? Singulier problème! Toujours en opposition 87avec lui-même, trompant ses espérances par ses maux présens, et ses maux par un avenir qui ne lui appartient pas, l’homme imprime à tous ses actes le caractère de l’inconséquence et de la faiblesse. Ici bas, rien n’est complet que le malheur.
Au moment où le jeune homme entra dans le salon, quelques joueurs s’y trouvaient déjà. Trois vieillards à têtes chauves
, étaient nonchalamment assis autour du tapis vert. Leurs visages de plâtre, impassibles comme ceux des diplomates, révélaient des ames blasées, des cœurs qui, depuis long-temps, avaient désappris de palpiter, même en risquant les biens paraphernaux d’une femme. Un jeune Italien, aux cheveux noirs, au teint olivâtre, était accoudé tranquillement 88au bout de la table, et paraissait écouter ces pressentimens secrets qui crient fatalement à un joueur: – Oui. – Non! Cette tête méridionale respirait l’or et le feu. Sept ou huit spectateurs, debout, rangés de manière à former une galerie, attendaient les scènes que leur préparaient les coups du sort, les figures des acteurs, le mouvement de l’argent et celui des rateaux. Ces désœuvrés étaient là, silencieux, immobiles, attentifs, comme l’est le peuple à la Grève, quand le bourreau tranche une tête. Un grand homme sec, en habit râpé, tenait un registre d’une main, et, de l’autre, une épingle pour marquer les passes de la Rouge ou de la Noire. C’était un de ces Tantales modernes qui vivent en marge de toutes les jouissances de leur siècle; 89un de ces avares sans trésor qui jouent en idée une mise imaginaire; espèce de fou raisonnable qui se consolait de ses misères en caressant une chimère; qui agissait enfin avec le vice et le danger, comme les jeunes prêtres avec Dieu, quand ils disent des messes blanches. En face de la banque, un ou deux de ces fins spéculateurs, experts des chances du jeu, et semblables à d’anciens forçats qui ne s’effraient plus des galères, étaient venus là pour hasarder trois coups et remporter immédiatement le gain probable dont ils vivaient. Deux vieux garçons de salle se promenaient nonchalamment les bras croisés, et de temps en temps, regardaient le jardin par les fenêtres, comme pour montrer aux passans leurs plates figures, en guise d’enseigne. 90Le tailleur et le banquier venaient de jeter sur les ponteurs ce regard blême qui les tue, et disaient d’une voix grêle: – Faites le jeu! quand le jeune homme ouvrit la porte.
Le silence devint en quelque sorte plus profond, et les têtes se tournèrent vers le nouveau venu par curiosité. Mais, chose inouïe, les vieillards émoussés, les employés pétrifiés, les spectateurs, et jusqu’au fanatique Italien, tous éprouvèrent, en voyant l’inconnu, je ne sais quel sentiment épouvantable. Ne faut-il pas être bien malheureux pour obtenir de la pitié, bien faible pour exciter une sympathie, ou d’un bien sinistre aspect pour faire frissonner les ames dans cette salle où les douleurs doivent être muettes, la misère gaie, le désespoir 91décent. Eh bien! il y avait de tout cela dans la sensation neuve qui remua ces cœurs glacés quand le jeune homme entra. Mais les bourreaux n’ont-ils pas quelquefois pleuré sur les vierges dont la Révolution leur ordonnait de couper les blondes têtes?
Au premier coup d’œil les joueurs lurent sur le visage du novice quelque horrible mystère
. Ses jeunes traits étaient empreints d’une grace nébuleuse. Son regard, attestait tant d’efforts trahis, tant d’espérances trompées! La morne impassibilité du suicide donnait à son front une pâleur matte et maladive: un sourire amer dessinait de légers plis dans les coins de sa bouche; et sa physionomie exprimait une résignation qui faisait mal à voir. Quelque secret génie scintil92lait au fond de ses yeux voilés peut-être par les fatigues du plaisir. Était-ce la débauche qui marquait de son sale cachet cette noble figure jadis pure et brillante, maintenant dégradée? Les médecins auraient sans doute attribué à des lésions au cœur ou à la poitrine, le cercle jaune qui encadrait les paupières et la rougeur dont les joues étaient marbrées; tandis que les poètes eussent voulu reconnaître, à ces signes, les ravages de la science, les traces de nuits passées à la lueur d’une lampe studieuse. Mais une passion plus mortelle que la maladie, une maladie plus impitoyable que l’étude et le génie, altéraient cette jeune tête, contractaient ces muscles vivaces, tordaient ce cœur qu’avaient seulement effleurés 93les orgies, l’étude et la maladie. Comme lorsqu’un célèbre criminel arrive au bagne, les condamnés l’accueillent avec respect; ainsi, tous ces démons humains experts en tortures saluèrent une douleur inouïe, une blessure dont ils soupçonnaient par instinct la profondeur, et reconnurent un de leurs princes, à la majesté de sa muette ironie, à l’élégante misère de ses vêtemens. Le jeune homme avait bien un frac de bon goût; mais la jonction de son gilet et de sa cravate était trop savamment maintenue pour qu’on lui supposât du linge. Ses mains, jolies comme des mains de femme, étaient d’une douteuse propreté. Enfin, depuis deux jours, il ne portait plus de gants! Si le Tailleur et 94les garçons de salle eux-mêmes frissonnèrent, c’est que les enchantemens de l’innocence florissaient par vestiges dans ses formes grêles et fines, dans ses cheveux blonds et rares, naturellement bouclés. Cette figure avait encore vingt-cinq ans, et le vice paraissait n’y être qu’un accident. La verte vie de la jeunesse y luttait encore avec les ravages d’une impuissante lubricité. Les ténèbres et la lumière, le néant et l’existence s’y combattaient en produisant tout à la fois de la grâce et de l’horreur. Le jeune homme se présentait là comme un ange sans rayons, égaré dans sa route. Aussi, tous ces professeurs émérites de vice et d’infamie, semblables à une vieille femme édentée, prise de pitié à l’as95pect d’une belle fille qui s’offre à la corruption, furent-ils prêts à crier au novice: – Sortez! Celui-ci marcha droit à la table, s’y tint debout, jeta sans calcul, sur le tapis, une pièce d’or qu’il avait à la main; puis, abhorrant, comme les ames fortes, de chicanières incertitudes, il lança sur le Tailleur un regard tout à la fois turbulent et calme. L’intérêt de ce coup était si puissant que les vieillards ne firent pas de mise; mais l’Italien saisit avec le fanatisme de la passion une idée qui vint lui sourire, et ponta sa masse d’or en opposition au jeu de l’inconnu.
Le Banquier oublia de dire ces phrases qui se sont à la longue converties en un cri rauque et inintelli96gible: – Faites le jeu! – Le jeu est fait! – Rien ne va plus.
Le Tailleur étala les cartes et sembla souhaiter bonne chance au dernier venu, indifférent qu’il était à la perte ou au gain fait par les entrepreneurs de ces sombres plaisirs. Chacun des spectateurs voulut voir un drame et la dernière scène d’une noble vie dans le sort de cette pièce d’or, et leurs yeux, arrêtés sur les cartons fatidiques, étincelèrent. Mais, malgré l’attention avec laquelle les joueurs regardèrent alternativement et le jeune homme et les cartes, ils ne purent apercevoir aucun symptôme d’émotion sur sa figure froide et résignée.
– Rouge perd, dit officiellement le Tailleur.
97Une espèce de râle sourd sortit de la poitrine de l’Italien lorsqu’il vit tomber
le paquet de billets que lui lança le Banquier. Quant au jeune homme, il ne comprit sa ruine qu’au moment où le rateau s’allongea pour ramasser son dernier napoléon. L’ivoire fit rendre un bruit sec à la pièce, qui, rapide comme une flèche, alla se réunir au tas d’or étalé devant la caisse. L’inconnu ferma les yeux doucement et ses lèvres blanchirent; mais il releva bientôt ses paupières, sa bouche reprit une rougeur de corail, il affecta l’air d’un Anglais pour qui la vie n’a plus de mystères, et disparut sans mendier une consolation par un de ces regards déchirans que les joueurs au désespoir lancent assez souvent sur la galerie dont ils sont 98entourés. Combien d’événemens se pressent dans l’espace d’une seconde, et que de choses dans un coup de dé!
– Voilà sans doute sa dernière cartouche, dit en souriant le croupier
, après un moment de silence, pendant lequel il tint cette pièce d’or entre le pouce et l’index, pour la montrer aux assistans.
– C’est un cerveau brûlé qui va se jeter à l’eau, répondit un habitué en regardant autour de lui les joueurs qui se connaissaient tous.
– Bah! s’écria le garçon de
bureau, en prenant une prise de tabac.
– Si nous avions imité monsieur? dit un des vieillards à ses collègues
, en désignant l’Italien. Hein!
Tout le monde regarda l’heureux joueur dont les mains tremblaient 99en comptant ses billets de banque.
– J’ai entendu, dit-il, une voix qui me criait dans l’oreille: Le Jeu aura raison contre le désespoir de ce jeune homme.
– Ce n’est pas un joueur, reprit le
Banquier. Autrement, il aurait groupé son argent en trois coups pour se donner plus de chances.
Le jeune homme passait sans réclamer son chapeau
. Le vieux molosse, ayant remarqué le mauvais état de cette guenille, la lui rendit sans proférer une parole, le joueur restitua la fiche par un mouvement machinal, et descendit les escaliers en sifflant le di tanti palpiti d’un souffle si faible qu’il en entendit à peine lui-même les notes délicieuses. Il se trouva bientôt sous les galeries 100du Palais-Royal. Dirigé par une dernière pensée, il alla jusqu’à la rue Saint-Honoré, prit le chemin des Tuileries, et traversa le jardin d’un pas irrésolu. Il marchait comme au milieu d’un désert, coudoyé par des hommes qu’il ne voyait pas; n’écoutant, à travers les clameurs populaires, qu’une seule voix, celle de la mort; enfin, perdu dans une engourdissante méditation, semblable à celle dont jadis étaient saisis les criminels qu’une charette conduisait du Palais à la Grève, vers cet échafaud, rouge de tout le sang versé depuis 1793.
Il existe je ne sais quoi de grand et d’épouvantable dans le suicide. Les chutes d’une multitude de gens sont sans danger comme celles des enfans 101qui tombent de trop bas pour se blesser; mais quand un grand homme se brise, il doit venir de bien haut, s’être élevé jusqu’aux cieux, avoir entrevu quelque paradis inaccessible. Implacables doivent être les ouragans qui
forcent à demander la paix de l’ame à la bouche d’un pistolet. Combien de jeunes talens s’étiolent confinés dans une mansarde, y périssent faute d’un ami, faute d’une femme consolatrice, au sein d’un million d’êtres, en présence d’une foule lassée d’or et qui s’ennuie. À cette pensée, le suicide prend des proportions gigantesques. Entre une mort volontaire et la féconde espérance dont la voix appelle un jeune homme à Paris, Dieu seul sait combien se heurtent de conceptions, de poésies abandonnées, 102de désespoirs, de cris étouffés, de tentatives inutiles et de chefs-d’œuvre avortés. Chaque suicide est un poème sublime de mélancolie. Où trouverez-vous, dans l’océan des littératures, un livre surnageant qui puisse lutter de génie avec ces trois lignes: Hier, à quatre heures, une jeune femme s’est jetée dans la Seine du haut du Pont-des-Arts. Devant ce laconisme parisien, les drames, les romans, tout pâlit, même ce vieux frontispice: Les lamentations du glorieux roi de Kaërnavan, mis en prison par ses enfans… Dernier fragment d’un livre perdu, dont la seule lecture faisait pleurer ce Sterne, qui lui-même délaissait sa femme et ses enfans.
L’inconnu fut assailli par mille pensées semblables qui passaient en 103lambeaux dans son ame comme des drapeaux déchirés voltigent au milieu d’une bataille. S’il déposait pendant un moment le fardeau de son intelligence et de ses souvenirs, pour s’arrêter devant quelques fleurs dont il admirait les têtes mollement balancées par la brise parmi les massifs de verdure; bientôt saisi par une convulsion de la vie qui regimbait encore sous la pesante idée du suicide, il levait les yeux au ciel. Là, des nuages gris, des bouffées de vent chargées de tristesse, une atmosphère lourde lui conseillaient encore de mourir. Il s’achemina vers le Pont-Royal en songeant aux dernières fantaisies de ses prédécesseurs. Il souriait en se rappelant que lord Castelreagh avait satisfait le plus humble de nos besoins 104avant de se couper la gorge, et que M. Auger l’académicien avait été chercher sa tabatière pour priser tout en marchant à la mort. Il analysait ces bizarreries et s’interrogeait lui-même, quand, en se serrant contre le parapet du pont, pour laisser passer un fort de la halle, celui-ci lui ayant légèrement blanchi la manche de son habit, il se surprit à en secouer soigneusement la poussière. Arrivé au point culminant de la voûte, il regarda l’eau d’un air sinistre.
– Mauvais temps pour se noyer, lui dit en riant une vieille femme vêtue de haillons. Est-elle sale et froide, la Seine!
Il répondit par un sourire plein de naïveté
, qui attestait le délire de son courage; mais il frissonna tout à coup 105en voyant de loin, sur le port des Tuileries, la baraque surmontée d’un écriteau où ces paroles sont tracées en lettres hautes d’un pied: SECOURS AUX ASPHYXIÉS. M. Dacheux lui apparut armé de sa philantropie, réveillant et faisant mouvoir ces vertueux avirons qui cassent la tête aux noyés, quand malheureusement ils remontent sur l’eau. Il l’aperçut ameutant les curieux, quêtant un médecin, apprêtant des fumigations. Il lut les doléances des journalistes entre les joies d’un festin et le sourire d’une danseuse. Il entendit sonner les écus comptés à des bateliers pour sa tête, par le préfet de la Seine. Mort, il valait cinquante francs; mais, vivant, il n’était qu’un homme de talent sans protecteurs, sans amis, sans Paillasse, sans 106tambour, un véritable zéro social dont l’état n’avait nul souci. Une mort en plein jour lui parut ignoble, il résolut de mourir pendant la nuit, afin de livrer un cadavre indéchiffrable à cette société qui méconnaissait l’utilité de sa vie, il continua donc son chemin, et se dirigea vers le quai Voltaire, en prenant la démarche indolente d’un désœuvré qui veut tuer le temps. Quand il descendit les marches qui terminent le trottoir du pont, à l’angle du quai, son attention fut excitée par les bouquins dont le parapet est toujours garni. Peu s’en fallut qu’il n’en marchandât quelques-uns. Il se prit à sourire, remit philosophiquement les mains dans ses goussets, et allait reprendre son allure d’insouciance où perçait un froid dédain, 107quand il entendit avec surprise quelques pièces retentir d’une manière véritablement fantastique au fond de sa poche. Un sourire d’espérance illumina son visage, glissa de ses lèvres sur ses traits, sur son front, fit briller de joie ses yeux et ses joues sombres. Cette étincelle de bonheur ressemblait à ces feux qui courent dans les vestiges d’un papier déjà consumé par la flamme; mais le visage eut le sort des cendres noires, et redevint triste quand l’inconnu ayant vivement retiré la main de son gousset, aperçut trois gros sous.
– Ah! mon bon monsieur, la carita! la carita! catarina! Un petit sou pour avoir du pain!
Un jeune ramoneur dont la figure bouffie était noire, le corps brun de 108suie, les vêtemens déguenillés, tendit la main à cet homme pour lui arracher ses derniers sous. À deux pas du petit savoyard, un vieux pauvre honteux, maladif, souffreteux, ignoblement vêtu d’une tapisserie trouée, lui dit d’une grosse voix sourde: – Monsieur, donnez-moi ce que vous voulez, je prierai Dieu pour vous…

Mais quand l’homme jeune eut regardé le vieillard, celui-ci se tut et ne demanda plus rien, reconnaissant peut-être
, sur ce visage funèbre, la livrée d’une misère plus âpre que n’était la sienne.
La carita! la carita!
L’inconnu jeta sa monnaie à l’enfant et au vieux pauvre
, en quittant le trottoir pour aller vers les mai109sons, car il ne pouvait plus supporter le poignant aspect de la Seine.
– Nous prierons Dieu pour la conservation de vos jours, lui dirent les deux mendians.
En arrivant à l’étalage d’un marchand d’estampes, cet homme presque mort rencontra une jeune femme qui descendait d’un brillant équipage. Il contempla délicieusement cette charmante personne dont la blanche figure était harmonieusement encadrée dans le satin d’un élégant chapeau
; il fut séduit par une taille svelte, par de jolis mouvemens; et la robe, légèrement relevée par le marche-pied, lui laissa voir une jambe dont les fins contours étaient dessinés par un bas blanc et bien tiré. La jeune femme entra dans le ma110gasin, y marchanda des album, des collections de lithographies; elle en acheta pour plusieurs pièces d’or qui étincelèrent et sonnèrent sur le comptoir. Le jeune homme, en apparence occupé sur le seuil de la porte à regarder des gravures exposées dans la montre, échangea vivement avec la belle inconnue l’œillade la plus perçante que puisse lancer un homme, contre un de ces coups d’œil insoucians jetés au hasard sur les passans. Et c’était, de sa part, un adieu à l’amour, à la femme! Cette dernière et puissante interrogation ne fut même pas comprise, ne remua pas ce cœur de femme frivole, ne la fit pas rougir, ne lui fit pas baisser les yeux. Qu’était-ce pour elle? une admiration de plus, un désir excité dont elle triompherait, 111le soir, en disant: – J’étais bien aujourd’hui. Le jeune homme passa promptement à un autre cadre et ne se retourna point quand l’inconnue remonta dans sa voiture. Les chevaux partirent avec une vîtesse aristocratique, et cette dernière image du luxe, de l’élégance, flamba devant lui, rapide comme sa vie. Il se mit à marcher d’un pas mélancolique le long des magasins, en examinant, sans beaucoup d’intérêt, les échantillons qui s’y trouvaient étalés. Quand les boutiques lui manquèrent, il étudia le Louvre, l’Institut, les tours de Notre-Dame, celles du Palais, le Pont-des-Arts. Ces monumens paraissaient prendre une physionomie triste en réflétant les teintes grises du ciel dont les rares clartés prêtaient un air menaçant 112à Paris, qui, pareil à une jolie femme, est soumis à d’inexplicables caprices de laideur et de beauté. Ainsi, la nature elle-même conspirait à le plonger dans une extase douloureuse.
En proie à cette puissance malfaisante dont nous éprouvons tous, en certains jours de notre vie, l’action dissolvante, il sentait son organisme arriver insensiblement aux phénomènes de la fluidité. Les tourmens de cette agonie lui imprimaient un mouvement semblable à celui des vagues, et lui faisaient voir les bâtimens, les hommes à travers un brouillard, où tout ondoyait. Il voulut se soustraire aux titillations morales que produisaient sur son âme, les réactions de la nature physique, et se dirigea vers un magasin d’antiquités dans l’inten113tion de donner une pâture à ses sens ou d’y attendre la nuit en marchandant des objets d’arts. C’était, pour ainsi dire, quêter du courage et demander un cordial, comme les criminels qui se défient de leurs forces en allant à l’échafaud.
La
conscience de sa prochaine mort rendit, pour un moment, au jeune homme toute l’assurance d’une duchesse qui a deux amans. Aussi entra-t-il chez le marchand de curiosités d’un air dégagé, laissant voir sur ses lèvres un sourire fixe comme celui d’un ivrogne. N’était-il pas ivre de la vie, ou peut-être de la mort. Donc, l’inconnu retomba bientôt dans ses vertiges et continua d’apercevoir les choses sous d’étranges couleurs, ou animées d’un léger mouvement dont 114le principe était sans doute dans une irrégulière circulation de son sang, tantôt bouillonnant comme une cascade, tantôt tranquille et fade comme de l’eau tiède.
Il demanda simplement à visiter les magasins, pour chercher s’ils ne renfermeraient pas quelques singularités à sa convenance. Un jeune garçon à figure fraîche et joufflue, à chevelure rousse, et coiffé d’une casquette de loutre, commit la garde de la boutique à une vieille paysanne, espèce de Caliban femelle, occupée à nettoyer un poêle dont les merveilles étaient dues au génie de Bernard de Palissy. Puis, il dit à l’étranger d’un air insouciant: – Voyez, Monsieur, voyez! Nous n’avons en bas que des choses assez ordinaires; mais si 115vous voulez prendre la peine de monter au premier étage, je pourrai vous montrer de fort belles momies du Caire, plusieurs poteries incrustées, quelques ébènes sculptées, vraie renaissance, récemment arrivées et qui sont de toute beauté
Dans l’horrible situation où se trouvait l’inconnu, ce babil de cicérone, ces phrases sottement mercantiles furent
, pour lui, comme les taquineries mesquines par lesquelles des esprits étroits assassinent un homme de génie. Portant sa croix jusqu’au bout, il parut écouter son conducteur, et lui répondit par gestes ou par monosyllabes. Mais, insensiblement, il sut conquérir le droit d’être silencieux, et put se livrer, sans crainte, à ses dernières 116méditations qui furent gigantesques, terribles. Il était poète, et son âme rencontra fortuitement une immense pâture. Il devait voir, par avance, les ossemens de vingt mondes.
Au premier coup d’œil, les magasins lui offrirent un tableau confus, dans lequel toutes les œuvres humaines se heurtaient. Des crocodiles, des singes, des boas empaillés souriaient à des vitraux d’église, semblaient vouloir mordre des bustes, courir après des laques, ou grimper sur des lustres. Un vase de Sèvres où madame Jacquotot avait peint Napoléon, se trouvait auprès d’un sphynx dédié à Sésostris. Le commencement du monde et les événemens d’hier se mariaient avec une grotesque bonho117mie. Un tournebroche était posé sur un ostensoir, un sabre républicain sur une hacquebute du moyen âge. Madame Dubarry, peinte au pastel par Latour, une étoile sur la tête, nue et dans un nuage, paraissait contempler avec concupiscence une chibouque indienne, en cherchant à deviner l’utilité des spirales qui serpentaient vers elle. Les instrumens de mort: poignards, pistolets curieux, armes à secret, étaient jetés pêle-mêle avec des instrumens de vie: soupières en porcelaine, assiettes de Saxe, tasses orientales venues de Chine, salières antiques, drageoirs féodaux. Un vaisseau d’ivoire voguait à pleines voiles sur le dos d’une immobile tortue. Une machine pneumatique éborgnait l’empe118reur Auguste, qui ne s’en fâchait pas. Plusieurs portraits d’échevins français, de bourguemestres hollandais, insensibles, comme pendant leur vie, s’élevaient au dessus de ce chaos d’antiquités, en y lançant un regard pâle et froid. Tous les pays de la terre semblaient avoir apporté là un débris de leurs sciences, un échantillon de leurs arts. C’était une espèce de fumier philosophique auquel rien ne manquait, ni le calumet du sauvage, ni la pantoufle vert et or du sérail, ni le yatagan du Maure, ni l’idole des Tartares. Il y avait jusqu’à la blague à tabac du soldat, jusqu’au ciboire aux hosties du prêtre, jusqu’aux plumes d’un trône. Ces monstrueux tableaux étaient encore assujettis à mille accidens de lumière, par la bizarrerie 119d’une multitude de reflets dus à la confusion des nuances, à la brusque opposition des jours et des ténèbres. L’oreille croyait entendre des cris interrompus; l’esprit, saisir des drames inachevés; l’œil apercevoir des lueurs mal étouffées. Enfin, une poussière obstinée avait jeté son léger voile sur tous ces objets dont les angles multipliés et les sinuosités nombreuses produisaient les effets les plus pittoresques.
L’inconnu compara d’abord ces trois salles gorgées de civilisation, de cultes, de divinités, de chefs-d’œuvre, de royautés, de débauches, de raison et de folie, à un miroir plein de facettes dont chacune représentait un monde. Après cette impression brumeuse, il voulut choisir ses jouissan120ces. Mais à force de regarder, de penser, de rêver, il tomba sous la puissance d’une fièvre due peut-être à la faim qui rugissait dans ses entrailles. La vue de tant d’existences nationales ou individuelles, attestées par ces gages humains qui leur survivaient, acheva d’engourdir les sens du jeune homme. Le désir qui l’avait poussé dans le magasin fut exaucé. Il sortit de la vie réelle, monta par degrés vers un monde idéal, arriva dans les palais enchantés de l’Extase, où l’univers lui apparut par bribes et en traits de feu, comme l’avenir passa jadis flamboyant aux yeux de saint Jean dans Pathmos.
Une multitude de figures endolories, gracieuses
, terribles, lucides, lointaines, rapprochées, se leva par 121masses, par myriades, par générations. L’Égypte, raide, mystérieuse, se dressa de ses sables, représentée par une momie qu’enveloppaient des bandelettes noires: les Pharaons, ensevelissant des générations pour construire une tombe; Moïse, les Hébreux, le désert! il entrevit tout un monde antique et solennel. Fraîche et suave, une statue de marbre, assise sur une colonne torse et rayonnant de blancheur, lui parla des mythes voluptueux de la Grèce et de l’Ionie. Eh, qui n’aurait souri, comme lui, de voir sur un fond brun la jeune fille rouge dansant dans la fine argile d’un vase étrusque devant le dieu Priape qu’elle saluait d’un air joyeux? Puis en regard une reine latine caressait sa Chimère avec amour: les ca122prices de la Rome impériale respiraient là, tout entiers, et révélaient le bain, la couche, la toilette d’une Julie indolente, songeuse, attendant son Tibulle. Armée du pouvoir des talismans arabes, la tête de Cicéron évoquait les souvenirs de la Rome libre et déroulait les pages de Tite-Live. Le jeune homme contempla Senatus Populus Que Romanus… Alors le consul, les licteurs, les toges bordées de pourpre, les luttes du Forum, le peuple courroucé défilaient lentement devant lui comme les vaporeuses figures d’un rêve. Enfin, la Rome chrétienne dominait ces images. Une peinture ouvrait les cieux. Il y voyait la vierge Marie plongée dans un nuage d’or, au sein des anges, éclipsant la gloire du soleil, écoutant les plaintes des mal123heureux auxquels cette suprême consolatrice souriait d’un air doux. Mais, en touchant une mosaïque faite avec les différentes laves du Vésuve et de l’Etna, son âme s’élançait dans la chaude et fauve Italie! Il assistait aux orgies de Borgia, courait dans les Abruzzes, aspirait aux amours italiennes, se passionnait pour les blancs visages aux longs yeux noirs. Il frémissait des dénouemens nocturnes interrompus par la froide épée d’un mari, en apercevant une dague du moyen âge dont la poignée était travaillée comme l’est une dentelle, et dont la rouille ressemblait à des taches de sang. L’Inde et ses religions revivaient dans un magot chinois coiffé de son chapeau pointu à losanges relevées, paré de clochettes et vêtu 124d’or et de soie. Près du magot, une natte, jolie comme la bayadère qui s’y était roulée, exhalait encore les odeurs du sandal. Un monstre du Japon, dont les yeux restaient tordus, la bouche contournée, les membres torturés, réveillait l’âme par les inventions d’un peuple qui, fatigué du beau, toujours unitaire, trouve d’ineffables plaisirs dans la fécondité des laideurs. Une salière sortie des ateliers de Benvenuto Cellini le reportait au sein de la cour de France, au temps où les arts et la licence fleurirent, où les souverains se divertissaient à des supplices, où les Conciles couchés dans les bras des courtisanes, décrétaient la chasteté pour les simples prêtres. Il vit les conquêtes d’Alexandre sur un camée; les massacres de Pizarre dans une arquebuse à mè125che; les guerres de religion échevelées, cruelles, bouillantes, au fond d’un casque. Puis, les riantes images de la chevalerie sourdirent d’une armure de Milan supérieurement damasquinée, bien fourbie, et sous la visière de laquelle brillaient encore les yeux d’un paladin.
Cet océan de meubles, d’inventions, de modes, d’œuvres, de ruines
lui composait un poëme sans fin. Formes, couleurs, pensées, tout revivait là; mais rien de complet ne s’offrait à l’ame. Le poëte devait achever les croquis du grand peintre qui avait fait cette immeuse palette, où les innombrables accidens de la vie humaine étaient jetés à profusion, avec dédain. Après s’être emparé du monde, après avoir contemplé 126des pays, des âges, des règnes, le jeune homme revint à des existences individuelles. Il se repersonnifia, s’empara des détails en repoussant la vie des nations comme trop accablante pour un seul homme.
, dormait un enfant en cire sauvé du cabinet de Ruysch, et cette ravissante créature lui rappelait toutes les joies de son jeune âge. Au prestigieux aspect du pagne virginal de quelque jeune fille d’Otahiti, sa brûlante imagination lui peignait la vie simple de la nature, la chaste nudité de la vraie pudeur, les délices de la paresse si naturelle à l’homme, toute une destinée calme au bord d’un ruisseau frais et rêveur, sous un bananier, qui, sans culture, dispensait une manne savoureuse.
127Mais tout
à coup il devenait corsaire, et revêtait la terrible poésie empreinte dans le rôle de Lara, vivement inspiré par les couleurs nacrées de mille coquillages, exalté par la vue de quelques madrépores qui sentaient le varech, les algues et les ouragans atlantiques. Admirant plus loin les délicates miniatures, les arabesques d’azur et d’or dont quelque précieux missel manuscrit était enrichi, il oubliait les tumultes de la mer; mollement balancé dans une pensée de paix, il épousait de nouveau l’étude et la science, souhaitait la grasse vie des moines, exempte de chagrins, exempte de plaisirs, et se couchait au fond d’une cellule en contemplant par sa fenêtre en ogive, les prairies, les bois, les vignobles de son monastère. Devant 128quelques Teniers, il endossait la casaque d’un soldat, la misère d’un ouvrier, désirait porter le bonnet sale et enfumé des Flamands, s’enivrait de bière, jouait aux cartes avec eux, et souriait à une grosse paysanne d’attrayant embonpoint. Il grelottait en voyant une tombée de neige de Mieris, ou se battait en regardant un combat de Salvator-Rosa. Il caressait un tomhawk d’Illinois, et sentait le scalpel d’un Chérokée qui lui enlevait la peau du crâne. Enfin, émerveillé à l’aspect d’un rebec, il le confiait à la main d’une châtelaine dont il écoutait la romance mélodieuse, en lui déclarant son amour, le soir, auprès d’une cheminée gothique, dans l’ombre où se perdait un regard de consentement. Il s’accrochait à toutes les joies, 129saisissait toutes les douleurs, s’emparait de toutes les formules d’existence, en éparpillant si généreusement sa vie et ses sentimens sur les simulacres de cette nature plastique et vide, que le bruit de ses pas retentissait dans son ame comme le son lointain d’un autre monde, comme la rumeur de Paris arrive sur les tours de Notre-Dame.
En montant l’escalier intérieur qui conduisait aux salles situées au premier étage, il vit des boucliers votifs, des panoplies, des tabernacles sculptés, des figures en bois
accrochées aux murs, posées sur chaque marche. Poursuivi par les formes les plus étranges, par des créations merveilleuses assises sur les confins de la mort et de la vie, il marchait 130dans les enchantemens d’un songe; et, doutant de son existence, il était, comme ces objets curieux, ni tout-à-fait mort, ni tout-à-fait vivant. Quand il entra dans les nouveaux magasins, le jour commençait à pâlir; mais la lumière semblait inutile aux richesses resplendissantes d’or et d’argent qui s’y trouvaient entassées. Les plus coûteux caprices de dissipateurs morts sous des mansardes après avoir possédé plusieurs millions, étaient dans ce vaste bazar des folies humaines. Une écritoire payée cent mille francs et rachetée pour cent sous, gisait auprès d’une serrure à secret dont le prix de fabrication aurait suffi jadis à la rançon d’un roi. Là, le génie humain apparaissait dans toutes les pompes de sa 131misère, dans toute la gloire de ses petitesses gigantesques. Une table d’ébène, véritable idole d’artiste, sculptée d’après les dessins de Jean Goujon, et qui coûta jadis plusieurs années de travail, avait été peut-être acquise au prix du bois à brûler. Des coffrets précieux, des meubles faits par la main des fées, y étaient dédaigneusement amoncelés.
Il y a des millions ici, s’écria le jeune homme en arrivant à la pièce qui terminait une immense enfilade d’appartemens dorés et sculptés par des artistes du siècle dernier.
– Dites des milliards,
reprit le gros garçon joufflu. Mais ce n’est rien encore; montez au troisième étage, et vous verrez!
L’inconnu suivit son conducteur 132et parvint à une quatrième galerie
, où successivement passèrent, devant ses yeux fatigués, plusieurs tableaux du Poussin; une sublime statue de Michel-Ange; quelques ravissans paysages de Claude Lorrain; un Gérard Dow, qui ressemblait à une page de Sterne; des Rembrandt, des Murillo, des Velasquez, sombres et colorés comme un poëme de lord Byron; des bas-reliefs antiques, des coupes d’agates, des onyx merveilleux. Enfin, c’étaient des travaux à dégoûter du travail, des chefs-d’œuvre accumulés à faire prendre en haine les arts et à tuer l’enthousiasme. Il arriva devant une vierge de Raphaël; mais il était las de Raphaël. Une figure de Corrège qui voulait un regard, ne l’obtint même pas. Un vase inestimable, 133en porphyre antique, et dont les sculptures circulaires représentaient, de toutes les priapées romaines, la plus grotesquement licencieuse, délices de quelque Corinne, eut à peine un sourire.
Il étouffait sous les débris de cinquante siècles évanouis; il était malade de toutes ces pensées humaines; assassiné par le luxe et les arts; oppressé sous ces formes renaissantes qui, pareilles à des monstres enfantés sous ses pieds par quelque malin génie, lui livraient un combat sans fin. Semblable, en ses caprices, à la chimie moderne qui résume la création par un gaz; l’âme ne compose-t-elle pas de terribles poisons par la rapide concentration de ses jouissances, de ses forces ou de ses idées; et, beau134coup d’hommes ne périssent-ils pas sous le foudroiement de quelque acide moral soudainement épandu sur leur être intérieur.
– Que contient cette boîte, demanda-t-il en arrivant à un grand cabinet, dernier monceau de gloire, d’efforts humains, d’originalités, de richesses
.
Et
il montra du doigt une grande caisse carrée, construite en acajou, suspendue à un clou par une chaîne d’argent.
– Ah! monsieur en a la clef, dit le gros garçon avec un air de mystère. Si vous désirez voir ce portrait, je me hasarderai volontiers à le prévenir

– Vous hasarder! reprit le jeune homme. Votre maître est-il un prince?
135– Mais, je ne sais pas, répondit le garçon.
Ils se regardèrent pendant un moment aussi étonnés l’un que l’autre. L’apprenti interpréta le silence de l’inconnu comme un souhait, et le laissa seul dans le cabinet.
Vous êtes-vous jamais lancé dans l’immensité de l’espace et du temps, en lisant les œuvres géologiques de Cuvier? Emporté par son génie, avez-vous plané sur l’abîme sans bornes du passé, comme soutenu par la main d’un enchanteur? En découvrant de tranche en tranche, de couche en couche, sous les carrières de Montmartre ou dans les schistes de l’Oural, ces animaux dont les dépouilles fossilisées appartiennent à des civilisations antédiluvien136nes, l’
âme est effrayée d’entrevoir des milliards d’années, des millions de peuples dont la faible mémoire humaine, dont l’indestructible tradition divine n’ont pas tenu compte, et dont la cendre, poussée à la surface de notre globe, y forme les deux pieds de terre qui nous donnent du pain et des fleurs. Cuvier n’est-il pas le plus grand poète de notre siècle? Lord Byron a bien reproduit, par des mots, quelques agitations morales; mais notre immortel naturaliste a reconstruit des mondes avec des os blanchis, a rebâti, comme Cadmus, des cités avec des dents, a repeuplé mille forêts de tous les mystères de la zoologie avec quelques fragmens de houille, a retrouvé des populations de géans dans le pied d’un mammouth. Ces figures 137se dressent, grandissent et meublent des régions en harmonie avec leurs statures colossales. Il est poète avec des chiffres, sublime en posant un zéro près d’un sept; il réveille le néant sans prononcer des paroles grandement magiques; il fouille une parcelle de gypse, y aperçoit une empreinte, et vous crie: – Voyez! Soudain les marbres s’animalisent, la mort se vivifie, le monde se déroule; et arrive enfin, après d’innombrables dynasties de créatures gigantesques, après des races de poissons et des familles de mollusques, le genre humain, produit dégénéré d’un type grandiose, brisé peut-être par le Créateur. Échauffés par son regard rétrospectif, ces hommes chétifs, nés d’hier, peuvent franchir le 138Chaos, entonner un hymne sans limites et se configurer le passé de l’univers dans une sorte d’Apocalypse rétrograde. Alors, en présence de cette épouvantable résurrection due à la voix d’un seul homme, la miette dont nous sommes usufruitiers dans cet infini sans nom, commun à toutes les sphères, et que nous avons nommé LE TEMPS, cette minute de vie nous fait pitié. Nous nous demandons, écrasés que nous sommes sous tant d’univers en ruines, à quoi bon nos gloires, nos haines, nos amours? Et si, pour devenir un point intangible dans l’avenir, la peine de vivre doit s’accepter? Déracinés du présent, nous sommes morts jusqu’à ce que notre valet de chambre entre et vienne nous dire: – Ma139dame la comtesse a répondu que, ce soir, elle attendrait Monsieur.
Les merveilles dont l’aspect venait de présenter au jeune homme toute la création connue, mirent dans son
âme l’abattement que produit chez le philosophe la vue scientifique des créations inconnues. Il souhaita plus vivement que jamais de mourir, et tomba sur une chaise curule, en laissant errer ses regards à travers les fantasmagories de ce panorama du passé. Alors, les tableaux s’illuminèrent, les têtes de vierge lui sourirent, et les statues se colorèrent d’une vie trompeuse. À la faveur de l’ombre, et mises en danse par la fiévreuse tourmente qui fermentait dans son cerveau brisé, toutes ces œuvres s’agitèrent et tourbillonnèrent devant lui. 140Chaque magot lui jeta sa grimace. Les yeux des personnages représentés dans les tableaux, remuèrent en pétillant. Chacune de ces formes frémit, sautilla, se détacha de sa place, gravement, légèrement, avec grâce ou brusquerie selon ses mœurs, son caractère et sa contexture. Ce fut un mystérieux sabbat digne des fantaisies entrevues par le docteur Faust sur le Brocken. Mais, ces phénomènes d’optique enfantés, soit par la fatigue ou par la tension des forces oculaires, soit par les caprices du crépuscule, ne pouvaient effrayer l’inconnu. Les terreurs de la vie étaient impuissantes sur une âme familiarisée avec les terreurs de la mort. Il favorisa même par une sorte de complicité railleuse, les bizarreries de ce galva141nisme moral, dont les prodiges s’accouplaient aux dernières pensées qui lui donnaient encore le sentiment de l’existence. Le silence régnait si profondément autour de lui, que bientôt il s’aventura dans une douce rêverie, dont les impressions, graduellement noires, suivirent, de nuance en nuance et comme par magie, les lentes dégradations de la lumière. Une lueur prête à quitter le ciel ayant fait reluire un dernier reflet rouge en luttant contre la nuit, il leva la tête, vit un squelette à peine éclairé qui le montra du doigt, et pencha dubitativement le crâne de droite à gauche, comme pour lui dire: – Les morts ne veulent pas encore de toi! En passant la main sur son front, pour chasser le sommeil, le jeune 142homme sentit distinctement un vent frais produit par je ne sais quoi de velu qui lui effleura les joues. Il frissonna. Mais, les vitres ayant retenti d’un claquement sourd, il pensa que cette froide caresse digne des mystères de la tombe lui avait été faite par quelque chauve-souris. Pendant un moment encore, les vagues reflets du couchant lui permirent d’apercevoir indistinctement les fantômes dont il était entouré. Puis, toute cette nature morte s’abolit dans une même teinte noire. La nuit, l’heure de mourir étaient subitement venues. Il s’écoula, dès ce moment, un certain laps de temps, pendant lequel il n’eut aucune perception claire des choses terrestres, soit qu’il se fût enseveli dans une rêverie plus profonde, 143soit qu’il eût cédé à la somnolence provoquée par ses fatigues et par la multitude des pensées qui lui déchiraient le cœur. Tout à coup il crut avoir été appelé par une voix terrible et tressaillit comme lorsqu’au milieu d’un brûlant cauchemar nous sommes précipités d’un seul bond dans les profondeurs d’un abîme. Il ferma les yeux, les rayons d’une vive lumière l’éblouissaient. Il vit briller au sein des ténèbres une sphère rougeâtre dont le centre était occupé par un petit vieillard qui se tenait debout et dirigeait sur lui la clarté d’une lampe. Il ne l’avait entendu ni venir, ni parler, ni se mouvoir. Cette apparition eut quelque chose de magique. L’homme le plus intrépide, surpris ainsi dans son sommeil, 144aurait sans doute tremblé devant ce personnage extraordinaire qui semblait être sorti d’un sarcophage voisin. La singulière jeunesse qui animait les yeux immobiles de cette espèce de fantôme empêchait l’inconnu de croire à des effets surnaturels. Néanmoins, pendant le rapide intervalle qui sépara sa vie somnambulique de sa vie réelle, il demeura dans le doute philosophique recommandé par Descartes, et fut alors, malgré lui, sous la puissance de ces inexplicables hallucinations dont notre fierté repousse les mystères ou que notre science impuissante tâche en vain d’analyser.
Figurez-vous un petit vieillard sec et maigre, vêtu d’une robe en velours noir, serrée autour de ses reins par 145un gros cordon de soie. Sur sa tête, une calotte en velours également noir laissait passer, de chaque côté de la figure, les longues mèches de ses cheveux blancs
, et s’appliquait sur le crâne de manière à rigidement encadrer le front. La robe ensevelissait le corps comme dans un vaste linceul, et ne permettait de voir d’autre forme humaine qu’un visage étroit et pâle. Sans le bras décharné, qui ressemblait à un bâton sur lequel on aurait posé une étoffe, et que le vieillard tenait en l’air pour faire porter sur le jeune homme toute la clarté de la lampe, ce visage aurait paru suspendu dans les airs. Une barbe grise et taillée en pointe cachait le menton de cet être bizarre, et lui donnait l’apparence de ces têtes 146judaïques qui servent de types aux artistes quand ils veulent représenter Moïse. Les lèvres de cet homme étaient si décolorées, si minces qu’il fallait une attention particulière pour deviner la ligne tracée par la bouche dans son blanc visage. Son large front ridé, ses joues blêmes et creuses, la rigueur implacable de ses petits yeux verts, dénués de cils et de sourcils, pouvaient faire croire à l’inconnu que le Peseur d’or de Gérard Dow était sorti de son cadre. Une finesse inquisitoriale, trahie par les sinuosités de ses rides, et par les plis circulaires dessinés sur ses tempes, accusait une science profonde des choses de la vie. Il était impossible de tromper cet homme qui semblait avoir le don de surprendre les pensées au fond 147des cœurs les plus discrets. Les mœurs de toutes les nations du globe et leurs sagesses se résumaient sur sa face froide, comme les productions du monde entier se trouvaient accumulées dans ses magasins poudreux. Vous y lisiez la tranquillité lucide d’un Dieu qui voit tout, ou la force orgueilleuse d’un homme qui a tout vu. Un peintre aurait, avec deux expressions différentes et en deux coups de pinceau, fait de cette figure, soit une belle image du père Éternel, soit le masque ricaneur de Méphistophélès, car il se trouvait tout ensemble une suprême puissance dans le front et de sinistres railleries sur la bouche. En broyant toutes les peines humaines sous un pouvoir immense, cet 148homme devait avoir tué les joies terrestres. L’on frémissait en pressentant que ce vieux génie habitait une sphère étrangère au monde et où il vivait seul; sans jouissances parce qu’il n’avait plus d’illusions; sans douleur, parce qu’il ne connaissait plus de plaisirs. Il se tenait debout, immobile, inébranlable comme une étoile au milieu d’un nuage de lumière. Ses yeux verts, pleins de je ne sais quelle malice calme, semblaient éclairer le monde moral comme sa lampe illuminait ce cabinet mystérieux.
Tel fut le spectacle étrange qui surprit le jeune homme au moment où il ouvrit les yeux, après avoir été bercé par des pensées de mort et de fantasques images. S’il demeura 149comme étourdi, s’il se laissa momentanément dominer par une croyance digne d’enfans qui écoutent les contes de leurs nourrices, il faut attribuer cette erreur au voile étendu sur sa vie et sur son entendement par ses méditations, à l’agacement de ses nerfs irrités, au drame violent dont les scènes venaient de lui prodiguer les atroces délices contenues dans un morceau d’opium. Cette vision avait lieu dans Paris, sur le quai Voltaire, au dix-neuvième siècle, temps et lieux où la magie devait être impossible. Voisin de la maison où le dieu de l’incrédulité française avait expiré, disciple de Gay-Lussac et d’Arago, contempteur des tours de gobelets que font les hommes du pouvoir, l’inconnu n’obéissait sans doute qu’aux fascinations poétiques dont il 150avait accepté les prestiges et auxquelles nous nous prêtons souvent comme pour fuir de désespérantes vérités, comme pour tenter la puissance de Dieu. Il trembla donc devant cette lumière et ce vieillard, agité par l’inexplicable pressentiment de quelque pouvoir étrange
. Mais cette émotion précordiale était semblable à celle que nous avons tous éprouvée devant Napoléon, ou en présence de quelque grand homme brillant de génie et revêtu de gloire.
– Monsieur désire voir le portrait de Jésus-Christ peint par Raphaël? lui dit courtoisement le vieillard d’une voix dont la sonorité claire et brève avait quelque chose de métallique.

Et il posa la lampe sur le fût d’une colonne brisée, de manière à ce que 151la boîte brune en reçût toute la clarté.
Aux noms religieux de Jésus-Christ et de Raphaël, il échappa au jeune homme un geste de curiosité, sans doute attendu par le
vieillard qui fit jouer un ressort. Soudain, le panneau d’acajou glissa dans une rainure, tomba sans bruit et livra la toile à l’admiration de l’inconnu. À l’aspect de cette immortelle création, il oublia les fantaisies du magasin, et les caprices de son sommeil; il redevint homme, reconnut dans le vieillard une créature de chair, bien vivante, nullement fantasmagorique, et revécut dans le monde réel.
La tendre sollicitude, la douce sérénité du divin visage influèrent aussitôt sur lui. Quelque parfum épanché 152des cieux dissipa les tortures infernales qui lui brûlaient la moelle des os. La tête du Sauveur des hommes paraissait sortir des ténèbres figurées par un fond noir. Une auréole de rayons étincelait vivement autour de sa chevelure d’où cette lumière voulait sortir. Sous le front, sous les chairs, il y avait une éloquente conviction qui s’échappait de chaque trait par de pénétrantes effluves. Les lèvres vermeilles venaient de faire entendre la parole de vie, et le spectateur en cherchait le retentissement sacré dans les airs, il en demandait les ravissantes paraboles au silence, il l’écoutait dans l’avenir, la retrouvait dans les enseignemens du passé. L’Évangile était traduit par la simplicité calme de ces adorables yeux où se 153réfugiaient les âmes troublées; enfin sa religion se lisait tout entière en un suave et magnifique sourire qui semblait exprimer ce précepte où elle se résume: – Aimez-vous les uns les autres! Cette peinture inspirait une prière, commandait le pardon, étouffait l’égoïsme, réveillait toutes les vertus endormies. Partageant le privilège des enchantemens de la musique, l’œuvre de Raphaël vous jetait sous le charme impérieux des souvenirs; et son triomphe était complet, car on oubliait le peintre. Le prestige de la lumière agissait encore sur cette merveille; et par momens, il semblait que la tête s’élevât dans le lointain, au sein de quelque nuage.
– J’ai couvert cette toile de pièces d’or, dit froidement le marchand.
– Eh bien! il va falloir mourir, 154s’écria le jeune homme qui sortait d’une rêverie dont la dernière pensée l’avait ramené vers sa fatale destinée, en le faisant descendre, par d’insensibles déductions, d’une dernière espérance à laquelle il s’était attaché.
– Ah! ah! j’avais donc raison de me méfier de toi, répondit le vieillard en saisissant les deux mains du jeune homme qu’il serra par les poignets dans l’une des siennes
comme dans un étau.
L’inconnu sourit tristement de cette méprise
, et dit d’une voix douce: – Hé, Monsieur, ne craignez rien! Il s’agit de ma vie et non de la vôtre. Pourquoi n’avouerai-je pas une innocente supercherie? reprit-il après avoir regardé le vieillard inquiet. En attendant la nuit afin de pouvoir me 155noyer sans esclandre, je suis venu voir vos richesses. Qui ne pardonnerait ce dernier plaisir à un homme de science et de poésie?
Le soupçonneux
vieillard examina d’un œil sagace le morne visage de son faux chaland tout en l’écoutant parler. Rassuré bientôt par l’accent de cette voix douloureuse, ou lisant peut-être dans ces traits décolorés, les sinistres destinées dont avaient naguère frémi les joueurs, il lâcha les mains qu’il tenait si vigoureusement. Mais, par un reste de suspicion qui révélait une expérience au moins centenaire, il étendit nonchalamment le bras vers un buffet comme pour s’appuyer, et dit en y prenant un stylet: – Êtes-vous depuis trois ans 156surnuméraire au trésor, sans y avoir touché de gratification?
L’inconnu ne put s’empêcher de sourire en faisant un geste négatif.
– Votre père vous a-t-il trop vivement reproché d’être venu au monde
? ou bien êtes-vous déshonoré?
– Si je voulais me déshonorer, je vivrais.
– Avez-vous été sifflé aux Funambules
? ou vous trouvez-vous obligé de composer des flons flons pour payer le convoi de votre maîtresse? N’auriez-vous pas plutôt la maladie de l’or, voulez-vous détrôner l’ennui? Enfin quelle erreur vous engage à mourir?
– Ne cherchez pas le principe de ma mort dans les raisons vulgaires qui commandent la plupart des sui157cides. Pour me dispenser de vous dévoiler des souffrances inouïes et qu’il est difficile d’exprimer en langage humain, je vous dirai que je suis dans la plus profonde, la plus ignoble, la plus perçante de toutes les misères.
Et, ajouta-t-il d’un ton de voix dont la fierté sauvage démentait ses paroles précédentes, je ne veux mendier ni secours ni consolations.
– Eh! eh! Ces deux syllabes que d’abord le vieillard fit entendre pour toute réponse
, ressemblèrent au cri d’une crecelle. Puis il reprit ainsi: – Sans vous forcer à m’implorer, sans vous faire rougir, et sans vous donner un centime de France, un parat du Levant, un tarain de Sicile, un heller d’Allemagne, une seule des sersterces ou des oboles de l’ancien monde ni 158une piastre du nouveau; sans vous offrir quoi que ce soit, en or, argent, billon, papier, billet, je veux vous faire plus riche, plus puissant et plus considéré que ne peut l’être un roi constitutionnel… Eh! eh!…
Le jeune homme crut le vieillard en enfance, et resta comme engourdi, sans oser répondre.
– Retournez-vous, dit le marchand en saisissant tout
à coup la lampe pour en diriger la lumière sur le mur qui faisait face au portrait, et regardez cette Peau de Chagrin, ajouta-t-il.
Le jeune homme se leva brusquement et témoigna quelque surprise en apercevant au-dessus du
siège où il s’était assis, un morceau de chagrin, accroché sur le mur et dont la dimen159sion n’excédait pas celle d’une peau de renard; mais, par un phénomène, inexplicable au premier abord, cette peau projetait, au sein de la profonde obscurité qui régnait dans le magasin, des rayons si lumineux que vous eussiez dit d’une petite comète. Le jeune incrédule s’approcha de ce prétendu talisman qui devait le préserver du malheur, et s’en moqua par une phrase mentale; mais cependant, animé d’une curiosité bien légitime, il se pencha pour le regarder alternativement sous toutes les faces, et découvrit bientôt une cause naturelle à cette singulière lucidité. Les grains noirs du chagrin étaient si soigneusement polis et si bien brunis, les rayures capricieuses en étaient si propres et si nettes que, pareilles à 160des facettes de grenat, les aspérités de ce cuir oriental formaient autant de petits foyers qui réfléchissaient vivement la lumière. Il démontra mathématiquement la raison de ce phénomène au vieillard qui, pour toute réponse, sourit avec malice. Ce sourire de supériorité fit croire au jeune savant qu’il était dupe en ce moment de quelque charlatanisme; il ne voulut pas emporter une énigme de plus dans la tombe, et retourna promptement la peau comme un enfant pressé de connaître les secrets de son jouet nouveau.
– Ah! ah! s’écria-t-il, voici l’empreinte du sceau que les Orientaux nomment le cachet de Salomon.
– Vous le connaissez donc
? demanda le marchand dont les na161rines laissèrent passer deux ou trois bouffées d’air qui peignirent plus d’idées que ne pouvaient en exprimer les plus énergiques paroles.
Y a-t-il au monde un homme assez simple pour croire à cette chimère! s’écria le jeune homme piqué d’entendre ce rire muet et plein d’amères dérisions. Ne savez-vous pas, ajouta-t-il, que les superstitions de l’Orient ont consacré la forme mystique et les caractères mensongers de cet emblème qui représente une puissance fabuleuse. Je ne crois pas devoir être plus taxé de niaiserie dans cette circonstance, que si je parlais des Sphinx ou des Griffons, dont l’existence est en quelque sorte scientifique.
– Puisque vous êtes un orientaliste, 162reprit le vieillard, peut-être lirez-vous cette sentence.
Il apporta la lampe près du talisman que le jeune homme tenait à l’envers, et lui fit apercevoir des caractères incrustés dans le tissu cellulaire de cette peau merveilleuse, comme s’ils eussent été produits par l’animal auquel elle avait jadis appartenu.
– J’avoue, s’écria l’inconnu, que je ne devine guère le procédé dont on se sera servi pour graver si profondément ces lettres sur la peau d’un onagre.
Et, se retournant avec vivacité vers les tables chargées de curiosités, ses yeux parurent y chercher quelque chose.
163– Que voulez-vous
, demanda le vieillard.
– Un instrument pour trancher le chagrin
afin de voir si les lettres y sont empreintes ou incrustées.
Le vieillard présenta son stylet à l’inconnu, qui le prit et tenta d’entamer la peau à l’endroit où les paroles se trouvaient écrites; mais quand il eut enlevé une légère couche
du cuir, les lettres y reparurent si nettes et tellement conformes à celles qui étaient imprimées sur la surface, que, pendant un moment, il crut n’en avoir rien ôté.
– L’industrie du Levant a des secrets qui lui sont réellement particuliers, dit-il en regardant la sentence orientale avec une sorte d’inquiétude.
164– Oui, répondit le vieillard, il vaut mieux s’en prendre aux hommes qu’à Dieu!
Les paroles mystérieuses étaient disposées de la manière suivante.


SI TU ME POSSÈDES, TU POSSÉDERAS TOUT.
MAIS TA VIE M’APPARTIENDRA. DIEU L’A
VOULU AINSI
. DÉSIRE, ET TES DÉSIRS
SERONT ACCOMPLIS. MAIS RÈGLE
TES SOUHAITS SUR TA VIE.
ELLE EST LA. À CHAQUE
VOULOIR JE DÉCROITRAI
COMME TES JOURS.
ME VEUX-TU?
PRENDS. DIEU
T’EXAUCERA.
SOIT!

– Ah, vous lisez couramment le sanscrit, dit le vieillard. Peut-être 165avez-vous voyagé en Perse ou dans le Bengale?
– Non, Monsieur, répondit le jeune homme en tâtant avec curiosité cette peau symbolique, assez semblable à une feuille de métal par son peu de flexibilité.
Le vieux marchand remit la lampe sur la colonne où il l’avait prise, en lançant au jeune homme un regard empreint d’une froide ironie qui semblait dire:
Il ne pense déjà plus à mourir.
– Est-ce une plaisanterie, est-ce un mystère
, demanda le jeune inconnu.
Le vieillard hocha
la tête et dit gravement: – Je ne saurais vous répondre. J’ai offert le terrible pouvoir dont ce talisman est investi, à des 166hommes doués de plus d’énergie que vous ne paraissez en avoir; mais tout en se moquant de la problématique influence qu’il devait exercer sur leurs destinées futures, aucun n’a voulu se risquer à conclure ce contrat si fatalement proposé par je ne sais quelle puissance. Je pense comme eux. Comme eux, j’ai douté, me suis abstenu, et…
– Et vous n’avez pas même essayé
dit le jeune homme en l’interrompant.
– Essayer
! reprit le vieillard. Si vous étiez sur la colonne de la place Vendôme, essaieriez-vous de vous jeter dans les airs? Peut-on arrêter le cours de la vie? L’homme a-t-il jamais pu scinder la mort? Avant d’entrer dans ce cabinet, vous aviez résolu de vous 167suicider. Mais, tout à coup, un secret vous occupe, et vous distrait de mourir. Enfant! Chacun de vos jours ne vous offrira-t-il pas une énigme plus intéressante que ne l’est celle-ci. Écoutez-moi. J’ai vu la cour licencieuse du régent. Comme vous, j’étais alors dans la misère. J’ai mendié mon pain. Néanmoins, j’ai atteint l’âge de cent deux ans, et suis devenu millionnaire. Le malheur m’a donné la fortune, l’ignorance m’a instruit. Je vais vous révéler en peu de mots un grand mystère de la vie humaine. L’homme s’épuise par deux actes instinctivement accomplis qui tarissent les sources de son existence. Deux verbes expriment toutes les formes que prennent ces deux causes de mort: VOULOIR et POUVOIR. Entre ces 168deux termes de l’action humaine, il est une autre formule dont s’emparent les sages, et c’est à elle que je dois le bonheur et ma longévité. Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit? mais SAVOIR! laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme. Ainsi, le désir ou le vouloir est mort en moi, tué par la pensée; et le mouvement ou le pouvoir s’est résolu par le jeu naturel de mes organes. En deux mots, j’ai placé ma vie, non dans le cœur qui se brise, non dans les sens qui s’émoussent, mais dans le cerveau qui ne s’use pas et survit à tout. Rien d’excessif n’a froissé ni mon ame ni mon corps. Cependant, j’ai vu le monde entier. Mes pieds ont foulé les plus hautes montagnes de l’Asie et de l’Amérique. 169J’ai appris tous les langages humains, j’ai vécu sous tous les régimes. J’ai prêté mon argent à un Chinois en prenant pour gage le corps de son père; j’ai dormi sous la tente de l’Arabe sur la foi de sa parole; j’ai signé des contrats dans toutes les capitales européennes, et j’ai laissé sans crainte, mon or, dans le wigham des sauvages. J’ai tout obtenu parce que j’ai tout su dédaigner. Ma seule ambition a été de voir. Voir, n’est-ce pas savoir! Oh! savoir, jeune homme, n’est-ce pas jouir intuitivement? N’est-ce pas découvrir la substance même du fait et s’en emparer essentiellement? Que reste-t-il d’une possession matérielle? Une idée. Jugez alors combien doit être belle la vie d’un homme qui, pouvant empreindre toutes les réa170lités dans sa pensée, transporte en son ame les sources du bonheur, en extrait mille voluptés idéales dépouillées des souillures terrestres. La pensée est la clef de tous les trésors. Elle procure les joies de l’avare sans en donner les soucis. J’ai plané sur le monde, où mes plaisirs ont toujours été des jouissances intellectuelles. Mes débauches étaient la contemplation des mers, des peuples, des forêts, des montagnes! J’ai tout vu; mais tranquillement, sans fatigue. Je n’ai jamais rien désiré, j’ai tout attendu. Je me suis promené dans l’univers comme dans le jardin d’une habitation qui m’appartenait. Ce que les hommes appellent chagrins, amours, ambition, revers, tristesse, sont pour moi des idées que je 171change en rêveries. Au lieu de les sentir, je les exprime, je les traduis; et, au lieu de leur laisser dévorer ma vie, je les dramatise, je les développe, je m’en amuse comme de romans que je lirais par une vision intérieure. N’ayant jamais lassé mes organes, je jouis encore d’une santé robuste; et mon ame, ayant hérité de toute la force dont je n’abusais pas, cette tête est encore mieux meublée que ne le sont mes magasins. Là, dit-il en se frappant le front, là sont les vrais millions. Je passe des journées délicieuses en jetant un regard intelligent dans le passé. J’évoque des pays entiers, des sites, des vues de l’Océan, des figures historiquement belles! J’ai un sérail imaginaire où je possède toutes les femmes que 172je n’ai pas eues. Je revois souvent vos guerres, vos révolutions; et je les juge. Oh! comment préférer de fébriles, de légères admirations pour quelques chairs plus ou moins colorées, pour des formes plus ou moins rondes; comment préférer tous les désastres de vos volontés trompées, à la faculté sublime de faire comparaître en soi l’univers, au plaisir immense de se mouvoir sans être garotté par les liens du temps ou de l’espace, au plaisir de tout embrasser, de tout voir, de se pencher sur le bord du monde pour interroger les autres sphères, pour écouter Dieu! Ceci, dit-il d’une voix éclatante en montrant la peau de chagrin, est le pouvoir et le vouloir réunis, ce sont vos désirs excessifs, vos intempérances, vos joies qui tuent, 173vos douleurs qui font trop vivre! Le mal n’est peut-être qu’un violent plaisir. Qui pourrait déterminer le point où la volupté devient un mal et celui où le mal est encore la volupté? Les plus vives lumières du monde idéal ne caressent-elles pas la vue; tandis que les plus douces ténèbres du monde physique la blessent toujours. Le mot de Sagesse ne vient-il pas de savoir? Et qu’est-ce que la folie, sinon l’excès d’un vouloir ou d’un pouvoir?
– Eh bien, oui! je veux
savoir, dit l’inconnu en saisissant la peau de chagrin.
– Jeune homme
prenez garde! s’écria le vieillard avec une incroyable vivacité.
– J’avais résolu ma vie par l’étude et par la pensée, mais elles ne m’ont 174même pas nourri, répliqua l’inconnu. Je ne veux être la dupe ni d’une prédication digne de Swedenborg, ni de votre amulette orientale, ni des charitables efforts que vous faites,
Monsieur, pour me retenir dans un monde où mon existence est désormais impossible. Voyons? ajouta-t-il en serrant le talisman d’une main convulsive et regardant le vieillard. Je veux un dîner royalement splendide, quelque bacchanale digne du siècle où tout s’est, dit-on, perfectionné! Que mes convives soient jeunes, spirituels et sans préjugés, joyeux jusqu’à la folie! Que les vins se succèdent toujours plus incisifs, plus pétillans et soient de force à nous enivrer pour trois jours. Que la nuit soit parée de femmes ardentes! Enfin, je veux que la 175Débauche en délire et rugissante nous emporte dans son char à quatre chevaux, par delà les bornes du monde pour nous verser sur des plages inconnues. Que les ames montent dans les cieux ou se plongent dans la boue, je ne sais si, alors, elles s’élèvent ou s’abaissent; peu m’importe! Mais je commande à ce pouvoir sinistre de me fondre toutes les joies dans une joie. Oui, j’ai besoin d’embrasser les plaisirs du ciel et de la terre dans une dernière étreinte pour en mourir. Aussi souhaité-je et des priapées antiques après boire, et des chants à réveiller les morts, et de triples baisers, des baisers sans fin dont le bruit passe sur Paris comme un craquement d’incendie, y réveille les époux et leur inspire une ardeur 176cuisante qui rajeunisse même les septuagénaires!
Un éclat de rire parti de la bouche du petit vieillard, retentit dans les oreilles du jeune fou comme un bruissement de l’enfer, et l’interdit si despotiquement qu’il se tut.
– Croyez-vous, dit le marchand, que mes planchers vont s’ouvrir tout
à coup pour donner passage à des tables somptueusement servies, à des convives de l’autre monde? Non, non, jeune étourdi. Vous avez signé le pacte. Tout est dit. Maintenant vos volontés seront scrupuleusement satisfaites, mais aux dépens de votre vie. Le cercle de vos jours, figuré par cette peau, se resserrera suivant la force et le nombre de vos souhaits, depuis le plus léger jusqu’au plus ex177horbitant. Le brachmane auquel je dois ce talisman m’a jadis expliqué qu’il s’opérerait un mystérieux accord entre les destinées et les souhaits du possesseur. Votre premier désir est vulgaire, je pourrais le réaliser; mais j’en laisse le soin aux événemens de votre nouvelle existence. Après tout, vous vouliez mourir; hé bien! votre suicide n’est que retardé.
L’inconnu, surpris et presque irrité de se voir toujours plaisanté par ce singulier vieillard dont l’intention demi-philantropique lui parut clairement démontrée dans cette dernière raillerie, s’écria: – Je verrai bien,
Monsieur, si ma fortune changera pendant le temps que je vais mettre à franchir la largeur du quai. Mais si vous ne vous moquez pas d’un mal178heureux, je désire, pour me venger d’un si fatal service, que vous tombiez amoureux d’une danseuse! Alors, vous comprendrez le bonheur d’une débauche, et peut-être deviendrez-vous prodigue de tous les biens que vous avez si philosophiquement ménagés.
À ces mots, il sortit sans entendre un grand soupir que poussa le vieillard, traversa les salles, et descendit les escaliers de cette maison, suivi par le gros garçon joufflu qui voulut vainement l’éclairer; il courait avec la prestesse d’un voleur pris en flagrant délit. Aveuglé par une sorte de délire, il ne s’aperçut même pas de l’incroyable ductilité de la peau de chagrin, qui, devenue souple comme un gant, se roula sous ses doigts fré179nétiques, et put entrer dans la poche de son habit où il la mit presque machinalement. En s’élançant de la porte du magasin sur la chaussée, il heurta trois jeunes gens qui se tenaient bras dessus bras dessous.
– Animal!
– Imbécile!
Telles furent les gracieuses interpellations qu’ils échangèrent.
– Eh! c’est Raphaël.
– Ah bien! nous te cherchions.
– Quoi! c’est vous.
Ces trois phrases amicales succédèrent à l’injure, aussitôt que la clarté d’un réverbère balancé par le vent frappa les visages de ce groupe étonné.
– Mon cher ami, dit à Raphaël le jeune homme qu’il avait failli ren180verser, tu vas venir avec nous.
– De quoi s’agit-il donc?
– Avance toujours, je te conterai l’affaire en marchant.
Et de force ou de bonne volonté, Raphaël fut entouré de ses amis qui, l’ayant enchaîné par les bras dans leur joyeuse bande, l’entraînèrent vers le Pont-des-Arts.
– Mon cher, dit l’orateur en continuant, nous sommes à ta poursuite depuis une semaine environ. À ton respectable hôtel Saint-Quentin, dont
nous avons, par parenthèse, admiré l’enseigne inamovible en lettres toujours alternativement noires et rouges comme au temps de J.-J. Rousseau, ta Léonarde nous a dit que tu étais parti pour la campagne au mois de juin. Cependant, nous n’avions 181certes pas l’air des gens à argent, huissiers, créanciers, gardes du commerce, etc. N’importe! Rastignac t’avait aperçu la veille aux Bouffons, nous avons repris courage, et mis de l’amour-propre à découvrir si tu te perchais sur les arbres des Champs-Élysées, si tu allais coucher pour deux sous dans ces maisons philantropiques où les mendians dorment appuyés sur des cordes tendues, ou si, enfin, plus heureux, ton bivouac n’était pas établi dans quelque boudoir. Nous ne t’avons rencontré nulle part, ni sur les écrous de Sainte-Pélagie, ni sur ceux de la Force! Les ministères, l’Opéra, les maisons conventuelles, cafés, bibliothèques, listes de préfets, bureaux de journalistes, restaurans, foyers de théâtre, bref, tout 182ce qu’il y a dans Paris de bons et de mauvais lieux ayant été savamment explorés, nous gémissions sur la perte d’un homme doué d’assez de génie pour se faire également chercher à la cour et dans les prisons. Nous parlions de te canoniser comme un héros de juillet! et, ma parole d’honneur, nous te regrettions
En ce moment, Raphaël passait avec ses amis sur le Pont-des-Arts
, où, sans les écouter, il regardait la Seine dont les eaux mugissantes répétaient les lumières de Paris. Au-dessus de ce fleuve dans lequel il voulait se précipiter naguère, les prédictions du vieillard étaient accomplies, car l’heure de sa mort se trouvait déjà fatalement retardée.
– Et, nous te regrettions vrai183ment! dit son ami poursuivant toujours
. Il s’agit d’une combinaison dans laquelle nous te comprenions en ta qualité d’homme supérieur, c’est-à-dire d’homme qui sait se mettre au-dessus de tout. L’escamotage de la muscade constitutionnelle sous le gobelet royal se fait aujourd’hui, mon cher, plus gravement que jamais. L’infâme Monarchie renversée par l’héroïsme populaire était une femme de mauvaise vie avec laquelle on pouvait rire et banqueter; mais la Patrie est une épouse acariâtre et vertueuse, dont il nous faut accepter, bon gré, mal gré, les caresses compassées. Or donc, le pouvoir s’est transporté, comme tu sais, des Tuileries chez les journalistes, de même que le budget a changé de quartier, 184en passant du faubourg Saint-Germain à la Chaussée-d’Antin. Mais, voici ce que tu ne sais peut-être pas! Le gouvernement, c’est-à-dire l’aristocratie de banquiers et d’avocats, qui font aujourd’hui de la patrie comme les prêtres faisaient jadis de la monarchie, a senti la nécessité de mystifier le bon peuple de France avec des mots nouveaux et de vieilles idées, à l’instar des philosophes de toutes les écoles et des hommes forts de tous les tems. Il s’agit donc de nous inculquer une opinion royalement nationale, en nous prouvant qu’il est bien plus heureux de payer douze cents millions trente-trois centimes à la patrie représentée par messieurs tels et tels, que onze cents millions neuf centimes à un roi qui disait moi au lieu de 185dire nous. En un mot, un journal armé de deux ou trois cents bons mille francs vient d’être fondé dans le but de faire une opposition qui contente les mécontens, sans nuire au gouvernement national du roi-citoyen. Or, comme nous nous moquons de la liberté autant que du despotisme, de la religion aussi bien que de l’incrédulité; que, pour nous, la patrie est une capitale où toutes les idées s’échangent, où tous les jours amènent de succulens dîners, de nombreux spectacles, où fourmillent de licencieuses prostituées, des soupers qui ne finissent que le lendemain, des amours qui vont à l’heure comme les citadines; et que Paris sera toujours la plus adorable de toutes les patries! la patrie de la joie, de la liberté, de l’es186prit, des jolies femmes, des mauvais sujets, du bon vin, et où le bâton du pouvoir ne se fera jamais trop sentir, puisque l’on est près de ceux qui le tiennent,
Nous, véritables sectateurs du dieu Méphistophélès
,
Avons entrepris de badigeonner l’esprit public, de rhabiller les acteurs, de clouer de nouvelles planches à la baraque gouvernementale, de médicamenter les doctrinaires, de recuire les vieux républicains, de réchampir les bonapartistes et de ravitailler les centres, pourvu qu’il nous soit permis de rire
, in petto, des rois et des peuples, de ne pas être toujours de notre opinion, et de passer une joyeuse vie à la Panurge ou more orientali, cou187chés sur de moelleux coussins. Nous te destinions les rênes de cet empire macaronique et burlesque, ainsi nous t’emmenons de ce pas au dîner donné par les fondateurs dudit journal. Tu y seras accueilli comme un frère, et nous t’y saluerons roi de ces esprits frondeurs que rien n’épouvante et dont la perspicacité découvre les intentions de l’Autriche, de l’Angleterre ou de la Russie, avant que la Russie, l’Angleterre ou l’Autriche n’aient des intentions! Oui, nous t’instituerons le souverain de ces puissances intelligentes qui fournissent au monde les Mirabeau, les Talleyrand, les Pitt, les Metternich, enfin tous ces hardis Crispins qui jouent entre eux les destinées d’un empire comme les hommes vulgaires 188jouent leur kirchen-waser aux dominos. Nous t’avons donné pour le plus intrépide compagnon qui jamais ait étreint corps à corps la Débauche, ce monstre admirable avec lequel veulent lutter tous les esprits forts! Nous avons même affirmé qu’il ne t’a pas encore vaincu. J’espère que tu ne feras pas mentir nos éloges. L’amphitryon nous a promis de surpasser les étroites saturnales de nos petits Lucullus modernes. Il est assez riche pour mettre de la grandeur dans les petitesses, de l’élégance et de la grâce dans le vice. Entends-tu, Raphaël, lui demanda l’orateur en s’interrompant.
– Oui, répondit le jeune homme moins étonné de l’accomplissement de ses souhaits que surpris de la 189manière
simple et naturelle dont les événemens s’enchaînaient. Quoiqu’il lui fût impossible de croire à une influence magique, il admirait les hasards de la destinée humaine.
– Mais tu nous dis oui, comme si tu pensais à la mort de ton grand-père
lui répliqua l’un de ses voisins.
– Ah! reprit Raphaël avec un accent de naïveté qui fit rire ces écrivains, l’espoir de la jeune France, je pensais, mes amis, que nous voilà près de devenir de bien grands coquins! Jusqu’à présent nous avons fait de l’impiété entre deux vins
; nous avons pesé la vie étant ivres; nous avons prisé les hommes et les choses en digérant; vierges du fait, nous étions hardis en paroles; mais marqués maintenant par le fer chaud de 190la politique, nous allons entrer dans le grand bagne, et y perdre nos illusions. Or, quand on ne croit plus qu’au diable, il est permis de regretter le paradis de la jeunesse, le temps d’innocence où nous tendions dévotieusement la langue à un bon prêtre, pour recevoir le sacré corps de notre Seigneur Jésus-Christ. Ah! mes bons amis, si nous avons eu tant de plaisir à commettre nos premiers péchés, c’est que nous avions des remords pour les embellir et leur donner du piquant, de la saveur; tandis que maintenant…
– Oh! maintenant, reprit le premier interlocuteur, il nous reste…

– Quoi, dit un autre.
– Le crime…

– Ah! c’est
un mot cela! Mais il a 191toute la hauteur d’une potence et toute la profondeur de la Seine, répliqua Raphaël.
– Oh! tu ne m’entends pas. Je parle des crimes politiques.
Je n’envie, depuis ce matin, qu’une existence, celle des conspirateurs. Demain, je ne sais si ma fantaisie durera toujours, mais ce soir, la vie pâle de notre civilisation, unie comme la rainure d’un chemin de fer, fait bondir mon cœur de dégoût! Je suis épris de passion pour les malheurs de la déroute de Moscou, pour les émotions du Corsaire rouge et l’existence des contrebandiers. Puisqu’il n’y a plus de Chartreux en France, je voudrais au moins un Botany-bay, une espèce d’infirmerie destinée aux petits lord Byron, qui, après avoir chiffonné la vie 192comme une serviette après dîner, n’ont plus rien à faire qu’à incendier leur pays, se brûler la cervelle, conspirer pour la république ou demander la guerre…
– Émile, dit avec feu le voisin de Raphaël à l’interlocuteur, foi d’homme, sans la révolution de juillet, je me faisais prêtre pour aller mener une vie animale au fond de quelque campagne, et…
– Et tu aurais lu le bréviaire tous les jours?
– Oui.
– Tu es un fat.
– Nous lisons bien les journaux.
– Pas mal, pour un journaliste! Mais, tais-toi, nous marchons au milieu d’une masse d’abonnés. Le journalisme, vois-tu? c’est la religion des 193sociétés modernes, et il y a progrès
; car nous autres pontifes ne sommes pas tenus de croire, ni le peuple non plus.
En devisant ainsi, comme de braves gens qui savaient le De Viris illustribus
, depuis longues années, ils arrivèrent à un hôtel de la rue Joubert.
Émile était un auteur qui avait conquis plus de gloire dans ses chutes que les autres n’en recueillent de leurs succès. Hardi dans ses compositions, plein de verve et de mordant, il possédait toutes les qualités que comportaient ses défauts. Franc
, rieur, il disait en face mille épigrammes à un ami, qu’absent, il défendait avec courage et loyauté. Il se moquait de tout, même de son avenir; et, toujours dépourvu d’argent, il restait comme 194tous les hommes de quelque portée, plongé dans une inexprimable paresse, jetant un livre dans un mot au nez de gens qui ne savaient pas mettre un mot dans leurs livres. Prodigue de promesses qu’il ne réalisait jamais, il s’était fait de sa fortune et de sa gloire un coussin pour dormir, courant ainsi la chance de se réveiller vieux, à l’hôpital. Du reste, ami jusqu’à l’échafaud, fanfaron de cynisme et simple comme un enfant, il ne travaillait que par boutade ou par nécessité.
– Nous allons faire, suivant l’expression de maître Alcofribas, un fameux tronçon de chiere lie, dit-il à Raphaël en lui montrant les caisses de fleurs qui embaumaient et verdissaient les escaliers.
195– J’aime
beaucoup les porches bien chauffés et garnis de riches tapis, répondit Raphaël. Le luxe dès le péristyle est rare en France. Ici, je me sens renaître.
– Et là-haut nous allons boire et rire encore une fois, mon pauvre Raphaël.

– Ah çà
! reprit-il, j’espère que nous serons les vainqueurs et que nous marcherons sur toutes ces têtes-là.
Puis, d’un geste moqueur, il lui montra les convives, en entrant dans un salon qui resplendissait de dorures et de lumières.
Ils
furent aussitôt accueillis par les jeunes gens les plus remarquables de Paris. L’un venait de révéler un talent neuf, et de rivaliser, par son 196premier tableau, avec les gloires de la peinture impériale. L’autre avait hasardé, la veille, un livre plein de verdeur, empreint d’une sorte de dédain littéraire et qui découvrait à l’école moderne de nouvelles routes. Plus loin, un statuaire dont la figure pleine de rudesse accusait quelque vigoureux génie, causait avec un de ces froids railleurs qui, selon l’occurrence, tantôt, ne veulent voir de supériorités nulle part, et tantôt en reconnaissent partout. Ici, le plus spirituel de nos caricaturistes à l’œil malin, à la bouche mordante, guettait les épigrammes pour les traduire à coups de crayon. Là, ce jeune et audacieux écrivain, qui, mieux que personne, distillait la quintessence des pensées politiques, ou, dans un ar197ticle, condensait en se jouant l’esprit d’un écrivain fécond, s’entretenait avec ce poète dont les écrits écraseraient toutes les œuvres du temps présent, si son talent avait la puissance de sa haine. Tous deux essayaient de ne pas dire la vérité, et de ne pas mentir, en s’adressant de douces flatteries. Un musicien célèbre consolait en si bémol et d’une voix moqueuse un jeune homme politique récemment tombé de la tribune sans se faire aucun mal. De jeunes auteurs sans style étaient auprès de jeunes auteurs sans idées; des prosateurs pleins de poésie, près de poètes prosaïques. Voyant ces êtres incomplets, un pauvre saint-simonien, assez naïf pour croire à sa doctrine, les accouplait avec charité, voulant sans doute 198les transformer en religieux de son ordre. Enfin, il y avait deux ou trois de ces savans, destinés à mettre de l’azote dans la conversation, et plusieurs vaudevillistes prêts à y jeter de ces lueurs éphémères, qui, semblables aux étincelles du diamant, ne donnent ni chaleur ni lumière. Quelques hommes à paradoxes, riant sous cape des gens qui épousaient leurs admirations ou leurs mépris pour les hommes et les choses, faisaient déjà de cette politique à double tranchant, avec laquelle ils conspirent contre tous les systèmes, sans prendre parti pour aucun. Le jugeur, qui ne s’étonne de rien, qui se mouche au milieu d’une cavatine aux Bouffons, y crie brava! avant tout le monde, et contredit ceux qui préviennent son avis, était 199là, cherchant à s’attribuer les mots des gens d’esprit. Parmi ces convives, cinq avaient de l’avenir; une dixaine devait obtenir quelque gloire viagère; quant aux autres, ils pouvaient, comme toutes les médiocrités, se dire le fameux mot de Louis XVIII: Union et Oubli. L’Amphitryon avait la gaieté soucieuse d’un homme qui dépense deux mille écus. De temps en temps ses yeux se dirigeaient avec impatience vers la porte du salon, en appelant celui des convives qui se faisait attendre. Bientôt apparut un gros petit homme, qui fut accueilli par une flatteuse rumeur. C’était le notaire qui, le matin même, avait achevé de créer le journal.
Un valet
de chambre vêtu de noir 200vint ouvrir les portes d’une vaste salle à manger où chacun alla, sans cérémonie, reconnaître sa place autour d’une table immense. Avant de quitter les salons, Raphaël y jeta un dernier coup d’œil. Son souhait était, certes, bien complètement réalisé. La soie et l’or tapissaient les appartemens. De riches candélabres supportant d’innombrables bougies faisaient briller les moindres frises dorées, les ciselures délicates des bronzes, et les somptueuses couleurs de l’ameublement. Les fleurs rares de quelques jardinières artistement construites avec des bambous, répandaient de doux parfums; les draperies respiraient une élégance sans prétention; et il y avait en tout je ne sais quelle 201grâce poétique, dont le prestige devait agir sur l’imagination d’un homme sans argent.
– Cent mille livres de rente sont un bien joli commentaire du catéchisme
, et nous aident merveilleusement à mettre la morale en action! dit-il en soupirant. Oh! oui, ma vertu ne va guère à pied. Pour moi le vice, c’est une mansarde, un habit rapé, un chapeau gris en hiver et des dettes chez le portier. Ah! je veux vivre au sein de ce luxe un an, six mois, n’importe! et puis après, mourir. J’aurai du moins épuisé, connu, dévoré mille existences.
– Oh!
oh, lui dit Émile qui l’écoutait, tu prends le coupé d’un agent de change pour le bonheur. Va, tu serais bientôt ennuyé de la fortune 202en t’apercevant qu’elle te ravirait la chance d’être un homme supérieur. Entre les pauvretés de la richesse et les richesses de la pauvreté, l’artiste a-t-il jamais balancé? Ne nous faut-il pas toujours des luttes, à nous autres. Aussi, prépare ton estomac, vois.
Et il lui montra
, par un geste héroïque, le majestueux, le trois fois saint, l’évangélique et rassurant aspect que présentait la salle à manger du benoît capitaliste.
Cet homme-là, reprit-il, ne s’est vraiment donné la peine d’amasser son argent que pour nous. N’est-ce pas une espèce d’éponge oubliée par les naturalistes dans l’ordre des Polypiers, et qu’il s’agit de presser avec délicatesse, avant de la laisser sucer par 203des héritiers? Ne trouves-tu pas du style aux bas-reliefs qui décorent les murs! Et les lustres, et les tableaux, quel luxe bien entendu! S’il faut croire les envieux et ceux qui tiennent à voir les ressorts de la vie, cet homme aurait tué, pendant la révolution, je ne sais quelle vieille dame asthmatique, un petit orphelin scrofuleux et quelque autre personne. Peux-tu donner place à des crimes sous les cheveux grisonnans de notre vénérable amphitryon? Il a l’air d’un bien bon homme. Vois donc comme l’argenterie étincelle? Et chacun de ces rayons brillans serait pour lui un coup de poignard. Allons donc! autant vaudrait croire en Mahomet. Si le public avait raison, voici trente hommes de cœur et de talent qui s’apprêteraient à 204manger les entrailles, à boire le sang d’une famille. Et nous deux, jeunes gens pleins de candeur, d’enthousiasme, nous serions complices du forfait! J’ai envie de demander à notre capitaliste s’il est honnête homme.
– Non pas maintenant! s’écria Raphaël, mais quand il sera ivre-mort
, nous aurons dîné.
Et les deux amis s’assirent en riant.
D’abord, et par un regard plus rapide que la parole, chaque convive paya son tribut d’admiration au somptueux coup d’œil qu’offrait une longue table, blanche comme une couche de neige fraîchement tombée, et sur laquelle s’élevaient symétriquement les couverts couronnés de petits pains blonds. Les cristaux ré205pétaient les couleurs de l’iris dans leurs reflets étoilés; les bougies traçaient des feux croisés à l’infini; et, les mets placés sous des dômes d’argent, aiguisaient l’appétit et la curiosité. Les paroles furent assez rares. Les voisins se regardèrent. Le vin de Madère circula.
Puis,
le premier service apparut dans toute sa gloire. Il aurait fait honneur à feu Cambacérès, et Brillat-Savarin l’eût célébré. Les vins de Bordeaux, de Bourgogne, blancs, rouges, furent servis avec une profusion royale. Cette première partie du festin était comparable, en tout point, à l’exposition d’une tragédie classique.
Le second acte devint quelque peu bavard. Chaque convive avait bu rai206sonnablement en changeant de crûs suivant ses caprices, de sorte qu’au moment où l’on emporta les restes de ce magnifique service, de tempestueuses discussions s’étaient établies. Quelques fronts pâles rougissaient, plusieurs nez commençaient à s’empourprer, les visages s’allumaient, les yeux pétillaient. C’était l’aurore de l’ivresse. Le discours ne sortait pas encore des bornes de la civilité; mais les railleries, les bons mots s’échappaient peu à peu de toutes les bouches. La calomnie élevait même tout doucement sa petite tête et parlait d’une voix flûtée. Çà et là, quelques sournois écoutaient attentivement, espérant garder leur raison. Le second service trouva donc les esprits tout-à-fait échauffés. Chacun 207mangea en parlant, parla en mangeant, but sans prendre garde à l’affluence des liquides, tant ils étaient lampans et parfumés, tant l’exemple était contagieux. L’amphitryon se piqua d’animer ses convives, et fit avancer les terribles vins du Rhône, le chaud Tokay, de vieux Roussillons capiteux. Alors, déchaînés comme les chevaux d’une malle-poste qui part d’un relais, ces hommes fouettés par les piquantes flèches du vin de Champagne impatiemment attendu, mais abondamment versé, laissèrent galoper leur esprit dans le vide de ces raisonnemens que personne n’écoute, se mirent à raconter ces histoires qui n’ont pas d’auditeur, recommencèrent cent fois ces interpellations qui 208restent sans réponse. L’orgie seule déploya sa grande voix, sa voix composée de cent clameurs confuses qui grossissent comme les crescendo de Rossini. Puis, arrivèrent les toasts insidieux, les forfanteries, les défis. Tous renonçaient à se glorifier de leur capacité intellectuelle pour revendiquer celle des tonneaux, des foudres, des cuves. Il semblait que chacun eût deux voix. Il vint un moment où les maîtres parlèrent tous à la fois, et où les valets sourirent.
Mais cette mêlée de paroles, où les paradoxes douteusement lumineux, les vérités grotesquement habillées se heurtèrent à travers les cris, les jugemens interlocutoires, les arrêts souverains, et les niaiseries, comme au milieu d’un combat se croisent les bou209lets, les balles et la mitraille, eût sans doute intéressé quelque philosophe par la singularité des pensées, ou surpris un politique par la bizarrerie des systèmes. C’était tout à la fois un livre et un tableau. Les philosophies, les religions, les morales, si différentes d’une latitude à l’autre, les gouvernemens, enfin tous les grands actes de l’intelligence humaine, tombèrent sous une faulx aussi longue que celle du Temps; et, peut-être, eussiez-vous pu difficilement décider si elle était maniée par la Sagesse ivre, ou par l’Ivresse devenue sage et clairvoyante. Ces esprits emportés par une espèce de tempête, semblaient, comme la mer irritée contre ses falaises, vouloir ébranler toutes les lois entre 210lesquelles flottent les civilisations, satisfaisant ainsi, sans le savoir, à la volonté de Dieu, qui laissa dans la nature le bien et le mal sans cesse en présence, en gardant pour lui seul le secret de leur lutte perpétuelle. Furieuse et burlesque, la discussion fut en quelque sorte un sabbat des intelligences. Entre les tristes plaisanteries dites par ces enfans de la révolution à la naissance d’un Journal, et les propos tenus par de joyeux buveurs à la naissance de Gargantua, se trouvait tout l’abîme qui sépare le dix-neuvième siècle du seizième. Celui-ci apprêtait une destruction en riant, et le nôtre riait au milieu des ruines.
– Comment appelez-vous le jeune homme que je vois là bas? dit le notaire en montrant Raphaël. J’ai 211cru l’entendre nommer Valentin.
– Que chantez-vous avec votre Valentin tout court, s’écria Émile en riant. Raphaël de Valentin, s’il vous plaît! Nous ne sommes pas un enfant trouvé
; mais le descendant de l’Empereur Valens, souche des Valentinois, fondateur des villes de Valence en Espagne et en France, héritier légitime de l’empire d’Orient. Si nous laissons trôner Mahmoud à Constantinople, c’est par pure bonne volonté, et faute d’argent ou de soldats.
Puis il décrivit en l’air, avec sa fourchette, une couronne au-dessus de la tête de Raphaël. Le notaire se recueillit pendant un moment, et se remit bientôt à boire en laissant échapper un geste authentique, par lequel il semblait 212avouer qu’il lui était impossible de rattacher à sa clientelle les villes de Valence, de Constantinople, Mahmoud, l’empereur Valens et la famille des Valentinois.
– La destruction de ces fourmillières nommées Babylone, Tyr, Carthage
ou Venise, toujours écrasées sous les pieds d’un géant qui passe, ne serait-elle pas un avertissement donné à l’homme par une puissance moqueuse? dit un journaliste, espèce d’esclave acheté pour faire du Bossuet à dix sous la ligne.
– Moïse, Sylla, Louis XI, Richelieu, Robespierre et Napoléon sont peut-être un même homme qui reparaît à travers les civilisations comme une comète dans le ciel! répondit
Raphaël.
213– Pourquoi sonder la Providence? dit un fabricant de ballades.
– Allons, voilà la Providence, s’écria le
jugeur en l’interrompant. Je ne connais rien au monde de plus élastique.
– Mais, Monsieur, Louis XIV a fait périr plus d’hommes pour creuser les aqueducs de Maintenon que la Convention pour asseoir justement l’impôt, pour mettre de l’unité dans la loi, nationaliser la France et faire également partager les héritages, disait un jeune homme devenu républicain faute d’
un syllabe devant son nom.
– Monsieur, lui répondit un propriétaire, vous qui prenez le sang pour du vin
; cette fois-ci, laisse214rez-vous à chacun sa tête sur ses épaules?
– À quoi bon, Monsieur? les principes de l’ordre social ne valent-ils donc pas quelques sacrifices.
– Henri? Hé! Chose
le républicain prétend que la tête de ce propriétaire serait un sacrifice, dit un jeune homme à son voisin.
– Les hommes et les
évènemens ne sont rien, disait le républicain en continuant sa théorie à travers les hoquets, il n’y a en politique et en philosophie, que des principes et des idées.
– Quelle horreur! Vous n’auriez nul chagrin de tuer vos amis pour un si
– Hé! Monsieur, l’homme qui a des remords est le vrai scélérat, car 215il a quelque idée de la vertu; tandis que Pierre-le-Grand, le duc d’Albe étaient des systèmes, et le corsaire
Monbar, une organisation.
– Mais la société ne peut-elle pas se priver de vos systèmes et de vos organisations?
– Oh! d’accord, s’écria le républicain.
– Eh! votre stupide république me donne des nausées!
Nous ne saurions découper tranquillement un chapon sans y trouver la loi agraire.
– Tes principes sont excellens, mon petit Brutus farci de truffes! Mais tu ressembles à mon valet de chambre
! Le drôle est si cruellement possédé par la manie de la propreté, que si je lui laissais brosser mes ha216bits à sa fantaisie, j’irais tout nu.
– Vous êtes des brutes!
Vous voulez nettoyer une nation avec des curedents, répliqua l’homme à la république. Selon vous la justice serait plus dangereuse que les voleurs.
– Hé! hé! fit un avoué.
– Sont-ils ennuyeux avec leur politique! dit le notaire.
Fermez la porte. Il n’y a pas de science ou de vertu qui vaille une goutte de sang. Si nous voulions faire la liquidation de la Vérité nous la trouverions peut-être en faillite.
– Ah! il en aurait sans doute moins coûté de nous amuser dans le mal que de nous disputer dans le bien. Aussi, donnerais-je tous les discours prononcés à la tribune depuis quarante ans pour une truite, 217pour un conte de Perrault ou une croquade de Charlet.
– Vous avez bien raison!
Passez-moi les asperges. Car après tout, la liberté enfante l’anarchie, l’anarchie conduit au despotisme et le despotisme ramène à la liberté. Des millions d’êtres ont péri sans avoir pu faire triompher aucun de ces systèmes. N’est-ce pas le cercle vicieux dans lequel tournera toujours le monde moral? Quand l’homme croit avoir perfectionné, il n’a fait que déplacer les choses.
– Oh! oh! s’écria un vaudevilliste, alors, Messieurs, je porte un toast à Charles X, père de la liberté!
– Pourquoi pas, dit un journaliste. Quand le despotisme est dans les lois, la liberté se trouve 218dans les mœurs, et vice versâ.
– Buvons donc à l’imbécillité du pouvoir qui nous donne tant de pouvoir sur les imbécilles! dit le banquier.
– Hé! mon cher, au moins Napoléon nous a-t-il laissé de la gloire! criait un officier de marine qui n’était
pas sorti de Brest.
– Ah! la gloire
! Triste denrée. Elle se paye cher et ne se garde pas. Ne serait-elle point l’égoïsme des grands hommes, comme le bonheur est celui des sots?
– Monsieur, vous êtes bien heureux.
– Le premier qui inventa les fossés était sans doute un homme faible, car la société ne profite qu’aux gens chétifs.
Placés aux deux extrémités du monde moral, le sauvage et le 219penseur ont également horreur de la Propriété.
– Joli! s’écria le notaire
; s’il n’y avait pas de propriétés, comment pourrions-nous faire des actes?
– Voilà des petits pois délicieusement fantastiques!
Et le curé fut trouvé mort dans son lit, le lendemain…
– Qui parle de mort? Ne badinez pas! J’ai un oncle.
– Vous vous résigneriez sans doute à le perdre.
– Ce n’est pas une question.
– Écoutez-moi, Messieurs!
Manière de tuer son oncle. Chut! (Écoutez! Écoutez!) Ayez d’abord un oncle gros et gras, septuagénaire au moins, ce sont les meilleurs oncles (Sensation). Faites-lui manger, sous un pré220texte quelconque, un pâté de foie gras..
– Hé! mon oncle est un grand homme sec, avare et sobre

– Ah! ces oncles-là sont des monstres qui abusent de la vie.
– Et, dit l’homme aux oncles en continuant, annoncez-lui, pendant sa digestion, la faillite de son banquier.
– S’il résiste?
– Lâchez-lui une jolie fille
.
– S’il est
, dit-il en faisant un geste négatif.
– Alors, ce n’est pas un oncle
! l’oncle est essentiellement égrillard.
– La voix de la Malibran a perdu deux notes
!
– Non, Monsieur

– Si
! Monsieur.
– Oh! oh!
Oui et non. – N’est-ce pas l’histoire de toutes les disser221tations religieuses, politiques et littéraires. L’homme est un bouffon qui danse sur des précipices!
– À vous entendre, je suis un sot

– Au contraire, c’est parce que vous ne m’entendez pas.
– L’instruction, belle niaiserie. M. Heineffettermach porte le nombre des volumes imprimés à plus d’un milliard, et la vie d’un homme ne permet pas d’en lire cent cinquante mille. Alors
, expliquez-moi ce que signifie le mot instruction? Pour les uns, elle consiste à savoir le nom du cheval d’Alexandre, du dogue Bérécillo, de Tabourot, seigneur des Accords, et d’ignorer celui de l’homme auquel nous devons le flottage des bois, ou la porcelaine. Pour les autres, 222être instruit, c’est savoir brûler un testament et vivre en honnêtes gens, aimés, considérés, au lieu de voler une montre en récidive, avec les cinq circonstances aggravantes, et d’aller mourir en place de Grève, haïs et déshonorés.
– Lamartine restera.
– Ah! Scribe, Monsieur, a bien de l’esprit.
– Et Victor Hugo?
– C’est un grand homme, n’en parlons plus.
– Vous êtes ivres!
– La conséquence immédiate d’une constitution est l’aplatissement des intelligences. Arts, sciences, monumens, tout est dévoré par un effroyable sentiment d’égoïsme, notre lèpre actuelle. Vos trois cents bourgeois, assis sur des banquettes, 223ne penseront qu’à planter des peupliers. Le despotisme fait illégalement de grandes choses,
et la liberté ne se donne même pas la peine d’en faire légalement de très-petites.
– Votre enseignement mutuel fabrique des pièces de cent sous en chair humaine, dit un absolutiste en interrompant. Les individualités disparaissent chez un peuple nivelé par l’instruction.
– Cependant le but de la société n’est-il pas de procurer à chacun le bien-être, demanda le saint-simonien.
– Si vous aviez cinquante mille livres de rente, vous ne penseriez guère au peuple. Êtes-vous épris de belle passion pour l’humanité? allez à Madagascar, vous y trouverez un 224joli petit peuple tout neuf à saint-simoniser, à classer, à mettre en bocal; mais ici, chacun entre tout naturellement dans son alvéole, comme une cheville dans son trou. Les portiers sont portiers, et les niais sont des bêtes sans avoir besoin d’être
élus par un Collège de Pères. Ah! ah!
– Vous êtes un carliste!
– Pourquoi pas? J’aime le despotisme, il annonce un certain mépris pour la race humaine. Je ne hais pas les rois. Ils sont si amusans! Trôner dans une chambre, à trente millions de lieues du soleil, n’est-ce donc rien?
– Mais résumons cette large vue de la civilisation, disait le savant qui
, pour l’instruction du sculpteur inattentif, avait entrepris une discussion sur le commencement des sociétés et 225sur les peuples autochtones. À l’origine des nations la force fut en quelque sorte matérielle, une, grossière. Puis, avec l’accroissement des aggrégations, les gouvernemens ont procédé par des décompositions plus ou moins habiles du pouvoir primitif. Ainsi, dans la haute antiquité, la force était dans la théocratie; le prêtre tenait le glaive et l’encensoir. Plus tard, il y eut deux sacerdoces: le pontife et le roi. Aujourd’hui, notre société, dernier terme de la civilisation, a distribué la puissance suivant le nombre des combinaisons; et nous sommes arrivés aux forces nommées: industrie, pensée, argent, parole. Alors le pouvoir n’ayant plus d’unité marche sans cesse vers une dissolution sociale qui n’a plus d’au226tre barrière que l’intérêt. Aussi nous ne nous appuyons ni sur la religion, ni sur la force matérielle, mais sur l’intelligence. Le livre vaut-il le glaive, la discussion vaut-elle l’action? Voilà le problême.
– L’intelligence a tout tué, s’écria le carliste. Allez, la liberté absolue mène les nations au suicide
. Elles s’ennuient dans le triomphe, comme un Anglais millionnaire.
– Que nous direz-vous de neuf? Aujourd’hui vous avez ridiculisé tous les pouvoirs, et c’est même chose vulgaire que de nier Dieu! Vous n’avez plus de croyance. Aussi le siècle est-il comme un vieux sultan perdu de débauche! Enfin, votre lord Byron, en dernier désespoir de poésie, a chanté les passions du crime.
227– Savez-vous, lui répondit un médecin complètement ivre, qu’une dose de phosphore de plus ou de moins fait l’homme de génie ou le scélérat, l’homme d’esprit ou l’idiot, l’homme vertueux ou le criminel.
– Peut-on traiter ainsi la vertu! s’écria le vaudevilliste. La vertu, sujet de toutes les pièces de théâtre, dénouement de tous les drames, base de tous les tribunaux.
– Hé! tais-toi donc, animal. Ta vertu, c’est Achille sans talon!
– À boire!
– Veux-tu parier que je bois une bouteille de vin de Champagne d’un seul trait?
– Quel trait d’esprit, s’écria le caricaturiste.
– Ils sont gris comme des charretiers, dit un jeune homme qui don228nait sérieusement à boire à son gilet.
– Oui, Monsieur, le gouvernement actuel est l’art de faire régner l’opinion publique

– L’opinion
, mais c’est la plus vicieuse de toutes les prostituées! À vous entendre, hommes de morale et de politique, il faudrait sans cesse préférer vos lois à la nature, l’opinion à la conscience. Allez, tout est vrai, tout est faux! Si la société nous a donné le duvet des oreillers, elle a certes compensé le bienfait par la goutte, comme elle a mis la procédure pour tempérer la justice, et les rhumes à la suite des schalles de Cachemire
– Monstre! dit Émile en interrompant le misanthrope, comment peux-tu médire de la civilisation en 229présence de vins, de mets aussi délicieux, et à table jusqu’au menton? Mords ce chevreuil aux pieds et aux cornes dorées
; mais ne mords pas ta mère.
– Est-ce ma faute, à moi, si le catholicisme arrive à mettre un million de dieux dans un sac de farine, si la république aboutit toujours à quelque Robespierre, si la royauté se trouve entre l’assassinat de Henri IV et le jugement de Louis XVI, si le libéralisme devient Lafayette?
– L’avez-vous embrassé en juillet?
– Non.
– Alors taisez-vous, sceptique.
– Les sceptiques sont les hommes les plus consciencieux.
– Ils n’ont pas de conscience.
– Que dites-vous? ils en ont au moins deux.
230– Escompter le ciel! Monsieur, voilà une idée vraiment commerciale. Les religions antiques n’étaient qu’un heureux développement du plaisir physique
; mais nous autres nous avons développé l’âme et l’espérance. Il y a eu progrès.
– Hé, mes bons amis, que pouvez-vous attendre d’un siècle repu de politique? Quel a été le sort de Smarra
! La plus ravissante conception…
– Smarra! cria le
jugeur d’un bout de la table à l’autre. Ce sont des phrases tirées au hasard dans un chapeau. Véritable ouvrage écrit pour Charenton.
– Vous êtes un sot!
– Vous êtes un drôle.
– Oh! oh!
– Ah! ah!
231– Ils se battront.
– Non.
– À demain, monsieur.
– À l’instant, répondit le
poëte.
– Allons! allons! vous êtes deux braves.
– Vous en êtes un autre! dit le provocateur.
– Ils ne peuvent seulement pas se mettre debout.
– Ah! je ne me tiens pas droit, peut-être, reprit le belliqueux auteur en se dressant comme un cerf-volant indécis
.
Il
jeta sur la table un regard hébété. Puis, comme exténué par cet effort, il retomba sur sa chaise, pencha la tête et resta muet.
– Ne serait-il pas plaisant, dit le
jugeur à son voisin, de me battre pour 232un ouvrage que je n’ai jamais vu, ni lu?
– Eugène, prends garde à ton habit
! Ton voisin pâlit.
– Kant
! Encore un ballon lancé pour amuser les niais! Le matérialisme et le spiritualisme sont deux jolies raquettes avec lesquelles des charlatans en robe font aller le même volant. Que Dieu soit en tout, selon Spinosa, ou que tout vienne de Dieu, selon saint Paul… Imbécilles! Ouvrir ou fermer une porte, n’est ce pas le même mouvement? L’œuf vient-il de la poule ou la poule de l’œuf? Passez-moi du canard! Voilà toute la science.
– Nigaud, lui cria le savant, la question que tu poses est tranchée par un fait.
233– Et lequel?
– Les chaires de professeurs n’ont pas été faites pour la philosophie, mais bien la philosophie pour les chaires? Mets des lunettes et lis le budget.
– Voleurs!
– Imbécilles!
– Fripons!
– Dupes!
– Où trouverez-vous ailleurs qu’à Paris un échange aussi vif, aussi rapide entre les pensées, s’écria le plus spirituel des artistes en prenant une voix de basse-taille.
– Allons, Henri, fais-nous quelque farce classique! Voyons, une charge!
– Voulez-vous que je vous fasse le dix-neuvième siècle?
234– Écoutez!
– Silence!
– Mettez des sourdines à vos muffles!
– Te tairas-tu, chinois!
– Donnez-lui du vin, et qu’il se taise, cet enfant!
– À toi, Henri!
L’artiste boutonna son habit noir jusqu’au col, mit ses gants jaunes, et se grima de manière à singer
le Globe; mais, le bruit couvrit sa voix, et il fut impossible de saisir un seul mot de sa spirituelle moquerie. S’il ne représenta pas le siècle, au moins représenta-t-il le journal, car, il ne s’entendit pas lui-même.
Le dessert se trouva servi comme par enchantement. La table fut couverte d’un vaste surtout en bronze 235doré
sorti des ateliers de Galle. De hautes figures, douées par un célèbre artiste des formes convenues pour la beauté idéale en Europe, soutenaient et portaient des buissons de fraises, des ananas, des dattes fraîches, des raisins jaunes, de blondes pêches, des oranges arrivées de Sétubal par un paquebot, des grenades, des fruits de la Chine, enfin toutes les surprises du luxe, les miracles du petit four, les délicatesses les plus friandes, les friandises les plus séductrices. Les couleurs de ces tableaux gastronomiques étaient rehaussées par l’éclat de la porcelaine, par des lignes étincelantes d’or, par les découpures des vases. Gracieuse comme les liquides franges de l’océan, verte et légère, la mousse couronnait les 236paysages du Poussin, copiés à Sèvres. Le budget d’un prince allemand n’aurait pas payé cette richesse insolente. L’argent, la nacre, l’or, les cristaux furent de nouveau prodigués sous de nouvelles formes; mais les yeux engourdis et la verbeuse fièvre de l’ivresse permirent à peine aux convives d’avoir une intuition vague de cette féerie digne d’un conte oriental. Les vins de dessert apportèrent leurs parfums et leurs flammes, philtres puissans, vapeurs enchanteresses, qui engendrent une espèce de mirage intellectuel, et dont les liens puissans enchaînent les pieds, alourdissent les mains. Les pyramides de fruits furent pillées, les voix grossirent, le tumulte grandit. Alors il n’y eut plus de paroles distinctes. Les 237verres volèrent en éclats, et des rires atroces partirent comme des fusées. Le vaudevilliste saisit un cor et se mit à sonner une fanfare. Ce fut comme un signal donné par le diable. Cette assemblée en délire hurla, siffla, chanta, cria, rugit, gronda. Vous eussiez souri de voir les gens naturellement gais, devenus sombres comme les dénouemens de Crébillon, ou rêveurs comme des marins en voiture. Les hommes fins disaient leurs secrets à des curieux qui n’écoutaient pas. Les mélancoliques souriaient comme des danseuses qui achèvent leurs pirouettes. Un journaliste se dandinait à la manière des ours en cage. Des amis intimes se battaient. Les ressemblances animales inscrites sur les figures humaines 238et si curieusement démontrées par les physiologistes, reparaissaient vaguement dans les gestes, dans les habitudes du corps. Il y avait un livre tout fait pour quelque Bichat qui se serait trouvé là, froid et à jeun. Le maître du logis se sentait ivre et n’osait se lever; mais il approuvait les extravagances de ses convives par une grimace fixe, en tâchant de conserver un air décent et hospitalier. Sa large figure, devenue rouge et bleue, presque violacée, terrible à voir, s’associait au mouvement général par des efforts semblables au roulis et au tangage d’un brick.
– Les avez-vous assassinés, lui demanda Émile.
– La confiscation et la peine de mort sont abolies depuis la révolu239tion de juillet, répondit
le banquier.
Puis il se mit à rire
en haussant les sourcils d’un air tout à la fois plein de finesse et de bêtise.
– Mais ne les voyez-vous pas quelquefois en songe? reprit Raphaël.
– Il y a prescription! dit le meurtrier plein d’or.
– Et sur sa tombe, s’écria Émile d’un ton sardonique, l’entrepreneur du cimetière gravera: Passans, accordez une larme à sa mémoire!
Oh! reprit-il, je donnerais bien cent sous au mathématicien qui me démontrerait par une équation algébrique l’existence de l’enfer.
Il jeta une pièce en l’air.
Face pour Dieu!
– Ne regarde pas
! cria Raphaël 240en saisissant la pièce. Que sait-on? le hasard est si plaisant.
– Hélas! reprit Émile d’un air tristement bouffon, je ne vois pas où poser les pieds entre la géométrie de l’incrédule et le
pater noster du pape. – Buvons! Trinc est, je crois, l’oracle de la dive bouteille et sert de conclusion au Pantagruel.
– Nous devons au
pater noster, répondit Raphaël, nos arts, nos monumens, nos sciences peut-être; et, bienfait plus grand encore, nos gouvernemens modernes, dans lesquels une société vaste et féconde est merveilleusement représentée par cinq cents intelligences, où les forces opposées les unes aux autres, se neutralisent, en laissant tout pouvoir à la CIVILISATION, reine gigantesque qui 241remplace le ROI, cette ancienne et terrible figure, espèce de faux destin créé par l’homme entre le ciel et lui. En présence de tant d’œuvres accomplies, l’athéisme apparaît comme un squelette qui n’engendre pas. Qu’en dis-tu?
– Je songe aux flots de sang répandus par le catholicisme, dit froidement Émile. Il a pris nos veines et nos cœurs pour faire une contrefaçon du déluge. Mais n’importe! Tout homme qui pense doit marcher sous la bannière du Christ. Lui seul a consacré le triomphe de l’esprit sur la matière
; lui seul nous a poétiquement révélé le monde intermédiaire qui nous sépare de Dieu.
– Tu crois? reprit Raphaël en lui jetant un indéfinissable sourire d’i242vresse. Eh bien, pour ne pas nous compromettre, portons le fameux toast:
Diis ignotis!
Et ils vidèrent leurs calices de science, de gaz carbonique, de parfums, de poésie et d’incrédulité.
– Si ces Messieurs veulent passer dans le salon, le café les y attend
.
Et les
portes s’ouvrirent. En ce moment, presque tous les convives se roulaient au sein de ces limbes délicieuses, où les lumières de l’esprit s’éteignent, où le corps, délivré de son tyran, s’abandonne aux joies délirantes de la liberté. Les uns, arrivés à l’apogée de l’ivresse, restaient mornes et péniblement occupés à saisir une pensée qui leur attestât leur propre existence; les autres, plongés dans le marasme produit 243par une digestion alourdissante, niaient le mouvement. D’intrépides orateurs disaient encore de vagues paroles dont ils ne comprenaient pas, eux-mêmes, le sens. Quelques refrains retentissaient comme le bruit d’une mécanique obligée d’accomplir sa vie factice et sans âme. Le silence et le tumulte s’étaient bizarrement accouplés. Néanmoins, en entendant la voix sonore du valet qui, à défaut d’un maître, leur annonçait des joies nouvelles, ils se levèrent entraînés, soutenus ou portés, les uns par les autres.
La troupe entière resta, pendant un moment, immobile et charmée, sur le seuil de la porte. Les jouissances excessives du festin pâlirent devant le chatouillant spectacle que l’amphi244tryon offrait au plus voluptueux de leurs sens. Sous les étincelantes bougies d’un lustre d’or, autour d’une table chargée de vermeil, un groupe de femmes se présenta soudain aux convives hébétés dont les yeux s’allumèrent comme autant de diamans. Riches étaient les parures, mais plus riches encore étaient ces beautés éblouissantes devant lesquelles disparaissaient toutes les merveilles de ce palais. Les yeux passionnés de ces créatures, prestigieuses comme des fées, avaient encore plus de vivacité que les torrens de lumière qui faisaient resplendir les reflets satinés des tentures, la blancheur des marbres, les saillies délicates des bronzes et la grâce des draperies. Le cœur brûlait, à voir les contrastes de leurs coiffures 245agitées et de leurs attitudes, toutes diverses d’attraits et de caractère. C’était une haie de fleurs mêlées de rubis, de saphirs et de corail; une ceinture de colliers noirs, sur des cous de neige; des écharpes légères flottant comme les flammes d’un phare; des turbans orgueilleux; des tuniques modestement provoquantes. Ce sérail offrait des séductions pour tous les yeux, des voluptés pour tous les caprices. Posée à ravir, une danseuse semblait être sans voile sous les plis onduleux du cachemire. Là, une gaze diaphane, ici, la soie chatoyante cachaient ou révélaient des perfections mystérieuses. De petits pieds étroits parlaient d’amour, des bouches fraîches et rouges se taisaient. De frêles et dé246centes jeunes filles, vierges d’hier, et dont les jolies chevelures respiraient une religieuse innocence, se présentaient aux regards comme des apparitions qu’un souffle pouvait dissiper. Puis, des beautés aristocratiques au regard fier, mais indolentes, mais fluettes, maigres, gracieuses, penchaient la tête comme si elles avaient encore de royales protections à faire acheter. Une Anglaise, blanche et chaste, figure aérienne, descendue des nuages d’Ossian, ressemblait à un ange de mélancolie, à un remords fuyant le crime. La Parisienne, dont toute la beauté gît dans une grâce indescriptible, vaine de sa toilette et de son esprit, armée de sa toute-puissante faiblesse, souple et dure, syrène sans cœur et sans passion, mais qui 247sait artificieusement créer les trésors de la passion et contrefaire les accens du cœur, ne manquait pas à cette périlleuse assemblée, où brillaient encore des Italiennes tranquilles en apparence et consciencieuses dans leur félicité; de riches Normandes aux formes magnifiques, des femmes méridionales aux cheveux noirs, aux yeux bien fendus. Vous eussiez dit les beautés de Versailles convoquées par Lebel, ayant, dès le matin, dressé tous leurs pièges, arrivant comme une troupe d’esclaves orientales, réveillées par la voix du marchand, pour partir à l’aurore. Elles restaient interdites, honteuses, et s’empressaient autour de la table comme des abeilles qui bourdonnent à l’entrée d’une ruche. Cet embarras 248craintif, reproche et coquetterie tout ensemble, accusait et séduisait. Était-ce pudeur involontaire. Peut-être, un sentiment que la femme ne dépouille jamais complètement, leur ordonnait-il de s’envelopper dans le manteau de la vertu pour donner plus de charme et de piquant aux prodigalités du vice. Aussi, la conspiration ourdie par le maître du logis sembla-t-elle devoir échouer. Ces hommes sans frein furent subjugués tout d’abord par la puissance majestueuse dont la femme est investie. Un murmure d’admiration résonna comme la plus douce musique. L’amour n’avait pas voyagé de compagnie avec l’ivresse; et, au lieu d’un ouragan de passions, les convives, surpris dans un moment de faiblesse, s’abandonnèrent aux déli249ces d’une voluptueuse extase. Obéissant à la poésie qui les domine toujours, les artistes étudièrent avec bonheur les nuances délicates qui distinguaient ces beautés choisies. Réveillé par une pensée, due peut-être à quelque émanation d’acide carbonique dégagé du vin de Champagne, un philosophe frissonnait en songeant aux malheurs qui amenaient là ces femmes dignes peut-être jadis des plus purs hommages. Chacune d’elles avait, sans doute, un drame sanglant à raconter. Presque toutes apportaient d’infernales tortures, et traînaient après elles des hommes sans foi, des promesses trahies, des joies rançonnées par la misère. Les convives s’approchèrent d’elles avec politesse, et des conversa250tions aussi diverses que les caractères s’établirent. Des groupes se formèrent. Vous eussiez dit d’un salon de bonne compagnie où les jeunes filles et les femmes vont offrant aux convives, après le dîner, les secours que le café, les liqueurs et le sucre prêtent aux gourmands embarrassés dans les travaux d’une digestion récalcitrante. Mais bientôt quelques rires éclatèrent; le murmure augmenta; les voix s’élevèrent. L’orgie, domptée pendant un moment, menaçait par intervalles de se réveiller. Ces alternatives de silence et de bruit avaient une vague ressemblance avec une harmonie de Beethoven.
Assis sur un moelleux divan, les deux amis virent d’abord arriver près d’eux une grande fille bien propor251tionnée, superbe en son maintien, de physionomie assez irrégulière, mais perçante, mais impétueuse, et qui saisissait l’ame par de vigoureux contrastes
. Sa chevelure noire, lascivement bouclée, semblait avoir déjà subi les combats de l’amour et retombait en flocons légers sur ses larges épaules, qui offraient des perspectives attrayantes à voir. De longs rouleaux bruns enveloppaient à demi un cou majestueux, sur lequel la lumière glissait par intervalles, en révélant la finesse des plus jolis contours. Sa peau, d’un blanc mat, faisait ressortir les tons chauds et animés de ses vives couleurs. L’œil armé de longs cils lançait des flammes hardies, étincelles d’amour. La bouche rouge, humide, entr’ouverte, 252appelait le baiser. Elle avait une taille forte, mais amoureusement élastique. Son sein, ses bras étaient largement développés, comme ceux des belles figures du Carrache; néanmoins, elle paraissait leste, souple, et sa vigueur supposait l’agilité d’une panthère, comme la mâle élégance de ses formes en promettait les voluptés dévorantes. Quoiqu’elle dût savoir rire et folâtrer, ses yeux et son sourire effrayaient la pensée. Semblable à ces prophétesses agitées par un démon, elle étonnait plutôt qu’elle ne plaisait. Toutes les expressions passaient par masses et comme des éclairs sur sa figure mobile. Peut-être eût-elle ravi des gens blasés; mais un jeune homme l’eût redoutée. C’était une statue colossale, tombée du haut 253de quelque temple grec, sublime à distance; vue de près, grossière; mais sa foudroyante beauté devait réveiller les impuissans, sa voix charmer les sourds, ses regards ranimer de vieux ossemens. Émile la comparait vaguement à une tragédie de Shakespeare, espèce d’arabesque admirable, où la passion éclate, où la joie hurle, où l’amour a je ne sais quoi de sauvage, où la magie de la grâce et du bonheur succède aux sanglans tumultes de la colère; monstre qui sait mordre et caresser, rire comme un démon, pleurer comme les anges, improviser dans une seule étreinte toutes les séductions de la femme, excepté les soupirs de la mélancolie et les enchanteresses modesties d’une vierge; puis, 254en un moment, rugir, se déchirer les flancs, briser sa passion, son amant; enfin se détruire elle-même comme fait un peuple insurgé. Vêtue d’une robe en velours rouge, elle foulait d’un pied insouciant quelques fleurs déjà tombées de la tête de ses compagnes, et, d’une main dédaigneuse, tendait aux deux amis un plateau d’argent. Fière de sa beauté, fière de ses vices peut-être, elle montrait un bras blanc qui se détachait vivement sur le velours. Elle était là comme la reine du plaisir, comme une image de la joie humaine, de cette joie qui dissipe les trésors amassés par trois générations, qui rit sur les cadavres, se moque des aïeux, dissout des perles et des trônes, transforme les jeunes gens en vieil255lards, et souvent les vieillards en jeunes gens; de cette joie, permise seulement aux géans fatigués du pouvoir, éprouvés par la pensée, ou pour lesquels la guerre est devenue comme un jouet.
– Comment te nommes-tu? lui dit Raphaël.
– Aquilina.
– Oh! oh! tu viens de Venise sauvée, s’écria Émile.
– Oui! répondit
elle. De même que les papes se donnent de nouveaux noms, en montant au-dessus des hommes, j’en ai pris un autre en m’élevant au-dessus de toutes les femmes.
– As-tu donc, comme ta
patrone, un noble et terrible conspirateur qui t’aime et sache mourir pour toi? dit 256vivement Émile réveillé par cette apparence de poésie.
– Je l’ai eu, répondit-elle. Mais la guillotine a été ma rivale. Aussi,
mettai-je toujours quelques chiffons rouges dans ma parure, pour que ma joie n’aille jamais trop loin.
– Oh! si vous lui laissez raconter l’histoire des quatre jeunes gens de La Rochelle, elle n’en finira pas. Tais-toi donc, Aquilina! Les femmes n’ont-elles pas toutes un amant à pleurer
? mais toutes n’ont pas, comme toi, le bonheur de l’avoir perdu sur un échafaud. Ah! j’aimerais bien mieux savoir le mien couché dans une fosse à Clamart que près d’une rivale.
Ces phrases
si cruellement logiques furent prononcées d’une voix douce 257et mélodieuse, par la plus innocente, la plus jolie et la plus gentille petite créature qui, suivant l’expression d’Horace Walpole, fût jamais sortie d’un œuf enchanté. Elle était venue à pas muets, et montrait une figure délicate, une taille grêle, des yeux bleus ravissans de modestie, des tempes fraîches et pures. Une naïade ingénue qui s’échappe de sa source, n’est pas plus timide, plus blanche, ni plus naïve. Elle paraissait avoir seize ans, ignorer le mal, ignorer l’amour, ne pas connaître les orages de la vie, et venir d’une église où elle aurait prié les anges d’obtenir avant le temps son rappel dans les cieux. À Paris seulement, se rencontrent ces créatures au visage candide, qui cachent la dépravation la 258plus profonde, les vices les plus raffinés sous un front aussi doux, aussi tendre que la fleur d’une marguerite.
Trompés d’abord par les célestes promesses écrites dans les suaves attraits de cette jeune fille, Émile et Raphaël, acceptant le café qu’elle leur versa dans les tasses présentées par Aquilina, se mirent à la questionner. Alors elle acheva de transfigurer aux yeux des deux poètes, par une sinistre allégorie, je ne sais quelle face de la vie humaine, en opposant, à l’expression rude et passionnée de son imposante compagne, le portrait de cette corruption froide, voluptueusement cruelle, assez étourdie pour commettre un crime, assez forte pour en rire; espèce de démon sans cœur, qui punit les âmes riches et 259tendres de ressentir les émotions dont il est privé, qui trouve toujours une grimace d’amour à vendre, des larmes pour le convoi de sa victime, et de la joie, le soir, pour en lire le testament. Un poète eût admiré la belle Aquilina, le monde entier devait fuir la touchante Euphrasie. L’une était l’âme du vice, l’autre, le vice sans ame.
– Je voudrais bien savoir, dit Émile à cette jolie créature, si parfois tu songes à l’avenir.
– L’avenir, répondit-elle en riant. Qu’appelez-vous l’avenir? Pourquoi penserais-je à ce qui n’existe pas encore? Je ne regarde jamais ni en arrière ni
avant de moi. N’est-ce pas déjà trop que de m’occuper d’une journée à la fois. D’ailleurs l’avenir, nous le connaissons, c’est l’hôpital.
260– Comment peux-tu voir d’ici l’hôpital et ne pas éviter d’y aller
, s’écria Raphaël.
– Qu’a donc l’hôpital de si effrayant, demanda la terrible Aquilina. Quand nous ne sommes ni mères
ni épouses; quand la vieillesse nous met des bas noirs aux jambes et des rides au front, flétrit tout ce qu’il y a de femme en nous, et sèche la joie dans les regards de nos amis, de quoi pourrions-nous avoir besoin? Alors, vous ne voyez plus en nous, de notre nature, que sa fange primitive, qui marche sur deux pattes, froide, sèche, décomposée; et qui va, produisant un bruissement de feuilles mortes. Les plus jolis chiffons nous deviennent des haillons; l’ambre qui réjouissait le boudoir prend une 261odeur de mort et sent le squelette; puis, s’il se trouve un cœur dans cette boue, vous y insultez tous. Vous ne nous permettez même pas un souvenir. Ainsi, que nous soyons, à cette époque de la vie, dans un riche hôtel à soigner des chiens, ou dans un hôpital à trier des guenilles, notre existence n’est-elle pas exactement la même? Cacher nos cheveux blancs sous un mouchoir à carreaux rouges et bleus, ou sous des dentelles; balayer les rues avec du bouleau ou les marches des Tuileries avec du satin; être assises à des foyers dorés ou nous chauffer à des cendres, dans un pot de terre rouge; assister au spectacle de la Grève, au lieu d’aller à l’Opéra, y a-t-il donc là tant de différence?
Aquilina mia, jamais tu n’as eu 262tant de raison au milieu de tes désespoirs
! reprit Euphrasie. Oui, les cachemires, les vélins, les parfums, l’or, la soie, le luxe, tout ce qui brille, tout ce qui plaît, ne va bien qu’à la jeunesse. Le temps seul pourrait avoir raison contre nos folies; mais le bonheur nous absout! Vous riez de ce que je dis, s’écria-t-elle en lançant un sourire venimeux aux deux amis. N’ai-je pas raison? j’aime mieux mourir de plaisir que de maladie. Je n’ai ni la manie de la perpétuité, ni grand respect pour l’espèce humaine, à voir ce que Dieu en fait. Donnez-moi des millions, je les mangerai. Je ne voudrais pas garder un centime pour l’année prochaine. Vivre pour plaire et régner, tel est l’arrêt que prononce chaque 263battement de mon cœur. La société m’approuve, ne fournit-elle pas sans cesse à mes dissipations? Pourquoi le bon Dieu me fait-il tous les matins la rente de ce que je dépense tous les soirs? Pourquoi nous bâtissez-vous des hôpitaux? Et comme il ne nous a pas mis entre le bien et le mal pour choisir ce qui nous blesse ou nous ennuie, allez donc! je serais bien sotte de ne pas m’amuser.
– Et les autres, dit Émile.
– Les autres
, eh! bien, qu’ils s’arrangent! j’aime mieux rire de leurs souffrances que d’avoir à pleurer sur les miennes. Je défie un homme de me causer la moindre peine.
– Qu’as-tu donc souffert pour penser ainsi
, demanda Raphaël.
– J’ai été quittée pour un héri264tage, moi! dit-elle
, en prenant une pose qui fit ressortir toutes ses séductions. Et cependant j’avais passé les nuits et les jours à travailler pour nourrir mon amant. Ah! je ne veux plus être la dupe d’aucun sourire, d’aucune promesse, et je prétends faire de mon existence une longue partie de plaisir.
– Mais, s’écria Raphaël, le bonheur ne vient-il donc pas de l’ame?
– Eh bien, reprit Aquilina, n’est-ce rien que de se voir admirée, flattée, de triompher de toutes les femmes, même des plus vertueuses en les écrasant par notre beauté, par notre richesse? D’ailleurs, nous vivons plus en un jour qu’une bonne bourgeoise en dix ans, et alors tout est jugé.
– Une femme sans vertu n’est-elle 265pas odieuse
, dit Émile à Raphaël.
Euphrasie leur lança un regard de vipère, et répondit avec un inimitable accent d’ironie: – La vertu!
Nous la laissons aux laides et aux bossues. Que seraient-elles sans cela, les pauvres femmes.
– Allons, tais-toi, s’écria Émile, ne parle point de ce que tu ne connais pas.
– Ah! je ne la connais pas, reprit Euphrasie. Se donner pendant toute
sa vie à un être détesté; savoir élever des enfans qui vous abandonnent, et leur dire: Merci! quand ils vous frappent au cœur; voilà les vertus que vous ordonnez à la femme. Encore, pour la récompenser de son abnégation, venez-vous lui imposer des souffrances en cherchant à la sé266duire. Et si elle résiste, vous la compromettez. Jolie vie! Autant rester libre, aimer ceux qui nous plaisent, et mourir jeunes.
– Ne crains-tu pas de payer tout cela un jour?
– Eh bien, répondit-elle, au lieu d’entremêler mes plaisirs de chagrins, ma vie sera coupée en deux parts: une jeunesse certainement joyeuse, et je ne sais quelle vieillesse incertaine pendant laquelle je souffrirai tout à mon aise

– Elle n’a pas aimé, dit Aquilina d’un son de voix profond. Elle n’a jamais fait cent lieues pour aller dévorer avec mille délices
, un regard et un refus. Elle n’a point attaché sa vie à un cheveu, ni essayé de poignarder plusieurs hommes pour sauver son 267souverain, son seigneur, son Dieu. Pour elle, l’amour était un joli colonel
– Hé! hé! La Rochelle, répondit Euphrasie, l’amour est comme le vent, nous ne savons
pas d’où il vient. D’ailleurs, si tu avais été bien aimée par une bête, tu prendrais les gens d’esprit en horreur.
– Le Code nous défend d’aimer les bêtes, répliqua la grande Aquilina d’un accent ironique.
– Je te croyais plus indulgente pour les militaires, s’écria Euphrasie en riant.
– Sont-elles heureuses
, de pouvoir abdiquer ainsi leur raison, s’écria Raphaël.
– Heureuses, dit Aquilina
, souriant de pitié, de terreur, et jetant 268aux deux amis un horrible regard. Ah! vous ne savez pas ce que c’est que d’être condamnée au plaisir avec un mort dans le cœur.
En ce moment contempler les salons, c’était avoir une vue anticipée du Pandémonium de Milton. Les flammes bleues du punch coloraient d’une teinte infernale les visages de ceux qui pouvaient boire encore. Des danses folles, animées par une sauvage énergie, excitaient des rires et des cris qui éclataient comme les détonations d’un feu d’artifice. Jonchés de morts et de mourans, le boudoir et un petit salon offraient l’image d’un champ de bataille. L’atmosphère était chaude de vin et de plaisirs et de paroles. L’ivresse, l’amour, le délire, l’oubli du monde 269étaient dans les cœurs, sur les visages, dans l’air, écrits sur les tapis, exprimés par le désordre, et jetaient sur tous les regards de légers voiles qui faisaient voir dans l’air des vapeurs enivrantes. Il s’était ému, comme dans les bandes lumineuses tracées par un rayon du soleil, une poussière brillante à travers laquelle se jouaient les formes les plus capricieuses, les luttes les plus grotesques. Çà et là, des groupes de figures enlacées se confondaient avec les marbres blancs, nobles chefs-d’œuvre de la sculpture dont les appartemens étaient ornés. Quoique les deux amis conservassent encore une sorte de lucidité trompeuse dans les idées, et, dans leurs organes, un dernier frémissement, simulacre 270imparfait de la vie, il leur était impossible de reconnaître ce qu’il y avait de réel dans les fantaisies bizarres, de possible dans les tableaux surnaturels qui passaient incessamment devant leurs yeux lassés. Le ciel étouffant de nos rêves, l’ardente suavité que contractent les figures dans nos visions, surtout je ne sais quelle agilité chargée de chaînes, enfin, les phénomènes les plus inaccoutumés du sommeil les assaillaient si vivement qu’ils prirent les jeux de cette débauche pour les caprices d’un cauchemar où le mouvement est sans bruit, où les cris sont perdus pour l’oreille.
En ce moment, le valet de chambre de confiance réussit, non sans peine, à faire venir son maître dans 271l’antichambre, et lui dit à l’oreille: – Monsieur, tous les voisins sont aux fenêtres et se plaignent du tapage.
– S’ils ont peur du bruit, ne peuvent-ils pas faire mettre de la paille devant leurs portes, s’écria
l’amphitryon.
Raphaël laissa tout
à coup échapper un éclat de rire si burlesquement intempestif, que son ami lui demanda compte d’une joie aussi brutale.
– Tu me comprendrais difficilement, répondit-il. D’abord, il faudrait t’avouer que vous m’avez arrêté sur le quai Voltaire au moment où j’allais me jeter dans la Seine
; et tu voudrais, sans doute, connaître les motifs de ma mort. Mais quand j’a272jouterais que, par un hasard presque fabuleux, les ruines les plus poétiques du monde matériel venaient alors de se résumer à mes yeux par une traduction symbolique de la sagesse humaine; tandis qu’en ce moment les débris de tous les trésors intellectuels dont nous avons fait à table un si cruel pillage, aboutissent à ces deux femmes, images vives et originales de la folie, et que notre profonde insouciance des hommes et des choses a servi de transition aux tableaux fortement colorés de deux systèmes d’existence si diamétralement opposés, en seras-tu plus instruit? Si tu n’étais pas ivre, tu y verrais peut-être un traité de philosophie
– Si tu n’avais pas les deux pieds 273sur cette ravissante Aquilina, dont les ronflemens ont je ne sais quelle analogie avec le rugissement d’un orage près d’éclater, reprit Émile
qui, lui-même, s’amusait à rouler et à dérouler les cheveux d’Euphrasie sans trop avoir la conscience de cette innocente occupation, tu rougirais de ton ivresse et de ton bavardage. Tes deux systèmes peuvent entrer dans une seule phrase, et se réduisent à une pensée. La vie simple et mécanique conduit à quelque sagesse insensée, en étouffant notre intelligence par le travail; et la vie passée dans le vide des abstractions, ou dans les abîmes du monde moral, mène à quelque folle sagesse. En un mot, tuer les sentimens pour vivre vieux, ou mourir jeune en accep274tant le martyre des passions, voilà notre arrêt. Encore, cette sentence lutte-t-elle avec les tempéramens que nous a donnés le rude goguenard, auquel nous devons le patron de toutes les créatures.
– Imbécille, s’écria Raphaël en l’interrompant. Continue à t’abréger ainsi, tu feras des volumes! Si j’avais eu la prétention de formuler proprement ces deux idées, je t’aurais dit que l’homme se corrompt par l’exercice de la raison et se purifie par l’ignorance.
Mais c’est faire le procès aux sociétés! Or, que nous vivions avec les sages ou que nous périssions avec les fous, le résultat n’est-il pas, tôt ou tard, le même? Aussi, le grand abstracteur des quintessences a-t-il jadis exprimé ces deux systèmes en 275deux mots: CARYMARY, CARYMARA
– Tu me fais douter de la puissance de Dieu, car tu es plus bête qu’il n’est puissant, répliqua Émile. Notre cher Rabelais a résolu cette philosophie par un mot plus bref que Carymary, Carymara, c’est
PEUT-ÊTRE d’où Montaigne a pris son Que sais-je? et Charles Nodier le Qu’est-ce que cela me fait? de Breloque. Encore, ces derniers mots de la science morale ne sont-ils guère que l’exclamation de Pyrrhon restant entre le bien et le mal, comme l’âne de Buridan entre deux mesures d’avoine. Mais laissons là cette éternelle discussion, qui aboutit aujourd’hui à un oui et non. Quelle expérience voulais-tu donc faire en te 276jetant dans la Seine, étais-tu jaloux de la machine hydraulique du pont Notre-Dame?
– Ah! si tu connaissais ma vie.
– Ah
! ah! s’écria Émile, je ne te croyais pas si vulgaire, la phrase est usée. Ne sais-tu pas que nous avons tous la prétention de souffrir beaucoup plus que les autres.
– Ah! s’écria Raphaël.
– Mais tu es bouffon avec ton ah! Voyons? Une maladie d’ame ou de corps t’oblige-t-elle de ramener tous les matins, par une contraction de tes muscles, les chevaux qui
, le soir, doivent t’écarteler, comme, jadis, le fit Damien? As-tu mangé ton chien tout cru, sans sel, dans ta mansarde? Tes enfans t’ont-ils jamais dit: – Père, j’ai faim? As-tu vendu les che277veux de ta maîtresse, pour aller au jeu? As-tu été payer à un faux domicile, une fausse lettre de change, tirée sur un faux oncle, avec la crainte d’arriver trop tard? Voyons j’écoute. Si tu te jetais à l’eau pour une femme, pour un protêt, ou par ennui, je te renie. Confesse-toi, ne mens pas, je ne te demande point de mémoires historiques. Surtout, sois aussi bref que ton ivresse te le permettra; car je suis exigeant comme un lecteur, et prêt à dormir comme une femme qui lit ses vêpres.
– Pauvre sot! dit Raphaël. Depuis quand les douleurs ne sont-elles plus en raison de la sensibilité? Lorsque nous arriverons au degré de science qui nous permettra de faire une histoire naturelle des cœurs, de 278les nommer, de les classer en genres, en sous-genres, en familles, en crustacés, en fossiles, en sauriens, en microscopiques, en… que sais-je?
Alors, mon bon ami, ce sera chose prouvée qu’il en existe de tendres, de délicats, comme des fleurs, et qui doivent se briser, comme elles, par de légers froissemens auxquels certains cœurs minéraux ne sont même pas sensibles.
– Oh! de grâce, épargne-moi ta préface, dit Émile d’un air moitié riant moitié piteux
, en prenant la main de Raphaël.

FIN DE LA PREMIERE PARTIE.

1DEUXIÈME PARTIE
.

LA FEMME SANS CŒUR.

Après être resté silencieux pendant un moment, Raphaël dit en laissant échapper un geste d’insouciance:
Je ne sais, en vérité, s’il ne faut pas attribuer aux fumées du 2vin et du punch, l’espèce de lucidité qui me permet d’embrasser en cet instant toute ma vie comme un seul et même tableau, où les figures, les couleurs, les ombres, les lumières, les demi-teintes sont fidèlement rendues. Ce jeu poétique de mon imagination ne m’étonnerait pas, s’il n’était accompagné d’une sorte de dédain pour mes souffrances et pour mes joies passées. Vue à distance, ma vie est comme rétrécie par un phénomène moral. Cette longue et lente douleur qui a duré dix ans, peut aujourd’hui se reproduire par quelques phrases, dans lesquelles la douleur ne sera plus qu’une pensée, et le plaisir, une réflexion philosophique. Je juge, au lieu de sentir.
3– Tu es ennuyeux comme un amendement, s’écria Émile.
– C’est possible, reprit Raphaël sans murmurer. Aussi, pour ne pas abuser de tes oreilles, te ferai-je grâce des dix-sept premières années de ma vie. Jusque là, j’ai vécu comme toi, comme mille autres, de cette vie de
collège ou de lycée, dont maintenant, nous nous rappelons tous avec tant de délices les malheurs fictifs et les joies réelles; à laquelle notre gastronomie blasée redemande les légumes du vendredi, tant que nous ne les avons pas goûtés de nouveau. Cette belle vie dont nous méprisons les travaux, qui cependant nous ont appris le travail…
– Arrive au drame, dit Émile 4d’un air moitié comique et moitié plaintif.
– Quand je sortis du collége, reprit Raphaël en réclamant par un geste le droit de continuer, mon père m’astreignit à une discipline sévère
. Il me logea dans une chambre contiguë à son cabinet. Je me couchais dès neuf heures du soir et me levais à cinq heures du matin. Il voulait que je fisse mon Droit en conscience. J’allais en même temps à l’École et chez un avoué. Mais les lois du temps et de l’espace étaient si sévèrement appliquées à mes courses, à mes travaux, et mon père me demandait en dînant un compte si rigoureux de….
– Qu’est-ce que cela me fait? dit Émile.
5– Eh! que le diable t’emporte
! répondit Raphaël. Comment pourrais-tu concevoir mes sentimens si je ne te raconte les faits imperceptibles qui influèrent sur mon ame, la façonnèrent à la crainte, et me firent long-temps rester dans la naïveté primitive du jeune homme? Ainsi, jusqu’à vingt et un ans, j’ai été courbé sous un despotisme aussi froid que celui d’une règle monacale. Pour te révéler les tristesses de ma vie, il suffira peut-être de te dépeindre mon père. C’était un grand homme sec et mince, le visage en lame de couteau, le teint pâle, à parole brève, taquin comme une vieille fille, méticuleux comme un chef de bureau. Sa paternité planait au-dessus de mes lutines et joyeuses pensées, de manière à les 6enfermer sous un dôme de plomb. Quand je voulais lui manifester un sentiment doux et tendre, il me recevait comme si j’allais lui dire une sottise. Je le redoutais bien plus que nous ne craignions naguère nos maîtres d’étude. J’avais toujours huit ans pour lui. Je crois encore le voir devant moi: il se tenait droit comme un cierge pascal; et,, il avait l’air d’un hareng saur enveloppé dans la couverture rougeâtre d’un pamphlet. Et cependant j’aimais mon père! Au fond, il était juste. Mais peut-être ne haïssons-nous pas la sévérité quand elle est justifiée par un grand caractère, par des mœurs pures, et qu’elle est adroitement entremêlée de bonté.
Si mon père ne me quitta jamais; 7si, jusqu’à l’âge de vingt ans, il ne laissa pas dix francs à ma disposition, dix coquins, dix libertins de francs, trésor immense dont la possession vainement enviée me faisait rêver d’ineffables délices; du moins, il cherchait à me procurer quelques distractions; et, après m’avoir fait attendre un plaisir pendant des mois entiers, il me conduisait aux Bouffons, à un concert, à un bal, où j’espérais rencontrer une maîtresse. Une maîtresse! c’était, pour moi, l’indépendance. Mais honteux et timide, ne sachant point l’idiome des salons et n’y connaissant personne, j’en revenais le cœur toujours aussi neuf, et tout aussi gonflé de désirs. Puis, le lendemain, bridé comme un cheval d’escadron par mon père, il me fal8lait, dès le matin, retourner chez un Avoué, au Droit, au Palais. Vouloir m’écarter de la route uniforme qu’il m’avait tracée, c’eût été m’exposer à sa colère; il m’avait menacé de m’embarquer, à ma première faute, en qualité de mousse pour les Antilles; aussi me prenait-il un horrible frisson quand, par hasard, j’osais m’aventurer, pendant une heure ou deux, dans quelque partie de plaisir. Figure-toi l’imagination la plus vagabonde, le cœur le plus amoureux, l’ame la plus tendre, l’esprit le plus poétique, sans cesse en présence de l’homme le plus caillouteux, le plus atrabilaire, le plus froid du monde? Marie une jeune fille à un squelette, et tu comprendras l’existence dont tu m’interdis de te déve9lopper les scènes curieuses: projets de fuite évanouis à l’aspect de mon père, désespoirs calmés par le sommeil, désirs comprimés, sombres mélancolies dissipées par la musique. J’exhalais mon malheur en mélodies; souvent, Beethoven ou Mozart furent mes discrets confidens. Aujourd’hui, je souris en me souvenant de tous les préjugés qui troublèrent ma conscience à cette époque d’innocence et de vertu. Si j’avais mis le pied chez un restaurateur, je me serais cru ruiné. Mon imagination me faisait considérer un café comme un lieu de débauche où les hommes se perdaient d’honneur et engageaient leur fortune. Quant à risquer de l’argent au jeu, il aurait fallu en avoir. Oh! quand je devrais 10t’endormir, je veux te raconter l’une des plus terribles joies de ma vie, une de ces joies armées de griffes et qui s’enfoncent dans notre cœur comme un fer chaud sur l’épaule d’un forçat. J’étais au bal chez le duc de Navailles, cousin de mon père. Mais pour que tu puisses parfaitement comprendre ma position, il faut tout t’avouer. J’avais un habit râpé, des souliers mal faits, une cravate de cocher et des gants déjà portés. Je me mis dans un coin afin de pouvoir tout à mon aise prendre des glaces et contempler les jolies femmes. Mon père m’aperçut; et, par une raison que je n’ai jamais devinée, tant cet acte de confiance m’abasourdit, il me donna sa bourse et ses clefs à garder. À dix pas de moi, quelques hommes 11jouaient, et j’entendais frétiller l’or. J’avais vingt ans, et souhaitais passer une journée entière plongé dans les crimes de mon âge. C’était un libertinage d’esprit dont nous ne trouverions l’analogue ni dans les caprices de courtisane, ni dans les songes de jeune fille. Depuis un an, je me rêvais bien mis, en voiture, ayant une belle femme à mes côtés, tranchant du seigneur, dînant chez Véry, allant le soir au spectacle, et décidé à ne revenir que le lendemain chez mon père; mais armé, contre lui, d’une aventure plus intriguée que ne l’est le Mariage de Figaro, et dont il lui aurait été impossible de se dépêtrer. J’avais estimé toute cette joie cinquante écus. N’étais-je pas encore sous le charme naïf de l’école buissonnière? 12J’allai donc dans un boudoir où, seul, les yeux cuisans, les doigts tremblans, je comptai l’argent de mon père. Sa bourse contenait cent écus. Tout à coup, les joies de mon escapade apparurent devant moi visibles, dansant comme les sorcières de Macbeth autour de leur chaudière; mais alléchantes, frémissantes et délicieuses. Je devins un coquin déterminé. Sans écouter ni les tintemens de mon oreille ni les battemens précipités de mon cœur, je pris deux pièces de vingt francs que je vois encore! Les millésimes en étaient effacés, et la figure de Bonaparte y grimaçait. Après avoir mis la bourse dans ma poche, je revins vers une table de jeu, en tenant les deux pièces d’or dans la paume humide de 13ma main et je rôdai autour des joueurs comme un émouchet au-dessus d’un poulailler. En proie à des angoisses inexprimables, je jetai soudain un regard translucide autour de moi; puis, certain de n’être aperçu par aucune personne de ma connaissance, je pariai pour un petit homme gras et réjoui, sur la tête duquel j’accumulai plus de prières et de vœux qu’il ne s’en fait en mer, pendant trois tempêtes. Mais, avec un instinct de scélératesse et de machiavélisme dont Sixte-Quint eût été surpris, j’allai me planter près d’une porte, regardant à travers les salons sans y rien voir. Mon âme et mes yeux voltigeaient autour du fatal tapis vert. De cette soirée, date la première observation physiologique à laquelle 14j’ai dû cette espèce de pénétration qui m’a permis de saisir quelques mystères de notre double nature. En effet, je tournais le dos à la table où se disputait mon futur bonheur, bonheur d’autant plus profond peut-être, qu’il était criminel! il y avait, entre les deux joueurs et moi, toute une haie d’hommes, épaisse de quatre ou cinq rangées de causeurs; il s’élevait un bourdonnement de voix qui empêchait même de distinguer le son de l’or, qui se mêlait au bruit de l’orchestre; par un privilège accordé à toutes les passions et qui leur donne le pouvoir d’anéantir l’espace ou le temps, j’entendais distinctement les paroles des deux joueurs, je connaissais leurs points, 15je savais celui des deux qui retournait le roi, comme si j’eusse vu les cartes; et quoiqu’à dix pas du jeu, je pâlissais de ses caprices. Mon père passa devant moi tout à coup; je compris alors cette parole de l’Écriture: L’esprit de Dieu passa devant sa face! Mais j’avais gagné! À travers le tourbillon d’hommes qui gravitait autour des joueurs, j’accourus à la table en m’y glissant avec la dextérité d’une anguille qui s’échappe par la maille rompue d’un filet. De douloureuses, toutes mes fibres devinrent joyeuses. J’étais comme un condamné qui, marchant au supplice, a rencontré le roi. Le hasard fit qu’un homme décoré réclama quarante francs. Ils manquaient au jeu. Tous les regards tombèrent sur moi. 16Je pâlis, et des gouttes de sueur sillonnèrent mon front jeune. Le crime d’avoir volé mon père me parut bien vengé; mais le bon, gros, petit homme dit d’une voix certainement angélique: «Tous ces messieurs avaient mis,» et il paya les quarante francs. Alors je relevai mon front et jetai des regards triomphans sur les joueurs. Puis, après avoir réintégré dans la bourse de mon père l’or que j’y avais pris, je laissai mon gain à ce digne et honnête monsieur qui continua de gagner. Aussitôt que je me vis possesseur de cent soixante francs, je les enveloppai dans mon mouchoir de manière à ce qu’ils ne pussent ni remuer ni sonner pendant notre retour au logis, et je ne jouai plus.
– Que faisiez-vous au jeu? me dit 17mon père en entrant dans le fiacre.
– Je regardais, répondis-je en tremblant.
– Mais, reprit mon père, il n’y aurait eu rien d’extraordinaire à ce que vous eussiez été forcé par amour-propre à mettre quelque argent sur le tapis. Aux yeux des gens du monde, vous paraissez assez âgé pour avoir le droit de
faire des sottises. Ainsi, je vous excuserais, Raphaël, si vous vous étiez servi de ma bourse...
Je ne répondis rien. Quand nous fûmes de retour, je rendis à mon père ses clefs et son argent. En rentrant dans sa chambre, il vida la bourse sur sa cheminée
et compta l’or. Puis, il se tourna vers moi d’un air assez gracieux, et me dit en séparant chaque phrase par une pause 18plus ou moins longue et significative: – Mon fils, vous avez bientôt vingt ans. Je suis content de vous. Il vous faut une pension, quand ce ne serait que pour vous apprendre à économiser, à connaître les choses de la vie. Dès ce soir, je vous donnerai cent francs par mois. Vous disposerez de votre argent comme il vous plaira. Voici le premier trimestre de cette année, ajouta-t-il en caressant une pile d’or, comme pour vérifier la somme.
J’avoue que je fus prêt à me jeter à ses pieds, à lui déclarer que j’étais un brigand, un infâme, et
... pis que cela, un menteur! Mais la honte me retint. J’allais l’embrasser, il me repoussa faiblement.
– Maintenant
tu es un homme, 19mon enfant, me dit-il. Ce que je fais est une chose simple et juste dont tu ne dois pas me remercier. Si j’ai droit à votre reconnaissance, Raphaël, reprit-il d’un ton doux, mais plein de dignité, c’est pour avoir sauvé votre jeunesse des malheurs qui dévorent tous les jeunes gens, à Paris. Désormais nous serons comme deux amis. Vous deviendrez, dans un an, docteur en droit. Vous avez, non sans quelques déplaisirs et certaines privations, acquis les connaissances solides et l’amour du travail si essentiel aux hommes appelés à manier les affaires. Apprenez, Raphaël, à me connaître. Je ne veux faire de vous, ni un avocat, ni un notaire; mais un homme d’état qui puisse devenir la gloire de notre pauvre maison. À demain! ajouta-t-il 20en me renvoyant par un geste mystérieux.
Dès ce jour, mon père m’initia franchement à ses projets. J’étais fils unique et j’avais perdu ma mère depuis dix ans. Autrefois, peu flatté d’avoir le droit de labourer la terre l’épée au côté, mon père, chef d’une maison historique
, à peu près oubliée en Auvergne, vint à Paris pour y tenter le diable. Doué de cette finesse qui rend les hommes du midi de la France si supérieurs quand elle se trouve accompagnée d’énergie, il était parvenu sans grand appui, à prendre position au cœur même du pouvoir. La révolution renversa bientôt sa fortune; mais il avait su épouser l’héritière d’une riche maison, et s’était vu, sous l’em21pire, au moment de restituer à notre famille son ancienne splendeur. La restauration, qui rendit à ma mère des biens considérables, ruina mon père. Ayant jadis acheté plusieurs terres données par l’empereur à ses généraux, et situées en pays étranger, il luttait depuis dix ans avec des liquidateurs et des diplomates, avec les tribunaux prussiens et bavarois pour se maintenir dans la possession contestée de ces malheureuses dotations.
Aussitôt, mon
père me jeta dans le labyrinthe inextricable de ce vaste procès d’où dépendait notre avenir. Nous pouvions être condamnés à restituer les revenus par lui perçus, ainsi que le prix de certaines coupes de bois faites de 1814 à 1817; dans ce cas, le bien de ma mère suffi22sait à peine pour sauver l’honneur de notre nom. Ainsi le jour où mon père parut en quelque sorte m’avoir émancipé, je tombai sous le joug le plus odieux. Il fallut combattre comme sur un champ de bataille, travailler nuit et jour, aller voir des hommes d’état, tâcher de surprendre leur religion, tenter de les intéresser à notre affaire, les séduire, eux, leurs femmes, leurs valets, leurs chiens, et déguiser cet horrible métier sous des formes élégantes, sous d’agréables plaisanteries. Je compris tous les chagrins dont la figure de mon père portait l’empreinte. Pendant une année environ, je menai donc en apparence la vie d’un homme du monde; mais cette dissipation et mon empressement à me lier avec 23des parens en faveur ou avec les gens qui pouvaient nous être utiles, cachaient d’immenses travaux. Mes divertissemens étaient encore des plaidoiries, et mes conversations, des mémoires. Jusque là, j’avais été vertueux par l’impossibilité de me livrer à mes goûts de jeune homme; mais craignant de causer la ruine de mon père ou la mienne par une négligence, je devins mon propre despote. Je n’osais me permettre ni un plaisir ni une dépense. Lorsque nous sommes jeunes, quand, à force de froissemens, les hommes et les choses ne nous ont point encore enlevé cette fleur de sentiment si délicate, cette verdeur de pensée, cette noble et pure conscience qui ne nous laisse jamais transiger avec 24le mal, nous sentons vivement nos devoirs; notre honneur parle haut et se fait écouter; nous sommes francs et sans détour. Ainsi étais-je alors, et je voulus justifier la confiance de mon père. Naguère, je lui aurais dérobé délicieusement une chétive somme; mais, portant avec lui le fardeau de ses affaires, de son nom, de sa maison, je lui eusse donné secrètement mes biens, mes espérances, comme je lui sacrifiais mes plaisirs; heureux même de mon sacrifice! Aussi, quand M. de Villèle exhuma, tout exprès pour nous, un décret impérial sur les déchéances, et qu’il nous eut ruinés, signai-je la vente de mes propriétés, n’en gardant qu’une île sans valeur, située au milieu de la Loire et où se trou25vait le tombeau de ma mère. Aujourd’hui, peut-être, les argumens, les détours, les discussions philosophiques, philantropiques et politiques ne me manqueraient pas pour me dispenser de faire ce que mon avoué nommait une bêtise. Mais à vingt et un ans, nous sommes, je le répète, tout générosité, tout chaleur, tout amour. Les larmes que je vis dans les yeux de mon père furent alors, pour moi, la plus belle des fortunes; et le souvenir de ces larmes fait souvent ma consolation. Dix mois après avoir payé ses créanciers, mon père mourut de chagrin. Il m’adorait et m’avait ruiné. Cette idée le tua. Donc, en 1826, à l’âge de vingt-deux ans, vers la fin de l’automne, je suivis tout seul le convoi de mon 26premier ami, de mon père. Peu de jeunes gens se sont trouvés, seuls avec leurs pensées, derrière un corbillard, perdus dans Paris, sans avenir, sans fortune. Les orphelins recueillis par la charité publique ont au moins pour avenir le champ de bataille; pour père, le gouvernement ou le procureur du roi; pour refuge, un hospice. Moi je n’avais rien!
Trois mois après, un commissaire-priseur me remit onze cent douze francs, produit net et liquide de la succession paternelle. Des créanciers m’avaient obligé de faire la vente de notre mobilier. Accoutumé dès ma jeunesse à donner une grande valeur à tous les objets de luxe dont j’étais entouré, je ne pus m’empê27cher de marquer une sorte d’étonnement à l’aspect de ce reliquat exigu. – «Oh! me dit le commissaire-priseur, tout cela était bien rococoCe mot épouvantable flétrissait toutes les religions de mon enfance, et me dépouillait de mes premières illusions, les plus chères de toutes. Ma fortune se résumait par un bordereau de vente. Mon avenir gisait dans un sac de toile qui contenait onze cent douze francs. La société m’apparaissait en la personne d’un huissier-priseur qui me parlait le chapeau sur la tête. Enfin, un valet de chambre qui me chérissait, et auquel ma mère avait jadis constitué quatre cents francs de rente viagère, me dit en quittant la maison d’où j’étais si souvent sorti joyeusement 28en voiture, pendant mon enfance: – Soyez bien économe! monsieur Raphaël! Il pleurait, le bonhomme.
Tels sont, mon cher Émile, les événemens qui maîtrisèrent ma destinée, modifièrent mon ame, et me placèrent
, jeune encore, dans la plus fausse de toutes les situations sociales. Des liens de famille, mais faibles, m’attachaient à quelques maisons riches dont ma fierté m’aurait interdit l’accès, si le mépris et l’indifférence ne m’en avaient déjà fermé les portes. Ainsi, quoique parent de personnes très-influentes et prodigues de leur protection pour des étrangers, je n’avais ni parens ni protecteurs. Mon ame, sans cesse arrêtée dans ses expansions, s’était repliée sur elle-même; quoique plein 29de franchise et de naturel, je devais paraître froid, dissimulé. Le despotisme de mon père m’avait ôté toute confiance en moi; j’étais timide et gauche; je ne croyais pas que ma voix pût exercer le moindre empire; je me déplaisais; je me trouvais laid, j’avais honte de mon regard. Malgré la voix intérieure qui doit soutenir tous les hommes de talent dans leurs luttes, et qui me criait: Courage! marche! Malgré les révélations soudaines de ma puissance dans la solitude, malgré l’espoir dont j’étais animé en comparant les ouvrages nouveaux admirés du public, à ceux qui voltigeaient dans ma pensée, je doutais de moi, comme un enfant sans mère. J’étais la proie d’une excessive ambition, je me croyais destiné 30à de grandes choses et me sentais dans le néant. Puis, j’avais besoin des hommes, et je me trouvais sans amis; je devais me frayer une route dans le monde, et j’y restais seul parce que j’y étais honteux. Pendant l’année où je fus jeté par mon père dans le tourbillon de la haute société, j’y vins avec un cœur neuf, avec une ame fraîche; et, comme tous les grands enfans, j’aspirai secrètement à de belles amours. Je rencontrai, parmi les jeunes gens de mon âge, une secte de fanfarons qui allaient tête levée, disant des riens, s’asseyant sans trembler près des femmes qui me semblaient les plus imposantes, débitant des impertinences, mâchant le bout de leurs cannes, minaudant et se prostituant à eux-mêmes les 31plus jolies personnes, mettant ou prétendant avoir mis leurs têtes sur tous les oreillers, ayant l’air d’être au refus du plaisir, considérant les plus vertueuses, les plus prudes comme de prise facile et pouvant être conquises à la simple parole, au moindre geste hardi, par le premier regard insolent! Moi, je te le déclare, en mon ame et conscience, la conquête du pouvoir ou d’une grande renommée littéraire me paraissait un triomphe moins difficile à obtenir qu’un succès auprès d’une femme de haut rang, jeune, spirituelle et gracieuse. Ainsi je trouvai les troubles de mon cœur, mes sentimens, mes cultes en désaccord avec les maximes de la société. J’avais de la hardiesse, mais dans l’ame seulement, et non 32dans les manières. J’ai su plus tard, que les femmes ne voulaient pas être mendiées. J’en ai beaucoup vu, que j’adorais de loin, auxquelles je livrais un cœur à toute épreuve, une ame à déchirer, une énergie qui ne s’effrayait ni des sacrifices, ni des tortures: elles appartenaient à des sots dont je n’aurais pas voulu pour portiers. Combien de fois, muet, immobile, n’ai-je pas admiré la femme de mes rêves, surgissant dans un bal! Dévouant alors en pensée mon existence entière à des caresses éternelles, j’imprimais toutes mes espérances en un regard, et lui offrais, dans mon extase, un amour de jeune homme qui ne demandait qu’à être abusé. J’aurais, en certains momens, donné ma vie pour une seule nuit. Eh bien! 33n’ayant jamais trouvé d’oreilles à qui confier mes propos passionnés, de regards où reposer les miens, de cœur pour mon cœur, j’ai vécu dans tous les tourmens d’une impuissante énergie qui se dévorait elle-même, soit faute de hardiesse ou d’occasions, soit par inexpérience. Peut-être ai-je désespéré de me faire comprendre, ou tremblé d’être trop compris. Et, cependant, j’avais un orage tout prêt à chaque regard poli qui m’était adressé! Mais, malgré ma promptitude à prendre ce regard, ou des mots en apparence affectueux, comme de tendres engagemens, je n’ai jamais osé ni parler ni me taire. À force de sentiment, ma parole était insignifiante, et mon silence, stupide. J’avais sans doute trop de naï34veté pour une société factice qui ne vit qu’aux lumières, et rend toutes ses pensées avec des phrases convenues, avec des mots dictés par la mode; puis, je ne savais point parler en me taisant, ni me taire en parlant. Enfin, gardant en moi des feux qui me brûlaient; ayant une ame semblable à celles que les femmes paraissent jalouses de rencontrer; en proie à cette exaltation dont elles sont avides; possédant l’énergie dont se vantent les sots, je n’ai connu que des femmes à moi seul traîtreusement cruelles. Aussi, admirais-je naïvement les héros de coterie quand ils célébraient leurs triomphes, sans les soupçonner de mensonges. J’avais sans doute le tort de souhaiter un amour sur parole, de vouloir 35trouver grande et forte, dans un cœur de femme frivole et légère, affamée de luxe, ivre de vanité, cette passion large, cet océan qui battait tempestueusement dans mon cœur. Oh! se sentir né pour aimer, pour rendre une femme bien heureuse, et ne pas avoir trouvé même une courageuse et noble Marceline, ou quelque vieille marquise! Porter des trésors dans une besace, et ne pouvoir rencontrer, même une enfant, quelque jeune fille curieuse, pour les lui faire admirer. J’ai souvent voulu me tuer de désespoir…
– Joliment tragique
, ce soir, s’écria Émile.
– Eh! laisse-moi condamner ma vie, répondit Raphaël
, et plaider pour mon divorce avec elle! Si ton amitié 36ne te donne pas la force d’écouter mes élégies, si tu ne peux me faire crédit d’une demi-heure d’ennui, dors! Mais ne me demande plus compte de mon suicide qui gronde, qui se dresse, qui m’appelle et que je salue. Pour juger un homme, au moins faut-il être dans le secret de sa pensée, de ses malheurs, de ses émotions? Ne vouloir connaître de l’homme que les événemens matériels, c’est faire de la chronologie! L’histoire des sots!
Le ton amer avec lequel ces paroles furent prononcées frappa si vivement Émile que, dès ce moment, il prêta toute son attention à Raphaël
, en le regardant d’un air presque hébété.
– Mais, reprit le narrateur, main37tenant
, la lueur qui colore ces accidens leur prête un nouvel aspect. Chaque ordre de choses, que je considérais jadis comme un malheur, a dû engendrer les facultés, les forces dont, plus tard, je me suis enorgueilli. La curiosité philosophique, les travaux excessifs, l’amour de la lecture, qui, depuis l’âge de sept ans jusqu’à mon entrée dans le monde, ont constamment occupé ma vie, ne m’auraient-ils pas doué de la facile puissance avec laquelle, s’il faut vous en croire, je sais rendre mes idées et aller en avant dans le vaste champ des connaissances humaines? L’abandon auquel j’étais condamné, l’habitude de refouler mes sentimens et de vivre dans mon cœur, ne m’ont-ils pas investi du pou38voir de comparer, de méditer? Ma sensibilité ne s’étant pas perdue au service de ces irritations mondaines qui rapetissent la plus belle ame et la réduisent à l’état de guenille, ne s’est-elle pas concentrée pour devenir l’organe perfectionné d’une volonté plus haute que celle de la passion? Méconnu par les femmes, je me souviens de les avoir observées avec toute la sagacité de l’amour dédaigné. Maintenant, j’en suis certain, la sincérité de mon caractère a dû leur déplaire! Peut-être veulent-elles un peu d’hypocrisie? Mais, moi, qui suis, tour-à-tour, dans la même heure, enfant, homme, savant, futile, penseur, sans préjugés, plein de superstitions, et souvent femme comme elles, n’ont-elles pas dû prendre ma 39naïveté pour du cynisme, la pureté même de ma pensée pour du libertinage? La science leur était ennui; la langueur féminine, faiblesse; puis, cette excessive mobilité d’imagination, le malheur des poètes, me faisait sans doute juger comme un être incapable d’amour, sans constance dans les idées, sans énergie. Idiot, quand je me taisais, je les effarouchais peut-être quand j’essayais de leur plaire. Ainsi, toutes les femmes m’ont condamné. J’ai accepté, dans les larmes et le chagrin, l’arrêt porté par le monde. Cette peine a produit son fruit. Je voulus me venger de la société, je voulus posséder l’ame de toutes les femmes en me soumettant les intelligences, et voir tous les regards fixés sur moi quand mon nom 40serait prononcé par un valet à la porte d’un salon. Je m’instituai grand homme. Dès mon enfance, je m’étais frappé le front en me disant comme André de Chénier: «Il y a quelque chose là!» Je croyais sentir en moi une pensée à exprimer, un système à établir, une science à expliquer.
O
mon cher Émile! aujourd’hui que j’ai vingt-six ans à peine, que je suis sûr de mourir inconnu, sans avoir jamais été l’amant de la femme que j’ai rêvé de posséder, laisse-moi te conter toutes mes folies? N’avons-nous pas tous, plus ou moins, pris nos désirs pour des réalités? Ah! je ne voudrais pas, pour ami, d’un jeune homme qui ne se serait pas, dix fois dans ses rêves, tressé des couronnes, construit un piédestal ou 41dessiné de complaisantes maîtresses. Moi! j’ai souvent été général, empereur; j’ai été Byron, puis rien. Après avoir joué sur le faîte des choses humaines, je m’apercevais que j’avais encore toutes les montagnes, toutes les difficultés à gravir. Cet immense amour-propre qui bouillonnait en moi, cette croyance sublime à une destinée, et qui devient du génie, peut-être, quand un homme ne se laisse pas déchiqueter l’ame par le contact des affaires aussi facilement qu’un mouton abandonne sa laine aux épines des halliers où il passe; tout cela me sauva. Je voulus me couvrir de gloire et travailler dans le silence pour la maîtresse que j’espérais avoir un jour. Toutes les femmes se résumaient par une seule; et, cette femme, je 42croyais la rencontrer dans la première qui s’offrait à mes regards. Mais, voyant une reine dans chacune d’elles, toutes devaient, comme les reines qui sont obligées de faire des avances à leurs amans, venir un peu au devant de moi, souffreteux, pauvre et timide. Ah! pour celle qui m’eût plaint, j’avais dans le cœur tant de reconnaissance, outre l’amour, que je l’eusse adorée pendant toute sa vie.
Plus tard, mes observations m’ont appris de cruelles vérités. Ainsi, mon cher Émile, je risquais de vivre éternellement seul. Les femmes sont habituées, par je ne sais quelle pente de leur esprit, à ne voir dans un homme de talent, que ses défauts; et, dans un sot, que ses qualités; 43elles éprouvent de grandes sympathies pour les qualités du sot, qui sont une flatterie perpétuelle de leurs propres défauts; tandis que l’homme supérieur ne leur offre pas assez de jouissances pour compenser ses imperfections. Le talent est une fièvre intermittente, et nulle femme n’est bien jalouse d’en partager seulement les malaises. Toutes veulent trouver dans leurs amans des motifs de satisfaire leur vanité; ce sont elles encore qu’elles aiment en nous! Or, un homme pauvre, fier, artiste, doué du pouvoir de créer, n’est-il pas armé d’une espèce d’égoïsme? Il existe autour de lui je ne sais quel tourbillon de pensées dans lequel il enveloppe tout, même sa maîtresse qui doit en suivre le mouvement. Une femme 44adulée peut-elle croire à l’amour d’un tel homme? Ira-t-elle le chercher? Cet amant n’a pas le loisir de venir faire, autour d’un divan, ces petites singeries de sensibilité auxquelles les femmes tiennent tant, et qui sont le triomphe des gens faux et insensibles. À peine trouve-t-il assez de temps pour ses travaux, comment en dépenserait-il à se rapetisser, à se chamarrer? J’aurais donné ma vie d’un coup, et je ne l’aurais pas détaillée. Enfin, il existe dans le manège d’un agent de change qui fait les commissions d’une femme pâle et minaudière, je ne sais quoi de mesquin dont l’artiste a horreur. Il faut plus que de l’amour à un homme pauvre et grand, il a besoin de dévouement. Or, les petites créatures qui vivent de cachemires, ou se 45font les porte-manteaux de la mode, n’ont pas de dévouement; elles en exigent, et voient dans l’amour le plaisir de commander, non celui d’obéir. La véritable épouse en cœur, en chair et en os se laisse traîner là, où va celui en qui résident sa vie, sa force, sa gloire, son bonheur. Aux hommes supérieurs, il faut des femmes dignes d’eux, et qui les comprennent. Tous leurs malheurs viennent d’un désaccord entre eux et ce qui les entoure. Moi, qui me croyais homme de génie, j’aimais précisément ces petites maîtresses! Avec des idées si contraires aux idées reçues, avec la prétention d’escalader le ciel sans échelle, avec des trésors qui n’avaient pas cours, armé de connaissances étendues dont ma mémoire 46était surchargée et que je n’avais pas encore classées, que je ne m’étais point assimilées pour ainsi dire; me trouvant sans parens, sans amis, seul au milieu du plus affreux désert, un désert pavé, un désert animé, pensant, vivant, où tout vous est bien plus qu’ennemi, indifférent! la résolution que je pris était naturelle, quoique folle. Elle comportait je ne sais quoi d’impossible qui me donna du courage. Ce fut comme un pari fait avec moi-même, et dont j’étais le joueur et l’enjeu. Voici mon plan.
Mes onze cents francs devaient suffire à ma vie pendant trois ans,
et je m’accordais ces trois années pour mettre au jour un ouvrage qui pût attirer l’attention publique sur moi, me faire une fortune, un nom. Je 47me réjouissais en pensant que j’allais vivre de pain et de lait, comme un solitaire de la Thébaïde, plongé dans le monde des livres et des idées, dans une sphère inaccessible, au milieu de ce Paris si tumultueux; sphère de travail et de silence, où, comme les chrysalides, je me bâtissais une tombe, pour renaître brillant et glorieux. J’allais risquer de mourir pour vivre. En réduisant l’existence à ses vrais besoins, au strict nécessaire, je trouvais que trois cent soixante-cinq francs par an devaient suffire à mon luxe de pauvreté. En effet, cette maigre somme a satisfait à ma vie, tant que j’ai voulu subir ma propre discipline claustrale
– C’est impossible, s’écria Émile.
– J’ai vécu près de trois ans ainsi, 48répondit Raphaël avec une sorte de fierté. Comptons! reprit-il. Trois sous de pain, deux sous de lait, trois sous de charcuterie m’empêchaient de mourir de faim et tenaient mon esprit dans un état de lucidité singulière. J’ai observé, tu le sais, de merveilleux effets produits par la diète sur l’imagination. Mon logement me coûtait trois sous par jour
; je brûlais pour trois sous d’huile par nuit; je faisais moi-même ma chambre; je portais des chemises de flanelle pour ne dépenser que deux sous de blanchissage par jour; je me chauffais avec du charbon de terre, dont le prix divisé par les jours de l’année, n’a jamais donné plus de deux sous pour chacun; enfin, j’avais des habits, du 49linge, des chaussures pour trois années; c’était assez, je ne voulais m’habiller que pour aller à certains cours publics et aux bibliothèques. Toutes ces dépenses réunies ne faisant que dix-huit sous, il m’en restait deux pour les choses imprévues. Je ne me souviens pas d’avoir, pendant cette longue période de travail, passé le Pont-des-Arts, ni d’avoir jamais acheté d’eau; j’allais en chercher le matin, à la fontaine de la place Saint-Michel, au coin de la rue des Grès. Oh! je portais ma pauvreté fièrement. Un homme qui pressent un bel avenir, marche dans sa vie de misère comme un innocent conduit au supplice; il n’a point honte. Je n’avais pas voulu prévoir la maladie; mais, comme Aquilina, j’envisageais l’hôpital sans 50terreur. Je n’ai pas douté un moment de ma bonne santé. D’ailleurs, le pauvre ne doit se coucher que pour mourir. Je me coupai les cheveux, jusqu’au moment où un ange d’amour et de bonté…. mais je ne veux pas anticiper sur la situation à laquelle j’arrive. Apprends seulement, mon cher ami, qu’à défaut de maîtresse, je vécus avec une grande pensée, avec un rêve, un mensonge auquel nous commençons tous par croire plus ou moins. Aujourd’hui, je ris de moi, de ce moi, peut-être saint et sublime, qui n’existe plus.
La société, le monde, nos usages, nos mœurs, vus de près, m’ont révélé le danger de ma croyance innocente et la superfluité de mes fervens travaux. Tout cela est inutile à l’am51bitieux. Il faut peu de bagage à qui poursuit la fortune. La faute des hommes supérieurs est de dépenser leurs jeunes années à se rendre dignes d’elle. Pendant qu’ils thésaurisent et leurs forces et la science pour porter sans effort le poids d’une puissance qui les fuit, les intrigans, riches de mots et dépourvus d’idées, vont et viennent, surprennent les sots, se logent dans la confiance des demi-niais: les uns étudient, les autres marchent; les uns sont modestes, les autres hardis; l’homme de génie tait son orgueil, l’intrigant met le sien tout en dehors; celui-ci doit arriver nécessairement. Les hommes du pouvoir ont si fort besoin de croire au mérite tout fait, au talent effronté, qu’il y a, chez le 52vrai savant, de l’enfantillage à espérer des récompenses humaines. Je ne cherche certes pas à paraphraser les lieux communs de la vertu, le cantique des cantiques éternellement chanté par les gens qui ne parviennent à rien, mais je veux déduire logiquement la raison des fréquens succès obtenus par les hommes médiocres. Néanmoins, l’étude est si maternellement bonne, qu’il y a peut-être un crime à lui demander des récompenses, autres que les pures et douces joies dont elle nourrit ses enfans. Je me souviens d’avoir quelquefois trempé gaiement mon pain dans mon lait, assis auprès de ma fenêtre, en respirant l’air du ciel, en laissant planer mes yeux sur un 53paysage de toits bruns, grisâtres, rouges, en ardoises, en tuiles, couverts de mousses jaunes ou vertes. Si d’abord cette vue me parut monotone, bientôt j’y découvris de singulières beautés: tantôt, le soir, des raies lumineuses, parties des volets mal fermés, nuançaient et animaient les noires profondeurs de ce pays original; tantôt les lueurs pâles des réverbères projetaient d’en bas des reflets jaunâtres à travers le brouillard, et accusaient faiblement les rues dans les ondulations de ces toits pressés, océan de vagues immobiles. Parfois, de rares figures apparaissaient au milieu de ce morne désert. Parmi les fleurs de quelque jardin aérien, j’entrevoyais le profil anguleux et crochu d’une vieille femme arrosant des ca54pucines, ou dans le cadre d’une lucarne pourrie, quelque jeune fille faisant sa toilette, se croyant seule, et dont je ne pouvais apercevoir que le beau front et les longs cheveux élevés en l’air par un joli bras blanc. J’admirais dans les gouttières quelques végétations éphémères, pauvres herbes bientôt emportées par un orage! J’étudiais les mousses, leurs couleurs ravivées par la pluie, et qui, sous le soleil, se changeaient en un velours sec et brun à reflets capricieux. Enfin, les poétiques et fugitifs effets du jour, les tristesses du brouillard, les soudains pétillemens du soleil, le silence et les magies de la nuit, les mystères de l’aurore, les fumées de chaque cheminée, tous les accidens de cette singulière nature m’étaient de55venus familiers et me divertissaient. J’aimais ma prison, peut-être parce qu’elle était volontaire. Ces savanes de Paris formées par des toits nivelés comme une plaine, mais qui couvraient des abîmes peuplés, allaient à mon ame et s’harmoniaient avec mes pensées. Il est fatigant de retrouver brusquement le monde quand nous descendons des hauteurs célestes où nous entraînent les méditations scientifiques. Aussi, ai-je alors parfaitement conçu la nudité des monastères.
Quand je fus bien résolu à suivre mon nouveau plan de vie, je cherchai mon logis dans les quartiers les plus déserts de Paris. Un soir, en revenant de l’Estrapade, je passais par la rue des Cordiers pour retourner chez 56moi. À l’angle de la rue de Cluny, je vis une petite fille d’environ quatorze ans, qui jouait au volant avec une de ses camarades, et dont les rires et les
espiégleries amusaient les voisins. Il faisait beau, la soirée était chaude, le mois de septembre durait encore. Devant chaque porte, des femmes étaient assises et devisaient comme dans une ville de province par un jour de fête. J’observai d’abord la jeune fille dont la physionomie était d’une admirable expression, et le corps, tout posé pour un peintre. C’était une scène ravissante. Puis, cherchant la cause de cette bonhomie au milieu de Paris, je remarquai que la rue n’aboutissait à rien, et ne devait pas être très passante. En me rappelant le séjour de 57J.-J. Rousseau dans ce lieu, je trouvai l’hôtel Saint-Quentin, et le délabrement dans lequel il était me fit espérer d’y rencontrer un gîte peu coûteux. Je voulus le visiter. En entrant dans une chambre basse, je vis les classiques flambeaux de cuivre garnis de leurs chandelles, tous méthodiquement rangés au-dessus de chaque clef, et je fus frappé de la propreté qui régnait dans cette salle, ordinairement assez mal tenue dans les autres hôtels. Elle était peignée comme un tableau de genre, et les ustensiles, les meubles, le lit bleu avaient la coquetterie d’une nature de convention. La maîtresse de l’hôtel, femme de quarante ans environ, qui avait des malheurs écrits dans ses traits, et dont le regard était comme 58terni par des pleurs, se leva, et vint à moi. Je lui soumis humblement le tarif de mon loyer. Sans en paraître étonnée, elle chercha une clef parmi toutes les autres, et me conduisit dans les mansardes, où elle me montra une chambre qui avait vue sur les toits, sur les cours obscures des maisons voisines, et par les fenêtres desquelles passaient de longues perches chargées de linge. Rien n’était plus horrible que cette mansarde aux murs jaunes et sales qui sentait la misère et appelait son savant. La toiture s’en abaissait irrégulièrement et les tuiles disjointes y laissaient voir le ciel. Il y avait place pour un lit, une table, quelques chaises, et, sous l’angle obtus du toit, je pouvais loger mon piano. N’étant pas assez riche pour meubler 59cette cage digne des plombs de Venise, la pauvre femme n’avait jamais pu la louer. Ayant précisément excepté, de la vente mobilière que je venais de faire, les objets qui m’étaient en quelque sorte personnels, je fus bientôt d’accord avec mon hôtesse, et le lendemain je m’installai chez elle.
Je vécus dans ce sépulcre aérien pendant près de trois ans, travaillant nuit et jour sans relâche, avec tant de plaisir que l’étude me semblait être le plus beau thème, la plus heureuse solution d’une vie humaine. Le calme et le silence nécessaires au savant, ont je ne sais quoi de doux, d’enivrant comme l’amour. L’exercice de la pensée, la recherche des idées, les contemplations tranquilles de la 60science nous prodiguent d’ineffables délices, indescriptibles, comme tout ce qui participe de l’intelligence dont les phénomènes sont invisibles à nos sens extérieurs; aussi, sommes-nous toujours forcés d’expliquer les mystères de l’esprit par des comparaisons matérielles. Ainsi, le plaisir de nager dans un lac d’eau pure, au milieu des rochers, des bois, des fleurs, seul, caressé par une brise tiède, donnerait aux ignorans une bien faible image du bonheur que j’éprouvais quand mon ame était baignée dans les lueurs de je ne sais quelle lumière, quand j’écoutais les voix terribles et confuses de l’inspiration, quand les images ruisselaient dans mon cerveau palpitant. Oh! voir une idée qui 61pointe dans le champ des abstractions humaines comme le lever du soleil au matin, et s’élève comme lui; qui mieux encore, grandit comme un enfant, arrive à la puberté, se fait lentement virile, est une joie supérieure aux autres joies terrestres ou plutôt c’est un divin plaisir. L’étude prête une sorte de magie à tout ce qui nous environne. Le bureau chétif sur lequel j’écrivais et la basane brune dont il était couvert, mon piano, mon lit, mon fauteuil, les bizarreries de mon papier de tenture, mes meubles, toutes ces choses s’animèrent, et devinrent pour moi d’humbles amis, les complices silencieux de mon avenir. Combien de fois, ne leur ai-je pas communiqué mon âme, en les regardant! Souvent en laissant voyager mes 62yeux sur une moulure déjetée, je rencontrais des développemens nouveaux, une preuve frappante de mon système ou des mots que je croyais heureux pour rendre des pensées presque intraduisibles. À force de contempler les objets dont j’étais entouré, je trouvais à chacun sa physionomie, son caractère; souvent ils me parlaient, et si, par dessus les toits, le soleil couchant leur jetait à travers mon étroite fenêtre quelque lueur furtive, ils se coloraient, pâlissaient, brillaient, s’attristaient ou s’égayaient, en me surprenant toujours par une multitude d’effets originaux. Ces menus accidens de la vie solitaire échappent aux préoccupations du monde, mais ils sont la consolation des prisonniers. N’étais-je pas cap63tivé par une idée, emprisonné dans un système, mais soutenu par la perspective d’une vie glorieuse. À chaque difficulté vaincue, je baisais les mains douces de la femme aux beaux yeux, élégante, riche, qui devait un jour caresser mes cheveux en me disant avec attendrissement: Tu as bien souffert, pauvre ange!
J’avais entrepris deux grandes œuvres.
D’abord, une comédie qui devait me donner, en peu de jours, une renommée, une fortune, et l’entrée de ce monde où je voulais reparaître pour y exercer les droits régaliens de l’homme de génie. Vous avez tous vu dans mon chef-d’œuvre la première erreur d’un jeune homme qui sort du collége, une véritable niaiserie d’enfant. Vos plaisanteries ont détruit de fécondes illusions, 64qui, depuis, ne se sont plus réveillées. Mais, toi seul, mon cher Émile, as calmé la plaie profonde que d’autres firent à mon cœur, toi seul admiras ma Théorie de la volonté, ce long ouvrage, pour lequel j’avais appris les langues orientales, l’anatomie, la physiologie, et auquel j’avais consacré la plus grande partie de mon temps; œuvre qui, si je ne me trompe, doit compléter les travaux de Mesmer, de Lavater, de Gall, de Bichat, en ouvrant une nouvelle route à la science humaine. s’arrête ma belle vie, cette vie secrète, ce sacrifice de tous les jours, ce travail de ver-à-soie inconnu au monde et dont la seule récompense est peut-être dans le travail même. Depuis l’âge de raison jusqu’au jour 65où j’eus terminé ma théorie, j’ai observé, appris, écrit, lu sans relâche, et ma vie fut comme un long pensum. Amant efféminé de la paresse orientale, amoureux de mes rêves, sensuel, j’ai toujours travaillé, me refusant à toutes les jouissances de la vie. Gourmand, j’ai été sobre. Aimant et la marche et les voyages maritimes, désirant visiter plusieurs pays, trouvant encore du plaisir à faire, comme un enfant, ricocher des cailloux sur l’eau, je suis resté constamment assis, une plume à la main. Bavard, j’allais écouter en silence les professeurs aux Cours publics de la Bibliothèque et du Muséum. J’ai dormi sur mon grabat solitaire comme un religieux de l’ordre de Saint-Maur, et la femme était cependant 66ma seule chimère, une chimère que je caressais et qui me fuyait toujours. Enfin, ma vie a été une cruelle antithèse, un perpétuel mensonge. Puis, jugez donc les hommes! Parfois tous mes goûts naturels se réveillaient comme un incendie long-temps couvé. Alors, par une sorte de mirage ou de calenture, moi, veuf de toutes les femmes que je désirais, dénué de tout et logé dans une mansarde d’artiste; je me voyais entouré de maîtresses ravissantes; je courais à travers les rues de Paris, couché sur les moelleux coussins d’un brillant équipage; j’étais rongé de vices, plongé dans la débauche, voulant tout, ayant tout; ivre, à jeun, comme saint Antoine dans sa tentation. Heureusement le sommeil finissait par 67engloutir toutes ces visions dévorantes. Le lendemain, la Science m’appelait en souriant, et je lui étais fidèle. J’imagine que les femmes dites vertueuses doivent être souvent la proie de ces tourbillons de folie, de désirs et de passions qui s’élèvent en nous, malgré nous. De tels rêves ne sont pas sans charmes. Ne ressemblent-ils pas à ces causeries du soir, en hiver, où l’on part de son foyer pour aller en Chine. Mais que devient la vertu, pendant ces délicieux voyages où la pensée franchit tous les obstacles?
Pendant les dix premiers mois de ma réclusion, je menai la vie pauvre et solitaire que je t’ai dépeinte
; j’allais chercher moi-même, dès le matin et sans être vu, mes provisions pour la 68journée; je faisais ma chambre; j’étais tout ensemble, le maître, le serviteur, et diogénisais avec une incroyable fierté. Mais après ce temps, pendant lequel l’hôtesse et sa fille espionnèrent mes mœurs et mes habitudes, examinèrent ma personne et comprirent ma misère peut-être, parce qu’elles étaient elles-mêmes fort malheureuses, il s’établit d’inévitables liens entre elles et moi. La petite Pauline, cette charmante créature dont les grâces naïves et secrètes m’avaient en quelque sorte amené là, me rendit plusieurs services qu’il me fut impossible de refuser. Toutes les infortunes sont sœurs, elles ont le même langage, la même générosité, la générosité de ceux qui, ne possédant rien, sont prodigues de sentiment, payent 69de leur temps et de leur personne. Insensiblement Pauline s’impatronisa chez moi. Elle voulut me servir, et sa mère ne s’y opposa point. Je vis la mère elle-même raccommodant mon linge et rougissant d’être surprise à cette charitable occupation. Malgré moi, je devins leur protégé, j’acceptai leurs services. Pour comprendre cette singulière affection, il faut connaître l’emportement du travail, la tyrannie des idées et cette répugnance instinctive dontpensée, est saisi pour les détails de la vie mécanique. Pouvais-je résister à la délicate attention avec laquelle Pauline m’apportait, à pas muets, mon repas frugal, quand elle s’apercevait que, depuis sept ou huit heures, je n’avais rien pris? Avec 70les grâces de la femme et l’ingénuité de l’enfance, elle me souriait en me faisant un signe pour me dire que je ne devais pas la voir. C’était Ariel se glissant comme un sylphe sous mon toit, et prévoyant mes besoins.
Un soir, Pauline me raconta son histoire avec une touchante ingénuité. Son père était chef d’escadron dans les grenadiers à cheval de la garde impériale. Au passage de la Bérésina, il avait été fait prisonnier par les
Russes. Plus tard, quand Napoléon proposa de l’échanger, les autorités russes le firent vainement chercher en Sibérie. Au dire des autres prisonniers, il s’était échappé avec le projet d’aller aux Indes. Depuis ce temps, madame Gaudin, mon hôtesse, n’avait pu obtenir aucune 71nouvelle de son mari. Les désastres de 1814 et 1815 étaient arrivés. Alors, se trouvant seule, sans ressources et sans secours, elle avait pris le parti de tenir un hôtel garni, pour faire vivre sa fille. Elle espérait toujours revoir son mari. Son plus cruel chagrin était de laisser Pauline sans éducation, sa Pauline, filleule de la princesse Borghèse, et qui n’aurait pas dû mentir aux belles destinées promises par son impériale protectrice. Quand madame Gaudin me confia cette amère douleur qui la tuait, et qu’elle me dit avec un accent déchirant: «Je donnerais bien et le chiffon de papier qui a créé Gaudin baron de l’empire, et le droit que nous avons à la dotation de Wistchnau, pour savoir Pauline élevée à Saint-72Denis.» Tout à coup, je tressaillis, et j’eus l’idée, pour reconnaître tous les soins dont j’étais devenu l’objet, de m’offrir à faire l’éducation de Pauline. La candeur avec laquelle on accepta ma proposition fut égale à la naïveté qui la dictait. J’eus ainsi des heures de récréation. Pauline avait les plus heureuses dispositions. Elle apprit avec tant de facilité, qu’elle devint bientôt plus forte que je ne l’étais sur le piano. En s’accoutumant à penser tout haut, près de moi, elle déployait les mille gentillesses d’un cœur qui s’ouvre à la vie comme le calice d’une fleur lentement déployée par le soleil. Elle m’écoutait avec recueillement et plaisir, en arrêtant sur moi ses yeux noirs et veloutés qui semblaient sourire. Elle répétait ses leçons d’un accent doux 73et caressant, en témoignant une joie enfantine quand j’étais content d’elle. Sa mère, chaque jour plus inquiète d’avoir à préserver de tout danger une jeune fille qui développait en croissant toutes les promesses faites par les grâces de son enfance, la vit avec plaisir s’enfermer pendant toute la journée, pour lire et apprendre des leçons. Mon piano étant le seul dont elle pût se servir, elle profitait de mes absences pour étudier. Quand je rentrais, je la trouvais chez moi, dans la toilette la plus modeste; mais au moindre mouvement qu’elle faisait